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Ressources Humaines : les cartes sont rebattues

Chroniques | publié le : 23.05.2022 |

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Ressources Humaines : les cartes sont rebattues

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Benoît Serre Vice-président délégué de l’ANDRH

La fonction RH porte une spécificité qui fait notamment son intérêt : l’instabilité de ses contours. Elle est en effet immédiatement impactée par l’environnement dans lequel la société et le monde de l’entreprise doivent se mouvoir. Transformation, adaptation, écoute, organisation constituent le quotidien d’un métier finalement mal connu et parfois réduit à quelques fonctions historiques. Ne nous trompons pas, le métier des Ressources Humaines – ou quel que soit le nom qu’on leur donne – repose d’abord et avant tout sur des compétences classiques que chacun connaît : recrutement, formation, relations sociales, rémunération, talent management, évaluation. Pour autant, depuis plusieurs années, notre fonction connaît des évolutions fortes se trouvant au carrefour – souhaité ou imposé – de cette accélération des transformations et des organisations qui constituent le quotidien d’une entreprise. Dès lors, sans méconnaître la nécessaire excellence technique, il faut affirmer que cette fonction est désormais encore plus directement influencée par un environnement économique et social, lui créant des contraintes comme des opportunités pour faire de la dimension humaine la principale dimension de l’entreprise.

La crise sanitaire qui semble fort heureusement s’achever a certes remis l’humain au centre. L’environnement inflationniste qui se fait désormais jour et que nous n’avons pas connu à ce niveau depuis 1983 vient rebattre toutes les cartes dans les entreprises. Il y a la pression du pouvoir d’achat, réelle et relayée par la phase politique dans laquelle nous sommes. Mais plus fondamentalement, le croisement des transformations ou des questionnements sur le travail issu de la crise sanitaire avec cette nouvelle instabilité économique et géopolitique rebat les cartes des équilibres dans les organisations. Depuis plusieurs mois déjà, la question du partage de la valeur était posée, au point d’être reprise par le candidat élu. De même, le rôle de l’entreprise elle-même s’est étendu plus que jamais et on ne sait plus très bien quels sont les contours de ses responsabilités sociales. Cela pourrait, pour un temps au moins, empêcher d’en tirer des conséquences adaptées sur notre modèle social et ses financements.

Une fois de plus, la fonction RH est au cœur de ces contradictions et doit gérer dans un même moment une tension sociale probable, un corps social perturbé par une crise inédite, des attentes nouvelles avec une forme d’impatience des salariés à voir changer les choses, une situation économique instable et un marché du recrutement toujours tendu. Les RH ont les cartes en main – même si elles ont changé – pour reposer fortement leur stratégie, innover sur des sujets sensibles comme l’organisation du travail, la reconnaissance, l’évaluation, la structuration des métiers et des compétences, repenser le modèle managérial… C’est parce que le jeu a changé qu’il est temps de faire évoluer des règles finalement assez stables depuis longtemps. Cette responsabilité d’accélération de la transformation humaine des entreprises devra être nécessairement partagée entre tous les acteurs sociaux, économiques et politiques, sans quoi elle sera parcellaire et viendra ajouter de l’instabilité sociale à l’instabilité de notre environnement. Parmi les sujets à prendre en main, il y a le nouveau rôle de l’entreprise, conséquence des choix humains et sociaux qui seront pris, car c’est sur le terrain, dans la réalité de chaque organisation, que les choses bougeront durablement. On le constate dès maintenant concernant l’enjeu environnemental, où la prise de conscience du rôle à jouer se révèle bien plus efficace que les contraintes créées. Il en sera de même pour les politiques humaines qui devront consacrer la primauté de l’humain dans le modèle économique et celui du réalisme dans le modèle social. C’est un nouvel équilibre à trouver et il faut avoir un double courage pour cela : se donner le temps nécessaire et faire confiance aux acteurs de l’entreprise elle-même et aux organisations syndicales locales pour trouver le bon rythme. Elles ont prouvé cette capacité dans l’urgence de la crise sanitaire et sauront le faire dans le temps de la stratégie et de la conviction.