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« Nous devons rester vigilants face aux risques de discrimination »

À retenir | publié le : 30.05.2022 | Dominique Perez

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« Nous devons rester vigilants face aux risques de discrimination »

Crédit photo Dominique Perez

Le Groupe Adecco a publié récemment les premiers résultats de sa dernière campagne de testing, qui révèle que le risque de discrimination à l’embauche est statistiquement « non significatif ». Il n’empêche…

En 20 ans, qu’est-ce qui a changé en matière de discrimination ?

La société française, il y a 20 ans, était encore dans le déni, et les faits étaient beaucoup plus cachés qu’aujourd’hui. C’est à cette époque que nous avons construit notre politique de lutte en faveur de la non-discrimination, car il nous semblait essentiel que la démarche soit structurée, et nous devions venir en soutien de nos collaborateurs sur ce thème. Nous avons vite constaté la nécessité de développer la formation. Nous partions sur un terrain quasiment vierge, et dès les quatre ou cinq premières années, nous avons formé une grande partie des effectifs, en priorité dans les agences. Et nous avons dû chercher les bonnes expertises ! En outre, nous ne voulions pas nous engager seuls sur ce terrain, car c’est comme au football, si vous êtes trop devant, vous risquez de vous mettre hors-jeu… Nous nous sommes donc associés avec l’État et nous sommes allés chercher les partenaires sociaux pour travailler sur les premiers accords. Nous avons également entraîné nos confrères, à travers la branche de l’intérim.

Le premier testing s’est déroulé en 2008, suivi de trois autres… Qu’ont-ils permis de révéler ?

Nous avons commencé par réaliser des enquêtes internes, que nous poursuivons d’ailleurs tous les deux ans, puis avons effectivement organisé le premier testing « sollicité », en 2008, avec une méthodologie scientifique validée par le Bureau international du travail et apportée par ISM Corum, un prestataire indépendant. Le principe est d’adresser aux agences des candidatures répondant à une offre d’emploi réelle, en incluant dans l’une d’elles un élément différent : sexe, situation de handicap, prénom (par exemple à consonance « maghrébine »)…, puis d’observer l’accueil de ces CV. Nous avons réitéré l’expérience en 2012 et 2015. Les premiers testings ont montré que nous n’étions pas arrivés à l’objectif. En 2015, en revanche, les signaux étaient plus faibles, mais il restait un sujet de discrimination autour de l’origine, réelle ou supposée, des candidats. Il s’agit globalement de la source de discrimination la plus forte, et cela reste confirmé dans les différentes études réalisées par des associations, des ONG ou l’État. Enfin, les premiers résultats de notre dernier testing, réalisé depuis novembre 2021, montrent un risque de discrimination statistiquement neutre, ainsi qu’une égalité de traitement dans les pratiques de recrutement et une absence de disparité régionale. Mais nous devons rester constamment vigilants sur ce sujet. Les entreprises ont beaucoup évolué, incitées en outre par l’État, la loi et l’index égalité femmes-hommes, notamment. Cependant, l’évolution de la société française est assez complexe et exige, comme je l’ai dit, une grande vigilance.

Quels sont les outils utilisés en interne pour lutter contre la discrimination ?

Au-delà des outils, nous développons des méthodes pour favoriser la prise de conscience. Bien entendu, tout le monde se doit de respecter la loi, qui veut notamment que le poids d’un contrat commercial, pour nos collaborateurs, ne doit jamais être mis en regard d’une discrimination : ne pas respecter ce principe fondamental serait une faute professionnelle. Mais les formations ne doivent pas se contenter de « raconter » la loi. Nous privilégions les mises en situation, pour que les collaborateurs puissent répondre aux clients face à une situation potentiellement discriminatoire. Nous faisons appel à l’ancrage mémoriel, sur le même principe que les épreuves du Code de la route. Nous proposons plusieurs fois une même situation face à un client, et quand elle n’est pas correctement gérée, elle est proposée à nouveau de manière quelque peu différente. Les collaborateurs ne sont ni juges, ni inspecteurs du travail, mais doivent argumenter sur le fait que la discrimination est une hérésie en termes de ressources humaines, contraire à l’intérêt même de l’entreprise, et bien sûr, contraire à la loi. Parallèlement, les salariés et les intérimaires ne doivent jamais être seuls face à ce type de situation. C’est pourquoi nous avons mis en place en 2001 un pôle de lutte contre les discriminations et réalisé cette année une nouvelle campagne d’affichage qui affirme notre engagement et incite à nous alerter ou à avoir recours au Défenseur des droits si besoin.

Auteur

  • Dominique Perez