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Chroniques

Un appel à la liberté ?

Chroniques | publié le : 11.07.2022 | Yvan William

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Yvan William : La chronique Juridique

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La chronique jurdique d'Yvan William

L’actualité juridique nous rappelle parfois le sens des libertés et des responsabilités.

La liberté d’expression et le droit d’expression directe des salariés sur leurs conditions de travail sont bien entendu légalement protégés et consacrés dans l’entreprise. Ces droits se heurtent cependant à la protection des personnes contre les propos injurieux ou diffamatoires dont le socle légal est hérité du droit de la presse.

Vieille antienne, cette confrontation alimente bien des contentieux devant les juridictions civiles, mais également pénales qui disposent souvent de chambres spécialisées pour traiter ces contentieux très techniques.

Il était cette fois-ci question de plusieurs courriers adressés par un cadre supérieur, directeur de filiale, aux instances dirigeantes de son groupe concernant l’attitude de son prédécesseur et les choix stratégiques.

Les propos de ce collaborateur jugés peu amènes par sa direction lui ont valu un licenciement pour faute grave.

Il saisit le conseil de prud’hommes afin qu’il prononce la nullité de cette mesure pour violation de sa liberté fondamentale d’expression et de son droit d’alerte professionnelle.

« … le management en place avant mon arrivée est incompétent, gravement incompétent », « personne n’est à la hauteur », « les limites de la gestion à distance de M. (présent trois jours par an selon la rumeur) sont criantes », « concernant l’éthique, la situation est tout aussi dramatique », « j’ai une seule question : la direction de [la société] qui ne mettait presque jamais les pieds en Roumanie a-t-elle sciemment laissé perdurer cette situation ou a-t-elle, par manque d’implication, laissé toute latitude à un management local incompétent et corrompu ? »

Les propos cités, qui peuvent paraître, en premier lieu, subjectifs et excessifs, cèdent la place ensuite à l’évocation de manquements graves à la sécurité d’un site dont l’intéressé, bien qu’en total désaccord avec sa hiérarchie, a pleinement assumé la responsabilité.

Ce salarié dénonce en réalité la gestion désastreuse de la filiale étrangère dont il a repris la direction tant sur le terrain économique et financier qu’en termes d’infractions graves et renouvelées à la législation sur le droit du travail. Ces différents courriers font en réalité suite à l’absence de réaction de sa hiérarchie qu’il avait alertée récemment sur des problèmes majeurs de sécurité et de corruption imputables à la gestion antérieure et à un accident grave.

Les juges prud’homaux et d’appel confirment la nullité du licenciement et considèrent que les propos de ce cadre ne sont ni injurieux, ni diffamatoires, ni excessifs.

Cet arrêt du 29 juin 2022 (n° 20-16.060) est intéressant en ce qu’il place au centre du débat la liberté d’expression et le statut du lanceur d’alerte professionnelle. Loin des invectives ou des dénigrements reposant sur des faits inventés ou avérés, des situations de vengeance ou de détresse, c’est un cadre en responsabilité qui met en cause la gestion dont il hérite.

La question de la réalité des situations rapportées n’est pas particulièrement débattue alors que cette question aurait été plus importante devant la juridiction pénale, notamment en cas d’action en diffamation.

Le caractère répréhensible des propos, rejeté en l’espèce, repose souvent, devant les juges civils, sur l’excès, et pour mieux le dire en droit, l’abus de la liberté d’expression.

Il me semblait qu’à la veille des départs en congés estivaux, après une année peut être chargée et la lassitude qui gagne parfois certains face aux comportements de leur supérieur, cette décision était à méditer…

Bel été à toutes et à tous !

Auteur

  • Yvan William