logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Chroniques

Yvan William : La chronique juridique

Chroniques | publié le : 11.04.2022 | Yvan William

Image

Yvan William : La chronique juridique

Crédit photo Yvan William

Application du barème Macron : Une décision « définitive » de la Cour de cassation pour bientôt !

La décision de la Cour de cassation statuant sur le pourvoi formé à l’encontre de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 mars 2021 ayant écarté l’application du barème Macron sera rendue le 11 mai 2022. Enfin ! C’est en réalité la 4e saison de cette saga qui trouve son origine dans les demandes formées par plusieurs avocats de salariés afin que les juges écartent l’application du barème Macron pour indemniser le préjudice subi par leur client dont le licenciement est jugé abusif :

1. À partir de 2018 : plusieurs conseils de prud’hommes écartent l’application du barème et accordent une indemnité supérieure à celle fixée par l’article L. 1235-3 du Code du travail en retenant l’inconventionalité du barème notamment à la convention n° 158 de l’OIT ;

2. Entre 2017 et 2019, le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation (saisie uniquement pour avis) confirment la légalité du barème ;

3. De 2020 à aujourd’hui : plusieurs arrêts de cour d’appel persistent à accorder aux salariés des réparations supérieures au montant maximal fixé par le barème ;

4. Le 31 mars 2022, la Cour de cassation entendait en audience de jugement les parties et l’avocat général sur la conventionalité du barème Macron dans l’affaire citée.

L’intérêt de cette audience tient aux propos de l’avocat général. On rappellera que le rôle du parquet général actuellement « dirigé » par François Molins est de rendre des avis dans l’intérêt de la loi et du bien commun et d’éclairer la Cour de cassation sur la portée de sa décision.

Relevant à demi-mot la faiblesse du raisonnement de la Cour de cassation dans ses premiers avis, l’avocat général donne raison à la cour d’appel de Paris. Il considère que les juges devraient pouvoir sortir du cadre du barème lorsque le salarié fait état d’éléments tirés de sa situation concrète démontrant que la réparation fixée par le barème n’est pas adéquate au regard du préjudice subi spécifiquement.

Cette position à l’encontre de l’avis de la Cour de cassation fait à nouveau du bruit dans le Landerneau judiciaire alors que l’on pensait le débat quasiment tranché. Bien sûr, l’avis de l’avocat général ne lie pas la Cour de cassation, mais il repose clairement les termes du débat sur l’inadéquation de l’indemnisation fixée par le barème Macron dans certaines situations.

Pratiquement, si la Cour suivait cette voie, elle légitimerait le droit du salarié justifiant d’une situation particulière (au regard de son âge, du niveau de formation, de son handicap…) de solliciter une indemnisation supérieure à celle fixée par le barème Macron. Selon un contrôle dit « in concreto », le juge, saisi spécifiquement sur ce point, pourrait juger que le barème ne permet pas, dans la situation qui lui est soumise, d’accorder au salarié une réparation adéquate (principe édicté par l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT) et s’écarterait du barème.

Dans l’affaire à l’origine du pourvoi en cassation étudié, la cour d’appel relève que l’application du barème Macron ne permettait même pas à la salariée (de plus de 50 ans et de trois ans d’ancienneté) de toucher la moitié du préjudice financier subi du fait de son licenciement.

Pour se faire, la cour d’appel compare l’indemnité maximale du barème Macron attribuée au différentiel observé entre les allocations de chômage versées et le salaire qui aurait été perçu entre la date du licenciement et la date du jugement de l’affaire.

Cette disproportion entre l’atteinte au droit des salariés privés abusivement de leur emploi et la réparation se révèle en particulier dans la situation de salariés qui ont une faible ancienneté et dont la situation socioprofessionnelle rend leur réinsertion particulièrement difficile (handicap, absence de diplôme…). Pour un salarié de deux ans d’ancienneté, le barème Macron prévoit en effet une indemnité maximale qui ne dépasse pas 3,5 mois de salaires. Le dispositif antérieur garantissait, lui, une indemnité minimale de six mois de salaires majorée selon la libre appréciation du juge en fonction du préjudice réellement démontré.

Sous couvert de traiter les cas les plus spécifiques, le risque serait de remettre en cause un système d’indemnisation qui a permis finalement une plus grande sécurité juridique et qui encourage les parties à trouver un règlement amiable de leur litige.

La force du débat judiciaire et du fonctionnement démocratique est de permettre ce genre de controverses. On espère toutefois qu’une ligne claire soit rapidement définie et que la recherche de l’équité ne mène pas, en réalité, à plus de confusion que de justice.

Auteur

  • Yvan William