Le vice-président délégué de l’ANDRH (et DRH de L’Oréal France) s’étonne que les candidats à la présidentielle ne s’emparent pas davantage du télétravail et de l’hybridation. Pourtant, cette évolution sociétale implique de revoir certains concepts, dont le contrôle et le calcul du temps de travail.
Ils touchent toutes les entreprises, grandes et petites. Ainsi, quelque 2 926 accords ont été signés entre le 20 décembre 2020 et le 20 décembre 2021, selon le rapport Réalités du dialogue social, publié à la fin mars 2022. Ce qui me fait dire que nous sommes bien passés de « l’autre côté ». Aujourd’hui, ce sont 25 % à 30 % des salariés qui sont en télétravail partiel et régulier, contre à peine 3 % avant la pandémie. Autrement dit, le télétravail s’est implanté – pour durer – dans le nouveau paysage du travail. Et en fait, nous l’avons même déjà dépassé, puisque c’est l’hybridation qui s’installe désormais. À cet égard, l’ANDRH s’étonne que les candidats à la présidentielle ne se soient pas davantage emparés de ces deux thèmes, pourtant au cœur des nouveaux modes de travail et de l’économie. Nombre de concepts, qui vont de l’étude des métiers au modèle de comptabilisation des heures de travail en passant par le dialogue social et la qualité de vie du travail, en sont affectés. Les entreprises s’adaptent, tout comme le dialogue social, il serait logique que le législateur fasse de même pour réévaluer le Code du travail afin d’inclure ces éléments – sous peine, autrement, de prendre le risque de créer des inégalités de traitement ou une incohérence entre pratique et droit.
Il faut déjà commencer par y réfléchir ! Au-delà des frais de transport, par exemple, qu’il faut sans doute moduler, surtout si un salarié a déménagé loin du siège de l’entreprise, comment contrôle-t-on le temps de travail à domicile ? Faut-il continuer de parler de 35 heures hebdomadaires ou envisager un système de comptage annualisé et de quelle façon si l’on ne veut pas léser les salariés sur les heures supplémentaires, par exemple ? Faut-il aussi, dans ces conditions, réformer le compte épargne-temps pour le rendre portable, monétisable, universel ? Nous voyons bien que les pratiques ont changé et que le droit du travail ne suit pas. Ce qui ne veut pas dire qu’il faille mettre davantage de contraintes sur les entreprises en encadrant trop. Le dialogue social de terrain, adapté à chaque entreprise, est le plus efficace, même si, d’ailleurs, les syndicats s’inquiètent parfois d’un télétravail qui modifie aussi leur accès aux salariés et perturbe le fonctionnement collectif…
Le télétravail influence aussi bien l’organisation de l’entreprise que le modèle managérial et le collectif. Il est donc normal qu’il faille du temps pour s’adapter. Les DRH doivent à la fois maintenir l’unité, alors que les équipes peuvent être partagées entre ceux qui télétravaillent, parfois à l’autre bout de la France ou du monde, et les autres, et l’équité, pour les mêmes raisons. S’il est clair qu’un salarié ne peut pas faire ce qu’il veut quand il veut, de même qu’il ne peut y avoir d’injonction au télétravail, il n’en reste pas moins que les DRH doivent réfléchir à mettre en place des systèmes permettant notamment à ceux dont les tâches sont peu télétravaillables de profiter au moins d’un jour de télétravail de temps en temps, de même qu’ils doivent mieux intégrer les souhaits des salariés, en particulier de la nouvelle génération, et de façon plus large, sur la qualité des postes proposés, la mobilité professionnelle et le sens du travail. D’ailleurs, les accords de télétravail s’inscrivent peu dans des accords plus larges, sur la QVT, ce qui est dommage. Tout cela serait pourtant à l’avantage des entreprises, puisqu’il s’agit d’embarquer tout le monde, quel que soit son statut, quelle que soit sa tâche, et faire en sorte que chacun soit engagé pour la réussite de l’œuvre collective. Le sens, la performance, l’attractivité doivent être leurs priorités dans cette réflexion.