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Le grand entretien

« Les RH doivent se focaliser sur l’expérience collaborateur »

Le grand entretien | publié le : 09.05.2022 | Frédéric Brillet

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« Les RH doivent se focaliser sur l’expérience collaborateur »

Crédit photo Frédéric Brillet

Au sortir de la crise sanitaire, les dirigeants attendent des départements des ressources humaines qu’ils contribuent au développement des activités en se réinventant et en stimulant leur productivité, estiment les experts de l’éditeur de solutions digitales RH UKG (Ultimate Kronos Group) qui a publié un livre blanc sur ce sujet.

Pourquoi UKG a-t-il souhaité publier un livre blanc sur la productivité RH ?

En tant qu’éditeur de solutions digitales RH, nous nous efforçons d’aider les organisations à offrir une expérience collaborateur riche et moderne, grâce à l’apport du numérique, mais aussi de bien comprendre les priorités des professionnels des ressources humaines. S’intéresser à la productivité RH est un must, puisque c’est une question cruciale pour nos clients. Si la crise Covid-19 a mis en lumière l’importance stratégique de la fonction RH, elle est encore trop souvent considérée comme une fonction support et un centre de coûts. Chez UKG, nous sommes convaincus qu’en nous intéressant à la question de la productivité RH, nous contribuerons à valoriser la fonction.

À quoi renvoie l’exigence de productivité appliquée à la fonction RH ?

La productivité RH renvoie à deux dimensions. D’une part, les RH se doivent d’être performants, de trouver de nouveaux moyens d’améliorer l’efficacité et la fiabilité de leurs propres services, par des solutions technologiques ou en refondant leurs processus de travail. D’autre part, les équipes RH doivent travailler à améliorer la productivité de l’entreprise dans son ensemble. D’où, par exemple, la mise en place de la part des RH de programmes de gestion des talents, pour que les salariés les plus performants progressent plus vite au sein de l’organisation, ou de systèmes de rémunération alignés sur la stratégie de l’entreprise. Depuis toujours, la fonction RH a pensé productivité, mais son paradigme a évolué au fil des ans. À l’époque où elle se nommait « gestion du personnel », avec une connotation très administrative, on mettait l’accent sur l’efficacité des services qu’elle fournissait. Les entreprises les plus innovantes attendent davantage de leurs services RH : qu’ils contribuent à la productivité générale en se focalisant sur l’expérience collaborateur.

À quoi correspond ce changement de paradigme ?

À notre époque, la performance économique et financière de l’entreprise repose plus que jamais sur l’engagement – qui dépend pour beaucoup de l’expérience collaborateur. Il s’agit d’un vrai défi pour la fonction RH qui a un budget à gérer et des ressources limitées : comment faire mieux, voire plus, avec autant ou même moins de moyens ? C’est une question cruciale pour les professionnels des RH. Dans le cadre de l’expérience collaborateur, la fonction RH doit par exemple simplifier la vie des collaborateurs pour qu’ils ne perdent pas de temps avec des processus internes. Il faut donc mettre en place des processus construits autour des utilisateurs finaux. C’est l’approche du design thinking. La fonction RH recueillant de nombreuses données sur les collaborateurs, il est inutile, lorsqu’on crée un formulaire, d’ajouter des champs pour demander des informations que l’on connaît déjà… L’amélioration de l’expérience collaborateur passe également par davantage de transparence : un collaborateur qui sollicite son service RH en envoyant un simple e-mail ignore trop souvent si son message a été lu et dans combien de temps il aura une réponse formelle. Lui donner accès au suivi de sa demande, c’est lui permettre d’être informé, de gagner en autonomie et de se projeter.

Ce souci de la productivité est-il intervenu plus tardivement dans les RH que dans d’autres services ?

Longtemps, la fonction RH, perçue comme une fonction administrative, a échappé à cette exigence. La digitalisation de la DRH a débuté après celle d’autres départements. Elle rattrape son retard et se révèle même la mieux placée pour piloter la transformation générale de l’entreprise, puisqu’elle intervient sur l’organisation du travail, la QVT, la gestion des carrières et plus récemment sur l’expérience collaborateur, qui joue, comme indiqué précédemment, un rôle clé dans la compétitivité économique.

Dans cette période troublée où les entreprises, à peine remises de la crise sanitaire, subissent le choc inflationniste et celui de la guerre en Ukraine, vous encouragez les RH à se réinventer. Qu’entendez-vous par là ?

La vision du parcours collaborateur au sein de l’entreprise est souvent stéréotypée, ce parcours étant présenté comme tout tracé – de l’entrée dans l’organisation à la retraite. Or à chaque moment de sa vie dans l’entreprise, le collaborateur ou la collaboratrice éprouve des besoins différents et/ou imprévisibles. Chez UKG, nous avons identifié six étapes, présentées ci-après dans un ordre logique, mais pas nécessairement chronologique. La première renvoie au mode survie de la nouvelle recrue en période d’essai. La deuxième étape correspond à la sécurité du contrat de travail qui à son tour crée les conditions de la troisième, à savoir l’évolution au sein de l’organisation. Le parcours débouche sur la quatrième étape correspondant à l’épanouissement professionnel puis à une cinquième où le collaborateur est en mesure d’exercer son influence sur l’organisation. Enfin, durant la sixième étape, il a l’occasion d’assurer la transmission de ses savoirs et compétences. Toutes ces étapes peuvent revenir plusieurs fois, se croiser et se combiner : c’est une grille de lecture et non un cursus. Il est donc essentiel pour la fonction RH d’intégrer ces éléments dans sa manière de concevoir le parcours collaborateur.

Quel rôle joue la transformation numérique dans la réinvention des RH ?

Elle constitue une opportunité pour les RH de repenser la façon de travailler. Les délais d’innovation se raccourcissent et il est essentiel pour les RH de maîtriser les nouvelles technologies afin de réduire l’écart entre ce que vivent les collaborateurs dans leur vie personnelle et professionnelle. Je précise que la digitalisation de la fonction RH ne signifie pas uniquement la mise en place d’un outil : c’est surtout l’occasion de revoir un processus dans son ensemble afin de permettre aux collaborateurs de gagner en autonomie. Cette autonomie passe notamment par la mise en place d’un modèle hybride présentiel-distanciel. Mais toutes les organisations n’ont pas encore trouvé la solution idéale pour répondre à cet enjeu. La fonction RH doit donc se réinventer en continu.

On demande aujourd’hui aux professionnels RH de comprendre en profondeur les leviers de la motivation des collaborateurs, car celle-ci joue un rôle clé dans la productivité. Comment y parvenir ?

Cette démarche passe par l’analyse d’un grand nombre de données. On va d’une vision découlant du reporting à une approche « data analytics ». Donner plus de place à cette science implique de prendre des décisions sur la base non de sentiments ou de ressentis, mais d’analyses plus poussées. Et surtout, de rester proche de la logique scientifique, c’est-à-dire de toujours remettre en cause les recettes du passé et ne pas oublier que dans un nouvel environnement, des actions qui ont fait leurs preuves dans le passé peuvent avoir des conséquences différentes…

Quels sont les indicateurs clés de performance à suivre en priorité dans le cadre d’une fonction RH réinventée ?

Qu’on soit ou non dans un contexte de pénurie de talents et de « grande démission », il est crucial de suivre l’engagement des collaborateurs comme le lait sur le feu. Il convient d’être attentif aux signaux faibles : quelles sont les principales demandes ou requêtes faites par les collaborateurs ? Souvent, on ne peut pas répondre à cette question, car les informations sont perdues, distillées dans les inbox des boîtes mail. Avec un outil digital, il est possible de suivre les principales questions que se posent les collaborateurs et donc d’y répondre en priorité. Entre février et mars 2020, par exemple, le nombre de demandes relatives à la Covid-19 de la part des salariés de nos clients a explosé… Il est également intéressant de se pencher sur les articles les plus consultés par les collaborateurs sur un portail dédié. Plus largement, il est utile de connaître le nombre de requêtes collaborateurs émises durant l’année, de savoir combien de temps il faut en moyenne aux professionnels RH pour y répondre… Et pour s’adapter à la diversité des profils collaborateurs, il faut mettre à leur disposition différents canaux de communication. Par exemple, avec un chatbot RH, on peut toucher des « digital natives », alors que d’autres salariés auront besoin d’avoir le service RH au téléphone.

L’auteur

Ancien responsable RH, expert de la conduite du changement et aujourd’hui directeur de l’innovation RH et de l’expérience client chez UKG (Ultimate Kronos Group), Rémi Malenfant travaille depuis plus de dix ans sur ces sujets. Il aide les organisations à développer et à réaliser leur stratégie RH et les accompagne dans l’optimisation de leurs processus pour améliorer leur efficacité et l’expérience collaborateur grâce à la technologie. Il a contribué à la rédaction du Livre blanc sur la productivité RH et intervient régulièrement lors de conférences et tables rondes sur les problématiques RH.

Auteur

  • Frédéric Brillet