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L’emploi, encore une priorité ?

Chroniques | publié le : 02.05.2022 |

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L’emploi, encore une priorité ?

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Gilles Gateau Directeur général de l’Apec

Sur le thème de l’emploi – ce n’est pas le seul –, cette élection présidentielle se sera distinguée des précédentes. Un chômage autour des 7,4 % – le plus faible depuis quinze ans –, et surtout, le retour de la guerre en Europe, couplé aux questions de pouvoir d’achat, ont porté les regards vers d’autres sujets. Malgré les incertitudes économiques se profilant à l’horizon, le terme « plein-emploi », que l’on croyait disparu à jamais, s’est même invité dans les débats.

Ces « bons chiffres » de l’emploi valent d’abord pour les cadres. Avec presque 270 000 recrutements en 2021 et 280 000 intentions d’embauches en 2022, le marché a retrouvé son niveau d’avant la crise sanitaire. Les gros pourvoyeurs d’embauches – activités informatiques, ingénierie-R&D, activités juridiques, comptables, de conseil et gestion des entreprises – ont joué à plein. Pour ces secteurs, ainsi que la banque-assurance, les tensions sur les recrutements sont au plus haut. Réussir à recruter a été l’une des préoccupations majeures des entreprises en 2021 : elle le sera plus encore en 2022.

Mais attention : quelques signaux faibles doivent inciter à un peu de prudence. Ce ne serait pas la première fois qu’une conjoncture incertaine se retourne et douche l’enthousiasme. Nous n’en sommes pas là, mais le dernier baromètre trimestriel de l’Apec a conduit à réviser à la baisse des prévisions record d’embauches de cadres pour 2022, qui approchaient les 290 000 au début de l’année. Guerre en Ukraine, menaces sur certains approvisionnements énergétiques et de matières premières, inflation, et qui sait, retour des tensions sociales autour de la question des retraites : les facteurs d’incertitudes ne sont pas encore des anticipations négatives mais pourraient créer de l’attentisme.

Et puis, au-delà de ces éléments conjoncturels, n’oublions pas que nombre de sujets structurels du marché de l’emploi restent sur la table et devront progresser si nous voulons avancer vers le « plein-emploi », horizon désormais formulé.

D’abord, les entreprises comme les pouvoirs publics doivent poursuivre leurs efforts de formation et de montée en compétences. Face aux tensions de recrutement, améliorer l’employabilité des salariés comme des demandeurs d’emploi est une priorité.

Autre défi, nous devons impérativement déconstruire des schémas de pensée obsolètes qui perdurent dans le monde du travail et du recrutement. Écarter un candidat de plus de 55 ans, au prétexte qu’il coûte trop cher – alors que très souvent, ces profils sont ouverts à négocier la rémunération de leur expérience, qui est un plus pour l’entreprise –, qu’il serait moins adaptable – alors que toutes les études montrent que les cadres seniors sont aussi « digitaux » que les quadras –, qu’il ou elle ne pourra pas rester plus de cinq à dix ans dans l’entreprise – alors qu’aujourd’hui, 40 % des moins de 35 ans envisagent de quitter leur emploi dans les deux ans –, c’est un contresens social mais aussi économique. De même, face à la persistance des inégalités envers les femmes, il faut mener une vaste révolution culturelle et éducative. La loi, comme celle sur la parité, qui a permis aux femmes d’accéder aux responsabilités électives, ou celle sur la composition des conseils d’administration, est utile et nécessaire, mais ne suffit pas. Là encore, un travail de déconstruction des représentations est à mener.

Alors réjouissons-nous de la baisse du chômage qui accompagne la reprise, de la démographie plus favorable que dans les décennies passées – mais qui pose d’autres problèmes redoutables aux retraites –, mais restons lucides sur certaines fragilités et volontaristes pour relever les défis d’un monde du travail plus inclusif. Ce sera, à n’en pas douter, l’un des enjeux du nouveau quinquennat qui s’ouvre : nous n’en avons pas fini avec l’emploi !