Plus que le report de l’âge légal de départ à la retraite, l’emploi des seniors est un enjeu structurel naturellement induit par l’évolution de la démographie. Et ce n’est pas Sibylle Le Maire, fondatrice du Club Landoy, qui dira le contraire : « Dans moins de dix ans, 50 % des Français auront plus de 50 ans, explique-t-elle. Cela va bouleverser notre société et interroge dès à présent notre pacte social, notamment dans sa dimension d’équité entre les générations. » Institut de réflexion centré sur les enjeux démographiques, le Club Landoy s’est associé avec L’Oréal pour lancer un acte d’engagement sur la place des plus de 50 ans dans les entreprises. Une charte signée par 32 organisations, dont l’éditeur de logiciels SAP (lire l'article "Chez SAP, les seniors valent de l'or"). Son moteur : anticiper la transition démographique et permettre une meilleure inclusion de ces profils. En retard par rapport à ses principaux voisins européens sur ce point (voir infographie), la France et son tissu économique ont en effet de nombreux progrès à faire en matière d’emploi des salariés les plus âgés.

Les quinquagénaires sont en tout cas les grands perdants de la reprise économique post-Covid. D’après la Dares, près d’un million et demi d’entre eux étaient inscrits à Pôle emploi à la fin 2021 (toutes catégories confondues). Leur nombre est en diminution de 1,5 % sur un an, bien loin de la baisse constatée pour les autres catégories d’âge : – 6,6 % pour les 25 à 49 ans et – 12,5 % pour les moins de 25 ans. Au dernier trimestre 2021, les 50 ans et plus avaient passé en moyenne 697 jours au chômage. C’est à peu de chose près deux fois plus que les 25-49 ans et leurs 355 jours.

Ce qui confirme les difficultés des seniors à retrouver un emploi. C’est d’ailleurs aussi le cas chez les cadres, comme le démontre une autre étude, réalisée conjointement par l’Apec et Pôle emploi¹, et dont les résultats ont été publiés en janvier dernier.

Premier enseignement de cette étude, les cadres seniors ne partent pas des entreprises de leur propre fait, en tout cas pour une très grande majorité d’entre eux. En effet, « pour 81 % des cadres, l’entrée au chômage est la conséquence d’une perte d’emploi non volontaire », précise l’étude. Principal motif de fin du contrat de travail : la rupture conventionnelle à l’initiative de l’employeur, dans 23 % des cas. Et 16 % des cadres seniors au chômage le sont à la suite d’un licenciement lié à la mauvaise santé financière de l’entreprise. Dans moins d’un cas sur cinq, le départ est volontaire…

Une fois au chômage, les cadres seniors ont de grandes difficultés à retrouver un emploi, principalement du fait, selon eux, des discriminations par l’âge : « Près de neuf cadres seniors sur dix considèrent que leur âge les désavantage dans leur recherche d’emploi », indiquent l’Apec et Pôle emploi. L’étude poursuit en précisant que « l’âge peut être perçu par les recruteurs comme un marqueur de moindre souplesse et de moindre réactivité : ils estiment que les seniors ont plus de mal à s’adapter face aux évolutions du monde de l’entreprise et au besoin d’adaptabilité et d’acculturation rapide recherchées ». Un a priori à corriger dans la perspective des bouleversements démographiques à venir…

Pourtant, les salariés âgés de plus de 53 ans semblent très motivés par le travail. C’est en tout cas la conclusion d’une autre enquête, réalisée par ChooseMyCompany, la plateforme des avis des salariés sur leur entreprise², et dont les résultats ont été publiés fin avril. L’enquête montre d’abord que 64 % des salariés de 53 à 65 ans s’affirment heureux et engagés dans leur travail, un score en hausse de quatre points par rapport à 2021. Plus encore, 79 % d’entre eux trouvent du sens à leur travail. Les seniors sont aussi globalement satisfaits de l’articulation entre leur vie personnelle et professionnelle (71 %) et la plupart d’entre eux ont un sentiment de fierté face aux produits et services proposés par leur entreprise. Des chiffres qui montrent à quel point les salariés les plus âgés sont en fait les plus satisfaits de leur vie au travail… Mais les seniors ne se sentent pas forcément récompensés. En témoigne d’abord leur relatif pessimisme sur les perspectives d’évolution : seuls la moitié d’entre eux affirment bien comprendre comment ils peuvent évoluer dans l’entreprise. C’est huit points de moins que l’ensemble des salariés interrogés. Un écart qui se confirme en ce qui concerne le sentiment d’être reconnu et encouragé. Ainsi, 58 % des 53-65 ans ont ce ressenti, contre 66 % de l’ensemble. Bien qu’il s’agisse, ici, d’un ressenti exprimé, il illustre, couplé à la réalité des chiffres du chômage des seniors, le manque de considération des entreprises vis-à-vis des salariés d’un certain âge par rapport aux catégories plus jeunes.