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Prévention : Le harcèlement sexuel au travail, un fléau qui persiste

Le point sur | publié le : 27.06.2022 | Nathalie Tissot

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Prévention : Le harcèlement sexuel au travail, un fléau qui persiste

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Depuis le 31 mars, la notion de harcèlement sexuel au travail est élargie aux propos ou comportements sexistes. Bien que les entreprises affichent de plus en plus leur engagement sur ces questions, ces situations sont encore très – trop – nombreuses…

Le directeur de la création de l’agence Havas Paris mis à pied après une accusation d’agression sexuelle mi-mai, la RATP condamnée en décembre 2021 par le conseil des prud’hommes à verser 15 000 euros de dommages et intérêts à une de ses salariées pour harcèlement sexuel… Les affaires comme celles-ci sont nombreuses et de plus en plus médiatisées, des comptes comme « Balance ton Agency » ou « Balance ta start-up » ayant contribué à libérer la parole sur les réseaux sociaux. Mais elles ne représentent que la partie émergée de l’iceberg.

Dans un sondage Ekilibre Conseil-OpinionWay, 60 % des salarié(e)s interrogé(e)s déclarent ainsi avoir été exposé(e)s à au moins un agissement à connotation sexiste et/ou sexuelle dans le cadre de leur travail au cours des douze derniers mois ; un(e) salarié(e) sur dix affirme avoir subi des contacts physiques sans consentement. Ces résultats édifiants ont été publiés fin mars alors que la notion de harcèlement sexuel au travail s’élargissait aux propos ou comportements à connotation sexiste.

« Rajouter la connotation sexiste n’apporte pas grand-chose », tempère d’entrée de jeu Marilyn Baldeck, la déléguée générale de l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT). « Nous avions déjà depuis 2015 dans le Code du travail l’interdiction de tout agissement sexiste au singulier », rappelle-t-elle. Remarques et blagues, interpellations familières, fausse séduction… le sexisme ordinaire est souvent difficile à identifier. Le Haut Conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes constatait début mars « un décalage constant entre d’un côté le vécu du sexisme, persistant, systémique et massif, et la conscience qu’il faut y répondre, quasiment unanime ; et de l’autre, l’incapacité à le déceler réellement, notamment lorsqu’il se manifeste au quotidien. » Pourtant, le harcèlement sexuel, puni par la loi, affecte la productivité et l’image de l’entreprise.

Dans le sondage Ekilibre Conseil-OpinionWay, près de 40 % des personnes exposées affirment que ces agissements ont encore des conséquences sur leur bien-être. « Évidemment, cela a un impact sur leur engagement, leur efficacité au travail, l’absentéisme et l’ambiance des équipes », commente Jean-Christophe Villette, directeur associé d’Ekilibre conseil. Même sans être visés directement, « cela peut avoir un effet sur les salariés témoins, qui ne se reconnaissent plus dans les valeurs de l’entreprise », ajoute-t-il en conseillant d’évaluer l’efficacité des mesures mises en œuvre par les entreprises.

Celles de plus de 250 salariés doivent se doter depuis 2019 d’un référent employeur en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. Il s’ajoute au référent salarié présent au CSE dans les entreprises de plus de onze salariés. Mais d’après Marilyn Baldeck : « Il y a des entreprises de plus de 250 salariés dans lesquelles il n’y a toujours pas de référent employeur. Et quand ces référents sont nommés, nous observons que cela ne sert pas à grand-chose car l’employeur nomme le ou la DRH qui avait déjà comme prérogative de traiter ces dossiers… »

Sensibiliser

Chez L’Oréal – qui a mis en place une charte éthique dès 2 000 s’appliquant à tous les salariés du groupe et de ses filiales – une cinquantaine de référents harcèlement sexuel salariés et employeur maillent le territoire français. « Nous avons pris le parti de ne pas faire de distinction entre les référents DRH et les référents élus, de les former ensemble lors de journées communes pour qu’ils aient le même niveau d’information, précise Adeline Thomas, la directrice juridique relations humaines France. Une entreprise qui travaille sur la sensibilisation par le théâtre nous a aidés, via des saynètes, à les former. » Le reste des collaborateurs, notamment sur les sites industriels, sont eux aussi sensibilisés à mieux identifier les situations de sexisme ordinaire.

Au-delà de la prévention, services d’écoute et enquêtes internes pour gérer les signalements se sont développés dans le secteur privé et public. « Il y a une obligation des collectivités de mettre en place des cellules de signalement depuis 2020 », confirme Mathilde Icard, présidente de l’association des DRH des grandes collectivités. Dans la fonction publique territoriale, qui emploie 1,7 million d’agents, les enquêtes administratives pouvant mener à la révocation sont activées par les DRH. « Le point crucial, souvent un point de blocage dans énormément d’entreprises ou d’administrations, est l’indépendance de la procédure disciplinaire par rapport à la procédure pénale. Le cœur de notre formation est de leur expliquer que leur obligation de sécurité (art L. 4121 du Code du travail) prime », insiste Marilyn Baldeck.

« Il y a des moments où la victime n’est pas prête à lever l’anonymat, où elle ne veut pas qu’il y ait d’action », soulève cependant Mathilde Icard qui pointe l’enjeu de concilier le temps de la victime et « notre obligation, quand il y a un fait pénalement répréhensible, d’activer une enquête et de proposer une procédure disciplinaire ». Les capacités d’écoute et de dialogue du DRH sont alors primordiales.

Initiative #stope au sexisme ordinaire en entreprise

Lancée en 2018 par Accor, EY et L’Oréal, l’initiative #StOpE (Stop au sexisme ordinaire en entreprise) compte désormais plus de 150 organisations ayant signé l’acte d’engagement en huit points. Parmi eux figure celui d’« afficher et appliquer le principe de tolérance zéro ». « Nous contrôlons que des actions sont mises en place, et nous demandons une fois par an des remontées », souligne Anne-Laure Thomas, directrice Diversités, équité et inclusion de L’Oréal en France, pour ajouter : « L’idée n’est pas de juger les entreprises, mais de les aider à progresser. » Dans cette perspective, tous les trois mois, les membres partagent leurs bonnes pratiques. « Nous avons accueilli cette année beaucoup plus de PME. C’est important car nous leur transmettons les outils », se félicite l’instigatrice de l’initiative. Un baromètre pour évaluer l’étendue du sexisme au sein des organisations signataires est également publié tous les deux ans.

Harcèlement sexuel d’ambiance

Selon le Défenseur des droits, le harcèlement sexuel peut être caractérisé lorsque les agissements visent directement la victime, mais aussi à partir du moment où la victime évolue dans un environnement professionnel marqué par des comportements et propos sexistes et à connotation sexuelle (cour d’appel d’Orléans, chambre sociale, 7 février 2017, n° 15-02566).

Auteur

  • Nathalie Tissot