logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Chroniques

Les RH face aux frontieres instables du travail

Chroniques | publié le : 25.04.2022 |

Image

Les RH face aux frontieres instables du travail

Crédit photo

Benoît Serre Vice-président délégué de l’ANDRH

La transformation du travail est donc en marche. Chacun s’accorde à reconnaître aujourd’hui que cette crise n’a rien créé mais tout accéléré. C’est assez vrai dans différents domaines comme le management, la digitalisation ou la prise de conscience de la responsabilité sociale. C’est moins évident pour le rapport au travail, le dialogue social et le lien employeur/salarié. Ce sont ces trois derniers éléments qui perturberont sans doute le plus la fonction RH car ils interrogent directement sa compétence directe, modifiant ainsi ses frontières opérationnelles, de responsabilité, de posture et de place dans l’organisation. Certaines voix s’élèvent pour prédire une évolution forte de la relation contractuelle classique dans l’entreprise qui, sous l’effet de la pénurie de candidats comme de besoins nouveaux de compétences spécifiques, sera contrainte d’envisager une organisation à géométrie variable de manière durable. Cette tendance préexistait avec les prestataires ou les CDI de mission, mais souvent sur des domaines très ciblés et circonscrits. Ce sera sans doute moins le cas demain pour une raison simple : ce n’est plus l’entreprise seule qui choisira, mais aussi le détenteur ou la détentrice de la compétence recherchée. En effet, la nécessité d’attirer des compétences rares comme l’exigence de ceux qui les détiennent à pouvoir choisir leur propre organisation du travail devraient conduire les employeurs à rénover leur mode de fonctionnement – sous réserve que la législation les y autorise. Voilà sans doute un défi de transformation car notre société du travail est essentiellement structurée autour du CDI. C’est ce dernier qui permet de bénéficier d’une protection sociale digne, de louer un logement, de faire un emprunt. Si le monde du travail évolue vers de nouvelles formes contractuelles, il faudra nécessairement revoir ce modèle – sous peine d’exclure de la protection des millions de travailleurs ou d’empêcher une évolution indispensable des relations du travail.

La fonction RH sera nécessairement touchée par cette évolution car ces salariés d’un nouveau genre sont juridiquement hors de l’entreprise mais en constituent une partie prenante indispensable au fonctionnement lui-même et à la performance. La différence est qu’ils ne souhaitent pas être intégrés à l’entreprise et ses contraintes. Leur management, leurs missions et l’évolution de leurs compétences relèveront pour autant de la fonction RH car c’est l’intérêt même de l’entreprise. Ce serait une nouvelle frontière pour une fonction en charge des relations humaines et qui devra trouver les moyens nécessaires à faire vivre une communauté d’intérêts et de coopération hors des murs de l’entreprise.

Bien évidemment, le dialogue social sera impacté par ces nouvelles formes de travail. C’est un enjeu majeur pour la fonction RH, qui devra s’assurer d’une forme de représentation ou de prise en compte de toutes ces parties prenantes. C’est aussi un défi pour les partenaires sociaux, qui devront s’adapter – sous peine de ne représenter qu’une partie de l’entreprise. Enfin, repenser l’organisation des métiers et des fonctions sera indispensable puisqu’ils se répartiront différemment entre ces acteurs aux modèles de travail aussi variés que leur lien à l’entreprise. C’est le lien de collaboration qui l’emportera au détriment du très décalé lien de subordination. Confrontés à cette nécessité de faire « fonctionner ensemble », les RH n’auront d’autre choix que d’incarner l’agilité et la transformation en s’efforçant de gérer l’instabilité et la complexité. Défi immense qui ne pourra être relevé qu’en faisant du sens, du projet collectif et de la clarté stratégique le ciment de l’entreprise.

Le risque d’éclatement du corps social est réel et se trouve renforcé par ces nouvelles formes contractuelles, alors qu’il est déjà présent avec l’hybridation du travail. C’est en cela que la fonction RH doit prendre une nouvelle dimension pour mieux incarner l’équité, l’unité et la cohérence humaine de l’organisation. Ce sont des compétences fondamentales qui pourraient finalement devenir les meilleures soft skills des RH pour exercer leur métier et relever leurs défis. Les frontières entre les métiers se troublent nécessairement. Il n’y avait aucune raison pour que celui de RH ne soit pas affecté. C’est en trouvant cette nouvelle dimension que la fonction renforcera sa place et la maintiendra au-delà de la période récente. C’est un enjeu de formation, de conviction et d’innovation… et de confiance en elle-même !