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Reconnaître l’individu protège de l’individualisme

Chroniques | publié le : 04.04.2022 |

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Reconnaître l’individu protège de l’individualisme

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Benoît Serre Vice-président délégué de l’ANDRH

La transformation digitale, l’émergence de data toujours plus précise, le rapport au travail offrent des opportunités évidentes – mais doublées d’un risque qui ne l’est pas moins : celui du triomphe de l’individualisme, là où nous devrions protéger surtout celui de l’individu. Durant la crise, au sein des organisations, chacun a pu mesurer l’importance de la prise en compte de la situation personnelle, parfois encouragée par les pouvoirs publics eux-mêmes. Cette approche parfaitement compréhensible sur un plan sanitaire comme au nom de la protection des personnes est néanmoins venue percuter la logique très collective de nos entreprises. Nos politiques de protection sociale le sont, bien sûr, avec parfois une tendance globalisante et donc potentiellement inadaptée à certaines catégories de collaborateurs. Les besoins d’un jeune ne sont pas ceux d’un plus âgé et inversement. Il en va de même de la logique du plan de formation tel que présenté aux instances représentatives, alors même que nos politiques tendent justement à l’individualiser. Le développement du télétravail a fait apparaître des demandes d’adaptation du rythme hebdomadaire quasiment à la personne. Ces quelques exemples montrent que si nous n’y prenions pas garde, nous risquerions de faire d’une organisation une somme d’individualités et non un ensemble cohérent, motivé par le même but et solidaire d’un projet partagé. Ce serait alors la victoire de l’individualisme en entreprise.

Soyons honnêtes, cette logique est présente actuellement malgré le paradoxe qu’elle porte, puisque chacun se réclame d’une volonté de solidarité et de coresponsabilité. Faire cohabiter ces deux logiques qui se défendent est un défi pour les RH. Nous avons tous assisté à ces débats sur les équilibres de vie, qui parfois en viennent à opposer sphères privée et professionnelle, alors que l’enjeu est de les traiter équitablement, l’une et l’autre. Le tout conduisant à en accepter les champs de contraintes, qui ne peuvent se résumer à leur négation. Il est normal que l’individu cherche à trouver son propre équilibre, sachant que cette harmonie évolue dans le temps. Une entreprise a parallèlement la responsabilité – comme l’intérêt – d’assurer ce juste équilibre entre le travail et la vie personnelle. Mais elle ne peut s’adapter à chacun, car dans ce cas, elle générerait inévitablement inégalité et mécontentement.

Et pourtant, nous vivons dans un monde où la maîtrise des données sur les réseaux sociaux vous « pousse » ce que vous avez envie de voir et de lire. Le commerce en ligne est dans la même logique d’individualisation de la relation client avec les suggestions d’achat et les publicités ciblées. Parfois même, les politiques de recrutement et de gestion des talents visent l’hyper individualisation. Tout cela crée un environnement très différent de l’enjeu d’une entreprise, où plus que jamais le collectif doit l’emporter sur l’individu, sans quoi l’organisation prendrait le risque de la désunion, voire de la disparition.

Il existe pourtant un engagement de management et de RH qui permet de se prémunir contre ce risque d’individualisme sans nier l’individu. C’est de donner la prééminence aux soft skills dans le recrutement comme dans la gestion des équipes. Les collaborateurs d’aujourd’hui souhaitent d’abord être reconnus pour ce qu’ils sont et non uniquement pour ce qu’ils font ou produisent. Donner de l’importance à leurs aptitudes, à leur particularité, au fait que chacun est unique nécessite de s’intéresser autant à leurs compétences qu’à leur personnalité. C’est surtout se poser la question majeure de leur rôle et de leur intégration dans l’équipe comme dans la culture de l’entreprise. C’est aussi ouvrir des champs en dehors de l’activité elle-même, comme le font certaines entreprises qui proposent des opportunités différentes d’engagement et d’action.

Dans ce changement profond, les spécialistes RH ont un rôle majeur à jouer, car ils sont les mieux placés pour reconnaître et valoriser l’individu et non uniquement le résultat qu’il produit. Et raisonner comme cela permet aussi de se dire que sur ce point-là, ce ne sont ni les data ni les analyses digitales qui pourront jouer ce rôle de reconnaissance de l’individu à part entière !