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Un ancien cadre de Michelin accuse

Les clés | À lire | publié le : 30.05.2022 | Lydie Colders

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Un ancien cadre de Michelin accuse

Crédit photo Lydie Colders

Dans La méthode Michelin, Éric Collenne, ex-cadre de la société, dénonce le management stressant du groupe qui l’a mené au burn-out. Un témoignage percutant.

Michelin, un groupe à fuir ? Vu de l’extérieur, le roi du pneu reste une icône française en matière d’innovation, de développement durable et de dialogue social. Avec 125 000 employés dans le monde et plus de 600 millions d’euros d’investissement dans la recherche, l’entreprise a tout pour attirer ingénieurs et cadres. En 2008, Éric Collenne, chef de projet informatique aguerri, intègre l’emblématique siège de l’entreprise à Clermont-Ferrand, « avec des étoiles plein les yeux ». Il en ressortira dix ans plus tard, brisé par un burn-out. Son livre, écrit avec une hargne tangible, raconte sa lente descente aux enfers. Le discours de Michelin « d’avancer ensemble », d’investir dans la carrière avec un management à l’écoute ? « J’ai progressivement déchanté », dit-il. De projets en projets jusqu’à d’énormes chantiers de systèmes d’information, ce cadre relate sa déception, son incompréhension grandissante. Affecté à des missions sans en comprendre les tenants et les aboutissants, il évoque un plan de carrière « qui relève d’une chimère », faute de visibilité, et raconte le rude parcours d’intégration des cadres. Ses premiers entretiens annuels, dans lesquels « mon manager me reproche des faits qu’elle a passés sous silence malgré les réunions que nous avons partagées tout au long de l’année ». Il s’offusque de découvrir des salaires sans lien avec les responsabilités occupées ni l’ancienneté, à poste identique : « Quel est le but ? Créer des équipes soudées ou faire que l’on s’entretue ? », s’emporte-t-il. Visiblement combatif, Éric Collenne enchaînera tout de même plusieurs postes durant dix ans. La pression monte : « De nouvelles directives tombent. Il n’est plus question de réaliser des programmes de transformation en dix ans, c’est trop long. Désormais, il faudrait que tout soit effectué en moitié moins de temps. »

Le « gouffre » de l’agilité

Pas de chance, il doit aussi adopter le management agile souhaité par Michelin : « Le projet que nous abordions était colossal », résume-t-il. Mais « interdiction d’avoir une vue d’ensemble » et « d’effectuer une chose après l’autre, il faut tout mener en parallèle ». Il déplore l’immense décalage avec les managers, accros aux délais. Au fil des « sprints », voire des cellules de crise, « les équipes s’épuisent, le rythme devient infernal », poursuit-il. Des tensions apparaissent « sans que rien ne soit géré » d’en haut. Éric Collenne croule sous les urgences : « Je n’arrive plus à me concentrer, à trouver quelques secondes de calme », avoue-t-il. Et s’effondre. Le récit, jusqu’à son burn-out et sa reconnaissance d’invalidité, est cinglant, excessif parfois. On ne saura rien de son licenciement pour inaptitude. Mais l’auteur semble avoir déclaré la guerre à Michelin, dénonçant des méthodes « d’obsolescence programmée » des salariés. Son témoignage reflète surtout ce phénomène d’épuisement des cadres, écœurés par les grands groupes…

Auteur

  • Lydie Colders