Trois petites années… Telle est la durée de validité des compétences techniques aujourd’hui, contre 30 ans dans les années 1980, d’après l’OCDE. Dans un tel contexte, c’est la capacité à apprendre et, de façon générale, les compétences humaines qui priment. De nombreuses entreprises font donc de leur détection une priorité lors du recrutement. C’est le cas de Picard. Le distributeur spécialisé dans les produits alimentaires surgelés emploie près de 5 000 personnes, dont 4 200 salariés dans ses 1 060 magasins à travers la France. « En magasin, l’expérience et les diplômes sont relégués au second plan. C’est la posture, les valeurs qui vont vraiment faire la différence lors de la sélection d’un candidat », témoigne Agathe Boillot, responsable attraction des talents et QVT chez Picard. Elle énumère les qualités humaines, autrement dit les soft skills, souhaitées : l’esprit d’équipe, l’adaptabilité, le sens de l’organisation, la capacité à prendre des initiatives et à communiquer… « Nous ne recherchons pas des profils d’exécutants, mais bien des personnes qui prennent du recul sur leur travail et sont force de proposition », ajoute-t-elle. Récemment, un responsable de base, qui encadre les chauffeurs-livreurs de Picard dans le Nord, a ainsi proposé de contribuer à un développement du distributeur en Belgique.

Si cette volonté de recruter en priorité sur les compétences humaines n’est pas nouvelle, ce qui l’est en revanche, c’est la méthode de recrutement utilisée pour la mettre en œuvre chez Picard. La direction des ressources humaines a développé des guides de recrutement à destination des managers en magasin. Une grille d’aide à la décision a été définie, afin d’évaluer les compétences transverses des candidats rencontrés à l’occasion des campagnes de recrutement. « Les compétences métiers s’acquièrent pendant la période de prise de poste et ne constituent pas un critère déterminant » y est-il écrit. Le vade-mecum suggère également aux responsables des points de vente des questions à poser lors des entretiens, telles que : « Parlez-moi de la dernière situation lors de laquelle vous avez fait un effort exceptionnel pour traiter un client », « Quelle est la meilleure idée que vous ayez eue au travail ? », « Qu’attendez-vous de votre manager et de vos collègues ? »…

Le contenu de ce guide de recrutement est mis en avant une fois par an, en octobre, à l’occasion d’une rencontre qui réunit l’ensemble des managers de terrain de l’entreprise. À cette occasion, Agathe Boillot a pu recueillir le ressenti des personnes en charge du recrutement : « Nos managers confirment l’importance de la rencontre humaine, indique-t-elle. Ils veulent sentir lors de l’entretien les prémices d’une bonne relation qui va se nouer. » Et au-delà du recrutement, les qualités humaines sont aussi valorisées jusque dans les primes accordées : depuis peu, pour les collaborateurs en magasin assurant la livraison à domicile ou en charge de la relation clientèle par téléphone, la rémunération variable dépend non seulement des chiffres de vente, mais également de la qualité de l’accueil réservé aux clients. Le 29 mars dernier, par exemple, les salariés qui avaient reçu les meilleures appréciations lors des enquêtes « client mystère » ont été récompensés par une prime au cours d’une cérémonie interne chez Picard.

Les bienfaits de cette philosophie qui met en valeur les soft skills, c’est avant tout un turn-over plus faible que la moyenne dans le secteur : « Le taux de renouvellement du personnel de notre entreprise s’établit à 19,3 % contre 30 % de moyenne dans la distribution », souligne Agathe Boillot. L’ancienneté moyenne s’élève à neuf ans et la mobilité est encouragée. Ainsi, deux tiers des actuels responsables de magasins avaient intégré l’entreprise comme vendeur ou responsable adjoint. Du fait qu’ils ont les qualités humaines recherchées, ils peuvent ensuite acquérir les compétences techniques par la formation interne. Et la responsable des ressources humaines veut aller plus loin. Des outils de présélection des candidats, antérieure aux entretiens, sont en cours d’élaboration pour mieux déceler les fameuses soft skills. Outils qui devraient être mis en place dès cet été, à l’occasion de recrutements de nouveaux salariés – visant à concourir à l’atteinte des objectifs de vente, notamment sur les livraisons à domicile. L’enseigne, qui a dégagé 1,7 milliard d’euros de chiffre d’affaires sur l’exercice 2020-2021, s’est donné pour objectif d’atteindre les 2 milliards d’euros en 2025.