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RH : agir pour ne pas subir

Chroniques | publié le : 09.05.2022 |

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RH : agir pour ne pas subir

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Benoît Serre vice-président délégué de l’ANDRH

Une première phase du temps politique vient de s’achever et la deuxième a déjà démarré. Pendant ce temps de débat nécessaire, le monde du travail poursuit sa mue et malgré cette réalité vécue par de nombreux salariés, il faut constater que le débat politique s’est assez peu emparé du sujet. Il y a pourtant beaucoup à dire – et au moins autant à faire – pour tirer les conséquences de la révolution du travail que chacun constate. Elle est silencieuse, entreprise par entreprise bien souvent, puisque nous sommes tous en phase de calage et d’observation. Jamais sans doute notre environnement ne fut plus instable et nous voyons revenir des époques auxquelles nous ne sommes plus habitués, notamment avec le retour de l’inflation qui nécessairement affectera demain les coûts comme les salaires. Cela pèsera sur nos négociations, et encore plus dans une période où chaque organisation aura à revoir son modèle de performance comme de management.

Il est vrai que certains éléments du Code du travail ne sont pas adaptés aux actuelles évolutions qui pour partie sont marquées par la généralisation du modèle hybride. Nous aurons aussi à réfléchir à la garantie de l’équité de traitement entre les salariés selon leur modèle d’organisations du travail. La comptabilisation actuelle du temps de travail également semble remise en cause par ces changements et il faudra y songer même si en France, le calcul hebdomadaire du temps de travail est un marqueur du progrès social – nous l’avons encore vu pendant cette campagne présidentielle. Chacun aura d’ailleurs noté que le débat sur les 35 heures a quasiment disparu. Il ne s’agit pas de travailler moins ou plus, mais de le faire autrement avec plus d’autonomie, de confiance et de liberté. Tous ces sujets sont sur le bureau des RH et nourrissent aussi les réflexions de leur environnement. La banque des temps proposée par la CFDT participe de ce débat en offrant au salarié la possibilité de choisir son rapport au travail sans pour autant renoncer à ses contraintes économiques qui demeurent.

Un autre sujet semble apparaître qui vient remettre en cause la recherche permanente de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Sur ce point, des progrès importants ont été faits depuis des années par les entreprises, soutenues en cela par le législateur. Pour autant, fort de l’expérience forcée durant la crise sanitaire, le rapport au travail et à la vie a changé. Les générations montantes demandent moins l’équilibre que la stricte séparation entre ces deux vies. Cette nouvelle approche perturbe les entreprises, car elles y voient pour certaines un défaut d’engagement ou de motivation. Ce n’est que la conscience que les deux vies peuvent cohabiter sans que l’une influe sur l’autre. Parallèlement toutefois, il existe une exigence de plus en plus forte qui vise à faire jouer à l’entreprise tous les rôles et non plus seulement sa mission économique. C’est un paradoxe de plus que nous avons à gérer dans le temps, mais il a une valeur essentielle : il enrichit l’entreprise et le métier de RH. Déterminer ce nouvel équilibre économique et social est un enjeu central et nous ne pouvons tarder à le prendre en main puisqu’il est attendu et par les salariés et par les candidats et que l’entreprise y trouvera tout autant son compte.

Tous les éléments de la transformation profonde du travail et de son environnement sont désormais posés et ne pas s’en saisir rapidement reviendrait à les subir. Certes les entreprises ont un devoir permanent d’adaptation, mais sur les sujets humains, la conviction, l’innovation et l’anticipation constituent le meilleur triptyque de réussite durable.

Cela étant, il est illusoire de penser que les entreprises – même les plus engagées – pourront réaliser cette mutation seules. Elles doivent porter leur part de responsabilité, mais ne peuvent le faire que dans un cadre social et législatif qui les soutient et leur permet d’avancer. Ce n’est pas le cas aujourd’hui et il ne faut en faire le reproche à personne, puisque nos règles ont été écrites à une autre époque. En revanche, le législateur comme les partenaires sociaux doivent s’emparer aussi de cette mutation en même temps que les entreprises – même avec des convictions différentes, et peut-être même surtout – pour au moins provoquer le débat. Les RH portent profondément cette responsabilité d’agir, de faire prendre conscience et de provoquer, car la société du travail l’exige et la réalité le nécessite, sans quoi nous subirons des transformations dans le meilleur des cas ou des tensions dans le pire !