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Prospective : La révolution RH est déjà lancée

Tendances | publié le : 20.06.2022 | Gilmar Sequeira Martins

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Prospective : La révolution RH est déjà lancée

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

 

Recruter autrement, redonner un sens au « bureau », devenir « data driven », doter les collaborateurs de compétences comportementales… Les transformations en cours vont marquer les années à venir pour les spécialistes RH. Tour d’horizon des grandes tendances.

La révolution RH, ou plutôt, les révolutions RH, sont déjà là ! La plus importante concerne sans doute le recrutement. Longtemps un casse-tête, l’exercice vire au supplice chinois. Et pour Pierre Bentata, directeur du cabinet Asterès, il va rester sur la table pour un bon moment. « Le problème du recrutement aujourd’hui ne tient ni au coût du travail ni aux perspectives économiques, mais à la difficulté de trouver des candidats disposant des compétences requises, dit-il. Les entreprises ont besoin de personnes ayant des connaissances étendues dans leur domaine d’activité et des compétences numériques, et n’en trouvent pas. » De plus, le télétravail exacerbe la concurrence, en permettant à davantage d’entreprises de solliciter des candidats. Enfin, la transition énergétique crée une pénurie encore plus aiguë puisque toutes les entreprises recherchent les mêmes compétences…

Autre mutation majeure – et inattendue : la remise en cause du « bureau ». La généralisation du télétravail a dénoué un lien qui paraissait acquis : l’activité professionnelle prévue dans les locaux de l’employeur. Grâce à plusieurs vagues d’enquête depuis le début 2020, qui ont permis de recueillir les réponses de 16 000 salariés, le cabinet JLL a réussi à cerner les contours d’une attitude nouvelle vis-à-vis du bureau, explique Flore Pradère, directrice de recherche et prospective. « Si les salariés reconnaissent aux bureaux et au télétravail des vertus bien distinctes, dit-elle, l’articulation entre travail individuel à distance et travail collaboratif au bureau reste difficile dans la pratique. Les sondés déclarent qu’au bureau, ils passent la moitié de leur temps en travail individuel… Dans les faits, il apparaît très difficile de synchroniser parfaitement les préférences individuelles en matière de jours de télétravail, les besoins de rencontre en présentiel de l’équipe et la disponibilité des espaces, puisque la plupart du temps, les salariés viennent au bureau les mêmes jours… » Le processus reste donc délicat à « phaser » et va exiger un pilotage managérial appuyé, équipe par équipe, au-delà des grands accords d’entreprise.

Data et soft skills

La data continue de progresser et d’enrichir les fonctions. Ainsi, AXA France a adopté un outil spécifique afin de mieux faire coïncider une offre avec le profil d’un collaborateur en démarche de mobilité. « C’est un enjeu important pour AXA France, où les collaborateurs disposent d’une expertise forte et restent habituellement assez longtemps au même poste, explique Caroline Baret, responsable de la transformation RH. Nous avons pour ambition de mettre en mouvement l’entreprise, ce qui implique d’inciter et de faciliter la mobilité interne. C’est un élément important de fidélisation mais aussi de performance collective. Pour un collaborateur, la mobilité permet d’accéder à un nouveau regard et de mobiliser sa capacité de transformation. » AXA France souhaite ainsi « préserver les expertises fortes de ses collaborateurs tout en ouvrant des passerelles entre métiers, dans un esprit entrepreneurial », explique-t-elle.

Enfin, dernière tendance structurante : l’émergence des compétences comportementales, ou soft skills. Comme pour la montée en puissance des compétences techniques, La Banque Postale en a fait un levier majeur pour atteindre son objectif stratégique : devenir la banque préférée des Français. Après une étude de ses besoins et de l’évolution du marché de l’emploi, l’établissement a conclu qu’il devrait faire appel à neuf compétences comportementales « spécifiques », regroupées en trois « méta-compétences » : partager, choisir et réaliser. « Il faut que chaque collaborateur soit en mesure de connaître sa contribution au processus de création d’intelligence collective, précise Cécile Vallienne, responsable accompagnement des transformations RH et expérience collaborateur. Une meilleure écoute des autres permettra à chacun de mieux comprendre le champ de contraintes de ses collègues et ainsi d’améliorer la qualité des décisions individuelles et collectives. Cela permettra aussi à chacun de mieux légitimer ses positions et d’avoir des échanges plus aboutis. »

S’agissant de la compétence « choisir », elle indique que c’est « la capacité à définir un cadre d’action précis et rechercher des solutions ». Une posture qui implique pour chacun d’avoir « une vision plus systémique de son rôle et savoir qu’il ne travaille pas seul ». Et d’ajouter : « Chacun est un maillon de la chaîne de valeur. » Troisième et dernière « méta-compétence » : la capacité à « réaliser ». « Pour aboutir à un résultat, il faut faire preuve de flexibilité, s’ajuster avec les autres, collaborer, précise-t-elle. Si un maillon de la chaîne dysfonctionne, il faut que le suivant puisse s’adapter. »

Avec la crise ouverte par la pandémie, c’est l’ensemble des pratiques RH qui sont désormais engagées dans une transformation à très grande échelle. Elle pourrait s’étaler sur la décennie.

L’entreprise, bientôt une marque comme une autre ?

Pour Pierre Bentata, directeur du cabinet Asterès, les entreprises doivent adopter une attitude nouvelle vis-à-vis des jeunes recrues. « Il faut davantage impliquer les jeunes en leur confiant des responsabilités et leur montrer qu’ils ne sont pas que des rouages interchangeables. Il faut réussir à instaurer un dialogue honnête sur le fonctionnement du business et expliquer le rôle extra-économique de l’entreprise. Les jeunes candidats ont malgré tout un comportement contradictoire : ils veulent une vraie hiérarchie, capable de justifier sa position, d’expliquer le but de l’entreprise et de leur donner des instructions précises, mais ils rechignent à participer au collectif. Dès qu’ils ont fini leur travail, ils partent. Ils ont une idée assez négative de l’entreprise et préfèrent travailler dans des associations. Ils ont du mal à concevoir qu’une société puisse avoir du sens et gagner de l’argent. Les entreprises vont être obligées de mener un travail de plus en plus approfondi pour séduire les candidats et les fidéliser. De même, et en particulier les grandes, elles vont devoir se transformer en marques. Pour les petites, cela veut dire mettre en avant une histoire et un sens à leur action. »

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins