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A la recherche du sens perdu : un impératif pour retenir les personnes !

Chroniques | publié le : 25.04.2022 |

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A la recherche du sens perdu : un impératif pour retenir les personnes !

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Fabienne Neveux Entrepreneure/Business Angel/Consultante start-up ; Charles-Henri Besseyre des Horts Professeur émérite à HEC Paris

Une pandémie et une guerre en deux ans ! Quoi de plus déstabilisant et de propice à la réflexion, notamment vis-à-vis de sa place dans la sphère professionnelle ? à l’heure où les remises en question des salariés sont légion, la quête de sens est devenue pour beaucoup une priorité, qui trouve souvent sa réponse dans la volonté de changer de carrière. Quelque 92 % des répondants dans une enquête menée en décembre 20211 se déclarent en quête de sens. Plus précisément, 50 % se posent des questions et 42 % ont déjà entrepris une transition professionnelle.

Un des écueils du management ayant entraîné cette remise en question trouve son explication dans le fait que l’on a appris aux Français comment faire leur travail et non pourquoi. Les objectifs et performances ont ainsi souvent occulté le sens. Comme le souligne depuis plus d’une dizaine d’années le sociologue François Dupuy, les entreprises ont considérablement développé des pratiques de reporting – jusqu’à une overdose qui tuent la création de sens chez les individus2. Le même constat a été fait près de dix ans plus tard par Gary Hamel et Michael Zanini dans leur ouvrage « Humanocratie3 », dans lequel ils dénoncent tout d’abord les effets délétères de la bureaucratie galopante qui a envahi nos entreprises, petites et grandes, avant de proposer des pistes concrètes pour annihiler cette bureaucratie. C’est dans une perspective de quête de sens non satisfaite que l’on peut comprendre le phénomène de grande démission en 2021, qui a vu 38 millions d’Américains quitter volontairement leur poste, dont 40 % n’avaient pas de solutions d’emploi4 !

Si les start-up attirent autant, c’est parce qu’elles ont dans leur ADN ce sens mais aussi et surtout qu’elles savent le transmettre à leurs collaborateurs. Face à ce constat, l’entreprise mature doit changer de prisme si elle veut garder ses salariés : leur rappeler que chaque métier contribue à la bonne marche et au développement de la société et qu’il exige des compétences spécifiques et essentielles propres à chacun, comme le proposait dès 2010 le dirigeant indien Vineet Nayar dans son best-seller mondial5. Le rôle de l’entreprise est également de valoriser ces compétences et de mettre au cœur de ses RH ses valeurs et son rôle positif dans la société, comme le montre le développement impressionnant du nombre de sociétés à mission : 611 ont été comptabilisées en mars 20226, dont la plupart sont, il est vrai, des PME.

Pour illustrer cette question clé de la quête de sens, on peut prendre l’exemple d’un vendeur de voitures : celui-ci a sans doute perdu aujourd’hui sa motivation car il peut avoir l’impression de travailler contre la planète en contribuant à augmenter le taux de carbone. Mais l’entreprise doit lui rappeler que ce métier exige le sens de l’écoute, une fine psychologie et la mise en avant, dans son argumentation, de l’adaptation des véhicules aux innovations technologiques moins polluantes. Par ailleurs, il pourra trouver encore plus de sens à son travail en insistant par exemple sur le rôle important des véhicules automobiles pour le personnel soignant, qui a pu se déplacer facilement pour sauver des vies durant la pandémie.

En définitive, dans la recherche d’un sens par les individus et les entreprises, les DRH doivent dès à présent mettre en œuvre les moyens de la reconquête de son essence (au sens étymologique d’être, exister) par un travail de fond sur les différents métiers de l’entreprise, qui contribuent tous à sa performance générale, sans en privilégier certains par rapport à d’autres. On l’a bien vu dans cette pandémie, des métiers auparavant invisibles ont été mis en avant parce qu’ils se sont révélés essentiels : la quête de sens passe par la reconnaissance de ces héros de l’ombre, encensés tous les soirs à 20 heures il y a deux ans – mais trop vite oubliés depuis !

(2) Dupuy, F. : Lost in Management, Le Seuil, 2011.

(3) Hamel, G. & Zanini, M. : Humanocratie, Diateino, 2021

(4) Besseyre des Horts, CH : « La grande démission : un risque limité mais des actions pour l’éviter », Entreprise & Carrières, n° 1562, du 7 au 12 février 2022, p. 22

(5) Nayar, V. : Les employés d’abord, les clients ensuite, Diateino, (2è ed), 2018

(6) Besseyre des Horts, CH : « Mission ou Purpose : comment la finalité de l’entreprise favorise l’engagement », Entreprise & Carrières, n° 1570, du 4 au 10 avril 2022, p. 22