À quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle, l’Association française des managers de la diversité (AFMD) a interpellé les candidats et candidates, pour faire de la diversité et de l’inclusion une priorité du prochain quinquennat. Objectif : les mobiliser sur ce terrain en leur apportant des propositions concrètes sur le vivre-ensemble. Par le biais de ses deux coprésidents, Anne-Laure Thomas et Johan Titren, l’AFMD présente les mesures de prévention des discriminations et d’accompagnement des employeurs pour davantage d’inclusion.
Anne-Laure Thomas et Johan Titren : Notre première intention est de parler et faire parler les candidates et candidats, qui nous semblent absents ou tout cas, très discrets – trop discrets – dans la campagne sur les sujets de la diversité et de l’inclusion… Nous avons sélectionné six mesures marquantes, réparties en trois axes. Le premier axe concerne la mise en place de dispositifs efficaces de prévention des discriminations et de management de la diversité au sein des organisations (avec deux propositions : nommer un ou une référent(e) « diversité et inclusion » dans toutes les entreprises de plus de 250 salariés et accompagner celles de toutes tailles dans la lutte contre les discriminations dans le recrutement). Le deuxième axe vise un environnement de travail ouvert, mixte et inclusif, en intégrant un module d’enseignement pour la déconstruction des stéréotypes auprès des élèves et des étudiants dans les cursus de formation et en favorisant la mixité des métiers pour agir sur les choix d’orientation et la gestion de carrière. Le troisième encourage la prise en compte des politiques diversité et inclusion dans la valorisation des organisations : il s’agit là d’intégrer la diversité et l’inclusion dans les systèmes de notation et d’appréciation de la performance extrafinancière des organisations et d’organiser une campagne annuelle d’information gouvernementale de prévention des discriminations et de promotion des initiatives des organisations sur le sujet.
A.-L. T. : Cela dépend des entreprises et des sujets. Nous constatons cependant une vraie évolution, en particulier dans la mesure. Par exemple, sur le sexisme, un sujet porté par l’AFMD, sur lequel nous avons fait une enquête, huit femmes sur dix et quatre hommes sur dix se disent victimes de sexisme en entreprise et en écoles. Nous avons mis en place un groupe de travail sur ce sujet, car il est important de construire un environnement de travail inclusif et de former, notamment les RH. Et même si l’AFMD touche davantage les managers, nous souhaitons intégrer les responsables achats et les commerciaux, pour faire évoluer les organisations de toutes tailles. Nous travaillons également sur la tolérance zéro. Sur l’égalité hommes-femmes, il y a encore du chemin à parcourir. Nous sortons ce mois-ci un recueil de bonnes pratiques.
J. T. : Ce que l’on observe, c’est que les organisations qui nous rejoignent sont de plus en plus nombreuses. Nous avons 160 adhérents aujourd’hui et le mouvement s’accélère. C’est un premier signe encourageant. Le deuxième changement, c’est qu’ils ne s’engagent plus pour échanger sur le « pourquoi » il est nécessaire de lutter contre les discriminations, mais en sont au stade du « comment ». Notre intérêt est de nous rassembler pour partager nos expériences.
A.-L. T. : La RSE est souvent le chapeau général sous lequel va se retrouver la politique de diversité. Pour nous, cette politique de lutte doit gagner sa place ailleurs, car ses effets sont énormes sur la motivation et la performance. Nous prônons beaucoup la formation, dès le recrutement. Elle est essentielle pour aller plus loin. Cela permet de créer un cadre commun et de donner des bases à tous sur les points de vigilance que chacun doit avoir. Aujourd’hui, de plus en plus de candidats et de salariés interrogent l’entreprise sur la politique de diversité, le handicap, la RSE… Nous sommes aussi convaincus qu’il faut pouvoir mesurer et faire des baromètres. L’AFMD proposera à la fin de l’année un outil universel qui permettra aux entreprises même les plus petites de faire un bilan et de voir les axes de progrès à adopter.
J. T. : Les obligations légales existent. Les entreprises n’ont pas le choix. Mais au-delà de ce cadre légal, elles ressentent les attentes des collaborateurs sur ces thématiques. Nous observons de grands écarts entre les entreprises engagées dans des démarches de type #StOpE (Stop au sexisme ordinaire en entreprise) sur les problématiques de sexisme, de diversité, et les autres. C’est pourquoi nous souhaitons intégrer ces indicateurs dans les marchés publics, par exemple, ou dans les relations avec les fournisseurs.
A.-L. T. : Il faut l’impulsion du dirigeant, bien entendu, mais il faut que cela bouge à tous les niveaux. Chacun et chacune a son rôle à jouer sur la diversité. Nous proposons de nommer un(e) référent(e) dans les organisations de plus de 250 salariés, car 82 % des collaborateurs ont moins peur d’être discriminés lorsqu’il y a un référent, selon notre enquête. Comme sur les sujets de handicap et de harcèlement, il faut une personne qui impulse ce sujet, en étroite collaboration avec le comex. Cela revient à l’idée de tolérance zéro, tout le monde doit être acteur.
J. T. : Nous voulons des référents et la mobilisation des dirigeants, mais aussi des actions qui entraînent la participation des personnes elles-mêmes – par le biais de réseaux mixité ou LGBT ou de personnes en situation de handicap, par exemple.
J. T. : Il faut des actions qui contribuent à faire tomber les représentations, comme des concours d’éloquence qui servent de levier pour nourrir la politique de diversité. Nous sommes également convaincus qu’il faut de la mesure (de l’inclusion, de la diversité…) pour voir ce qui fonctionne et les zones de progrès.
A.-L. T. : Concrètement, chez L’Oréal, je fais et je partage. Tous les ans, j’essaie de trouver une nouvelle façon d’engager les salariés. J’ai par exemple enregistré des témoignages de collaborateurs sur leur handicap invisible – une personne diabétique ou avec la maladie de Crohn. Ces témoignages libèrent la parole. Dans nos concours d’éloquence, chaque équipe doit pitcher une politique de diversité et les gagnants ont un petit budget pour la mettre en place. Cela crée de l’appartenance et permet à tout le monde de progresser. L’implication de tous permet d’aller plus vite.
J. T. : L’intérêt premier, c’est d’éviter le contraire, c’est-à-dire l’exclusion, l’indifférence ou l’entre-soi. Le deuxième, c’est la motivation et ce que crée cette richesse en termes d’innovation, de créativité, de solidarité entre les équipes. Le troisième est, entre une entreprise engagée et une autre, la perception du collaborateur. Enfin, on note clairement une différence sur la performance. Ces raisons humaines, sociales et économiques font la démonstration du pourquoi il faut le faire. Certaines entreprises se distinguent, car elles travaillent sur ces sujets depuis longtemps. Les choses ne bougent pas du jour au lendemain, mais il n’est jamais trop tard pour s’y mettre et nous sommes convaincus qu’ensemble on est plus fort, d’où l’idée centrale de partage d’expériences au sein de l’AFMD.
J. T. : C’est à eux et à elles qu’il faut poser la question ! Mais est-ce que nous nous sentons écoutés ? Nous avons lu les programmes et nous observons que d’autres sujets sont sur le devant de la scène… Néanmoins, si nous lisons entre les lignes, nous voyons des appréciations différentes sur la vision de la richesse ou des atouts que l’inclusion apporte au projet républicain. Il y a des différences notables de convictions.
Depuis 2007, l’AFMD agit pour encourager la diversité et l’inclusion dans le monde du travail. Elle regroupe 160 organisations adhérentes, de tous secteurs et de tous types. Elle sensibilise et accompagne les managers et met au point des méthodes de mesure de l’inclusion et de la diversité.