logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Sur le terrain

Canada : Chez Swissport, les accommodements religieux sont dédramatisés

Sur le terrain | publié le : 02.05.2022 | Ludovic Hirtzmann

Image

Canada : Chez Swissport, les accommodements religieux sont dédramatisés

Crédit photo Ludovic Hirtzmann

Le Canada a fait le choix du multiculturalisme et avec lui, du respect des religions dans le cadre professionnel. Les salariés disposent donc d’accommodements. C’est le cas à l’aéroport de Montréal, régi par les lois fédérales.

Contrairement à l’époque où les personnels étaient employés par les compagnies aériennes, aujourd’hui, à l’exception d’Air Canada ou d’Air France, c’est une société de sous-traitance, Swissport, qui les paie à l’aéroport de Montréal. Et plusieurs des hôtesses au sol portent un foulard islamique. D’une part, le Canada offre des accommodements religieux, et d’autre part, si la Belle province, très attachée à la laïcité, n’autorise au contraire ni voile, ni turban, ni croix dans les entreprises publiques sous sa juridiction, l’aéroport de Montréal est régi par les lois fédérales…

Selon l’une des hôtesses au sol, en poste depuis plusieurs années, ces pratiques ne posent pas de problème. « Il n’y a aucune pause spéciale pour aller prier. Les salariés ont la pause qui leur est due et ils sont libres de faire ce dont ils ont envie à ce moment-là », dit-elle, préférant rester anonyme. Le local de prière de l’aéroport serait d’ailleurs davantage utilisé par des voyageurs que par les employés du transport aérien. En revanche, précise-t-elle, « les responsables essaient, quand c’est possible, de donner aux travailleurs musulmans leur pause au moment de la rupture du jeûne pendant le ramadan, par exemple. Mais ce n’est pas toujours possible, surtout s’il y a l’embarquement d’un vol à ce moment-là. » Elle ajoute que les employés ne parlent jamais de religion entre eux.

Malgré ses différences avec le reste du Canada sur ces questions, le Québec n’est pas moins conscient des enjeux dans ce domaine. En fait, la question des accommodements religieux est explosive depuis une quinzaine d’années dans la société québécoise. Tout a commencé en 2008 lorsque la communauté hassidique de Montréal a demandé aux Québécoises d’une salle de gymnastique proche d’une synagogue de teinter les vitres de la salle de sport afin de ne pas les voir en justaucorps. L’affaire a pris de l’ampleur, au point de déstabiliser le gouvernement de l’époque, qui a mandaté une commission d’enquête sur les accommodements religieux. « Les demandes de congés religieux se font de plus en plus fréquentes, provenant d’abord de protestants, de membres pratiquants de la communauté juive, puis d’autres confessions tels l’islam et l’hindouisme », ont alors écrit les sociologues Gérard Bouchard et Charles Taylor dans un rapport sur « les pratiques d’accommodements reliées aux différences culturelles », remis en 2008 au gouvernement québécois.

Un guide pour les entreprises privées

Depuis, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec (CDPJQ) conseille aux employeurs privés, dans son « Guide d’accompagnement, traitement d’une demande d’accommodement », de mettre en place un service d’aide spécialisé sur ces questions dans l’entreprise et de diffuser des outils d’information, mais aussi d’adopter « une politique antidiscriminatoire et d’accommodement raisonnable ». La CDPJQ précise dans son guide : « La responsabilité d’accommodement incombe d’abord au décideur (l’employeur). Le décideur a une obligation de moyen et non de résultat. Toute demande d’accommodement est traitée individuellement (…) Les parties doivent collaborer à la recherche d’une solution. » Et la Commission de conseiller aux employeurs : « Si un accommodement est accordé : présentez au demandeur les modalités et les limites de la mesure. Si un accommodement est refusé : justifiez votre décision. » En résumé, le dialogue est à l’honneur. Et en conséquence, les accommodements religieux sont généralement bien acceptés dans les entreprises privées.

Mais dans le public, professeurs, policiers ou magistrats ne peuvent porter de signes religieux dans le cadre de leurs fonctions. Plusieurs avocats et militants mènent aujourd’hui le combat pour faire changer cela au Québec. Sans succès pour l’instant.

Auteur

  • Ludovic Hirtzmann