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Tendances

« Certaines entreprises sont dans une sorte de fatalité, d’autres, dans une forme de déni »

Tendances | publié le : 25.04.2022 | Gilmar Sequeira Martins

Séverine Brunet, directrice des applications de l’Institut national de recherche et de sécurité, estime que le quatrième plan santé au travail (PST4) peut permettre des avancées.

Comment analysez-vous la situation actuelle ?

La sinistralité est toujours trop forte. Depuis plusieurs années, il y a peu ou pas de baisse des accidents du travail et maladies professionnelles. Le PST4 est important pour remettre ces sujets sur la table, mieux coordonner les acteurs et faire avancer les sujets. Il permettra d’avoir une coordination accrue et une plus grande efficacité, en particulier dans l’accompagnement des entreprises. Le nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles semble avoir une sorte de plateau. Peut-être cela tient-il à ce que certaines entreprises sont dans une sorte de fatalité et d’autres dans une forme de déni. Pour faire évoluer ces attitudes, il faut atteindre les entreprises et leur expliquer que la préservation de la santé et sécurité de leurs salariés n’est pas toujours bien positionnée dans leurs préoccupations stratégiques. Elles positionnement parfois l’investissement dans la prévention des risques professionnels comme une chose à faire en plus, une contrainte, alors que ces mêmes entreprises, en particulier dans le secteur sanitaire et social, sont confrontées à des difficultés de recrutement et de motivation et subissent un fort taux d’absentéisme. Intégrer les questions de préservation de la santé au travail parmi les préoccupations prioritaires amènera les entreprises à proposer de meilleures conditions de travail. Cela leur permettrait de régler en partie leur problème d’attractivité, de recrutement et d’absentéisme. Les statistiques montrent en outre que le nombre (dans l’absolu) d’accidents du travail est plus élevé dans les grandes entreprises que dans les petites. Cela produit un rapport différent à l’accident. Toujours est-il qu’il est difficile de bien travailler quand on a peur d’une chute ou quand un collègue avec qui on travaillait depuis dix ans a eu un accident grave ou mortel.

Comment analysez-vous les chutes de plain-pied ?

Les chutes de plain-pied peuvent représenter jusqu’à 15 % des accidents du travail et elles peuvent être mortelles. Elles sont malheureusement souvent considérées comme un phénomène bénin. Il faut modifier l’attitude de certaines entreprises afin qu’elles considèrent sérieusement toutes les chutes… avant qu’elles se produisent. Le plus souvent, des mesures sont prises après les chutes, mais c’est avant qu’il faut le faire ! L’une des étapes clefs de cette mobilisation passe par l’évaluation des risques avec le DUERP. L’intérêt de la loi du 2 août 2021 est de renforcer l’action du « DU » en élargissant le nombre d’acteurs pouvant contribuer à l’évaluation des risques, notamment le CSE, à travers une consultation, et les techniciens des services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI). Ce nouveau schéma a des chances d’accroître l’opérationnalité des DUERP. La présence et la contribution des membres du CSE pourront rapprocher l’évaluation des risques du travail réel pour aboutir à une meilleure adéquation avec les actions mises en place. Ce nouveau dispositif devrait produire une évaluation des risques moins théorique et qui sera plus conforme aux spécificités de l’entreprise. Le « DU » théorique n’est pas une bonne chose. Il correspond à une vision très court-termiste qui permet de satisfaire une obligation légale, mais elle n’est pas appropriée pour mener des actions de prévention des risques professionnels. La nouvelle loi sur le renforcement de la prévention en santé au travail élargit les missions des SPSTI et va nous inciter à nous appuyer encore plus sur ces SPSTI à travers de nouveaux partenariats. Nous pourrions travailler avec certains d’entre eux pour aider les SPSTI à épauler les entreprises dans l’élaboration de leur DUERP.

Comment agissez-vous auprès des futurs salariés ?

Nous intervenons auprès de l’Éducation nationale pour apporter des contenus et enrichir les maquettes pédagogiques. Nous avons aussi un partenariat avec la Conférence des titres d’ingénieurs. Nous aimerions que ces enseignements soient dispensés à tous les futurs diplômés et aux apprenants, mais pour l’instant, nous nous adressons principalement à l’enseignement professionnel, aux écoles d’ingénieurs et aux écoles de management. Nos actions s’inscrivent sur deux axes. Le premier est la préservation de la santé et sécurité au travail des étudiants eux-mêmes lorsqu’ils seront dans la vie active ; le second s’adresse à ceux qui seront managers afin de leur expliquer que, dans cette position, ils auront la responsabilité d’organiser le travail de leurs collaborateurs et seront donc responsables de leur santé et de leur sécurité. Le nombre d’heures alloué à ces enseignements est encore faible et varie selon les enseignements.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins