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Présidentielle : Les candidats se centrent sur le pouvoir d’achat … et le pouvoir des salariés

Tendances | publié le : 11.04.2022 | Benjamin d’Alguerre, Olivier Hielle

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Présidentielle : Les candidats se centrent sur le pouvoir d’achat … et le pouvoir des salariés

Crédit photo Benjamin d’Alguerre, Olivier Hielle

À l’occasion de la présidentielle, Entreprise & Carrières passe les propositions des candidats au crible des ressources humaines. Petit abécédaire.

A comme Administrateurs salariés

Seuls les candidats à la présidentielle marqués à gauche semblent concernés et veulent tous accroître la présence des administrateurs salariés dans les conseils d’administration des entreprises. C’est d’abord le cas de Fabien Roussel, même s’il n’indique pas précisément de combien. De son côté, Yannick Jadot a fixé deux chiffres : un tiers des membres du conseil d’administration ou de surveillance dans toutes les entreprises de plus de 500 salariés et « la moitié pour les entreprises de plus de 2 000 salariés ». Anne Hidalgo a sensiblement la même idée, mais avec des seuils différents : un tiers d’administrateurs salariés pour les entreprises de moins de 1 000 salariés et la moitié dès que le seuil dépasse 1 000 salariés. Jean-Luc Mélenchon, lui, va encore plus loin et souhaite imposer un tiers de représentants des salariés dans toutes les instances dirigeantes des entreprises, donc bien au-delà des simples conseils d’administration. Pour les autres, la loi Pacte semble les satisfaire de ce point de vue. Depuis ce texte du 22 mai 2019, deux administrateurs salariés doivent être présents dans les conseils dès huit administrateurs non salariés. Auparavant, ce plancher était fixé à 12. Par ailleurs, la loi a élargi l’obligation de représentation des salariés aux sociétés non cotées.

Comme Aides aux entreprises

Ces dernières années, l’État a multiplié les aides aux entreprises. Hors celles liées à la crise sanitaire, les plus emblématiques sont le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) et le crédit impôt recherche (CIR). Dans son projet, Anne Hidalgo veut créer une conditionnalité sur les aides, laquelle portera sur des « critères sociaux et environnementaux, dont l’égalité salariale » entre les femmes et les hommes. Fabien Roussel veut davantage contrôler les aides publiques aux entreprises par la création d’instances spécifiques. Le candidat indique par ailleurs vouloir supprimer le CICE, bien qu’il ait déjà été remplacé, en 2019, par une baisse pérenne des contributions patronales.

comme Alternance

Avec 720 000 apprentis recensés début 2022, cette voie de formation des jeunes semble avoir rencontré le succès. De facto, aucun candidat ne semble désireux de revenir en arrière. Le président-candidat souhaite en revanche aller au bout de la réforme en lançant le chantier de rénovation de l’orientation. Aujourd’hui à la main des régions, cette compétence pourrait être davantage partagée entre conseils régionaux, branches, entreprises et système scolaire et universitaire en cas de réélection d’Emmanuel Macron. C’est un gros point de désaccord avec Valérie Pécresse qui, poussée par Hervé Morin et Xavier Bertrand, veut redonner la main aux régions, elle qui souhaite également voir l’apprentissage ouvert dès 14 ans pour certains publics. Autre suggestion, celle d’Éric Zemmour, qui veut davantage promouvoir les métiers manuels en créant des « campus régionaux des métiers », susceptibles de former les jeunes aux métiers dont les entreprises locales ont besoin. Quant à la présidente du Rassemblement national, si elle ne remet pas le système en question, elle entend le compléter avec un « chèque-formation de 200 à 300 euros » destiné « aux apprentis, aux alternants et à leurs employeurs » pour les inciter à s’engager dans cette voie. Anne Hidalgo, elle, souhaite ouvrir l’ensemble des cursus post-bac à l’alternance.

B comme Branches (négociations de…)

Pour Jean-Luc Mélenchon, c’est à cet échelon que devront être négociés des sujets tels que l’annualisation du temps de travail ou le partage du travail. Emmanuel Macron, lui, entend confier aux partenaires sociaux des branches le soin de décider les critères tels que le handicap, les carrières longues ou la réalité des métiers qui permettraient aux salariés de partir en retraite avant l’âge de 65 ans et Anne Hidalgo, si elle venait à être élue, compte se reposer sur elles pour engager des négociations sur la revalorisation salariale et la réforme des grilles de classifications.

C comme Conférence sociale

Trois candidats souhaitent renouer avec ces grands-messes dévolues aux problématiques sociales. François Hollande en avait fait de grands rendez-vous annuels de son quinquennat avant de devoir y renoncer les deux dernières années, face au désintérêt des syndicats qui n’y voyaient plus qu’une chambre d’enregistrement des décisions de l’exécutif. Emmanuel Macron n’a jamais remis le couvert, mais Valérie Pécresse, Jean-Luc Mélenchon et Anne Hidalgo promettent d’en convoquer au moins une dès leur arrivée à l’Élysée. Sur les salaires pour la candidate LR et la maire de Paris. Sur les salaires, les conditions de travail, le partage du temps de travail et les qualifications professionnelles pour l’Insoumis.

comme Compte épargne-temps

Emmanuel Macron propose un « compte épargne-temps universel ». Son idée : « pouvoir travailler plus à certains moments et moins à d’autres ». Curieux point commun avec Anne Hidalgo, qui propose exactement la même mesure.

comme Compte personnel de formation

Fabien Roussel est catégorique : lui président, le CPF disparaîtra purement et simplement au profit d’un nouveau système collectif de gestion de la formation professionnelle (voir p. 6). Le candidat communiste est le seul à vouloir remettre en cause ce dispositif en cas d’accession à l’Élysée. Valérie Pécresse, elle, le conserve, mais en fléchant prioritairement son usage vers les métiers en tension.

comme CSE

Le dialogue social et les institutions représentatives du personnel restent des sujets clivants. Sans surprise, le candidat Emmanuel Macron veut poursuivre « la modernisation du Code du travail », initiée avec les ordonnances de 2017 et renvoyer de nouveaux sujets à la négociation d’entreprise sans préciser cependant ce qu’il veut retirer aux branches. À gauche, un consensus sur le détricotage des derniers textes sur ce sujet, de la loi El Khomri aux ordonnances, semble se dessiner. La plupart des candidats de gauche veulent faire table rase des ordonnances pour retourner à l’ancienne hiérarchie des normes et le démembrement des CSE pour revenir aux IRP classiques, dont les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), et parfois même des comités d’entreprise. Fabien Roussel veut également renforcer les pouvoirs des représentants des salariés en leur donnant un « droit de veto suspensif » sur les projets de restructuration et les licenciements. Par ailleurs, il veut accorder aux salariés un « droit de préemption » en cas de vente de l’entreprise et leur permettre ainsi de prendre le contrôle sous la forme d’une coopérative. Avec Yannick Jadot, retour d’une « instance représentative dédiée à la santé au travail » dans les entreprises dotées d’un CSE, et abaissement du seuil de plein exercice à 11 salariés.

E comme Égalité professionnelle

Fabien Roussel a une grande ambition : atteindre l’égalité salariale en un an dans le secteur privé. Si les employeurs ne le font pas eux-mêmes, il compte permettre aux administrateurs judiciaires de le faire à leur place. Philippe Poutou, lui, veut confier cette mission à l’inspection du travail en en renforçant les contrôles, tout comme Yannick Jadot, qui vise en particulier les entreprises de plus de 20 salariés. En cas d’inégalité salariale, il souhaite imposer une amende de 330 euros par jour d’infraction constaté. Pour le candidat écologiste et Anne Hidalgo, l’égalité professionnelle passe également par l’allongement du congé paternité, qu’ils souhaitent porter à 16 semaines.

F comme Formation professionnelle

Ce fut déjà un grand chantier du quinquennat précédent qu’Emmanuel Macron souhaite compléter par une réforme de l’orientation (voir « Alternance ») et des lycées professionnels en permettant aux scolaires de ces établissements de bénéficier d’un salaire pour leur temps passé en entreprise, comme pour les apprentis. Valérie Pécresse, de son côté, entend débloquer « un million de formations au numérique » et y flécher prioritairement les « jeunes talents ». Jean-Luc Mélenchon retient lui l’idée d’une « sécurité sociale professionnelle » (proposition de la CGT) qui permettrait le maintien du dernier salaire pendant les périodes de formation et propose un crédit individuel de 36 heures pour permettre aux individus de se former ainsi que l’intégration des périodes de stages et de formation dans le calcul de la retraite. Il est par ailleurs le seul candidat à promettre que ce sujet sera suivi par un secrétariat d’État dédié durant son mandat. Le RN veut construire ses politiques de formation « à partir des besoins des territoires », tandis que Yannick Jadot propose la création d’un « droit à la reconversion pour les métiers en transition », financé par les pouvoirs publics dès lors que ces formations concernent des métiers dévolus à la transition environnementale. Très radical, Fabien Roussel envisage la fusion de Pôle emploi et d’autres acteurs comme les Greta pour créer « un grand service public de l’emploi et de la formation professionnelle. »

L comme Licenciement

Yannick Jadot et Anne Hidalgo veulent tous les deux supprimer le « plafond des indemnités prud’homales en cas de licenciement fautif ». Jean-Luc Mélenchon aussi veut voir le barème Macron disparaître. Le candidat de la France insoumise veut en plus interdire les licenciements dans les entreprises qui ont précédemment distribué des dividendes, des stock-options ou des actions gratuites. Sans grande surprise pour un candidat communiste, Fabien Roussel suspendrait tous les plans sociaux et les licenciements en cours dès son entrée à l’Élysée.

P comme Prime de pouvoir d’achat

Créée par le gouvernement à l’occasion du mouvement des gilets jaunes, la « prime Macron » était censée être « exceptionnelle ». Pourtant, le dispositif a été prorogé puis amélioré jusqu’à la fin du quinquennat. Pour rappel, cela consiste en fait à exonérer une prime annuelle de cotisations et contributions sociales, sous certaines conditions, notamment de plafond. Instigateur du dispositif qui porte son nom, le candidat Emmanuel Macron veut tripler cette prime pour la passer à 3 000 euros par an, et même 6 000 euros pour les entreprises qui signent un accord d’intéressement.

R comme RTT

Assez peu de grain à moudre en la matière, sauf pour Valérie Pécresse qui souhaite qu’un salarié volontaire puisse convertir ses RTT en salaire pour augmenter son pouvoir d’achat.

S comme Salaires

Alors que la question du pouvoir d’achat s’est imposée comme thématique majeure dans la dernière ligne droite de la campagne, tous les candidats ont peaufiné leurs propositions pour un coup de pouce aux rémunérations. À l’exception notable d’Emmanuel Macron, qui avait cependant impulsé des négociations de revalorisation salariales dans les branches au lendemain de la période Covid. À gauche, c’est surtout par une augmentation du salaire minimum que l’on entend redonner du pouvoir d’achat aux travailleurs. Fabien Roussel propose ainsi un Smic à 1 500 euros net, Jean-Luc Mélenchon à 1 400 euros, Anne Hidalgo en prévoit une augmentation de 15 %, ce qui pourrait le porter à environ 1 470 euros net et Yannick Jadot de 10 %, soit presque 1 400 euros net. À droite, Valérie Pécresse propose une revalorisation de 10 % de tous les salaires inférieurs à 2 800 euros net par mois sur l’ensemble du quinquennat avec un premier coup de pouce de + 3 % dès l’été 2022. Une mesure qu’elle entend financer grâce à la fin des cotisations salariales à l’assurance vieillesse. La candidate LR prévoit aussi de relancer les dispositifs d’intéressement et de participation dans les entreprises avec l’objectif de faire passer au moins 10 % du capital des sociétés cotées à la main des salariés sur cinq ans. Quant à Marine Le Pen, elle propose une augmentation de 10 % des plus bas salaires jusqu’à hauteur de trois fois le Smic grâce à une exonération de cotisations patronales. Éric Zemmour pour sa part a inscrit une réduction de la CSG permettant aux salariés et travailleurs indépendants de disposer d’un 13e mois.

T comme Temps de travail

Longtemps totem de la droite en campagne, la fin des 35 heures, que même la majeure partie des adhérents du Medef ne réclame plus, ne figure qu’au programme de Valérie Pécresse, qui promet de s’engager en parallèle sur une défiscalisation des heures supplémentaires après la 35e. A contrario, la semaine de 32 heures, annoncée comme l’un des engagements majeurs des candidats de gauche n’est plus qu’à l’agenda – relais de la CGT oblige – de Fabien Roussel. Anne Hidalgo l’a discrètement glissée sous le tapis et le programme des Insoumis ne la réclame plus que pour les métiers les plus pénibles. En revanche, Jean-Luc Mélenchon est pour « les 35 heures effectives » avec une rémunération des heures supplémentaires, cotisations incluses, à hauteur de 25 % pour les quatre premières et de 50 % ensuite. L’annualisation du temps de travail et les forfaits-jours deviendraient en revanche, selon le candidat de l’Union populaire, un sujet à l’agenda à la main des partenaires sociaux dans les branches.

comme Travailleurs des plateformes

Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot s’inspirent du modèle espagnol et souhaitent instaurer une présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes numériques. Anne Hidalgo, sans remettre le modèle en question, souhaite les doter des mêmes droits que les autres salariés en matière de protection sociale.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre, Olivier Hielle