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« Une cellule de crise doit aujourd’hui être mise en place »

Tendances | publié le : 28.03.2022 | Lys Zohin

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« Une cellule de crise doit aujourd’hui être mise en place »

Crédit photo Lys Zohin

Cette professeure à l’Essec1 suggère de s’inspirer des méthodes développées par les spécialistes des interventions de crise et d’organiser des retours d’expérience dans les entreprises pour apprendre de ce qui s’est passé pendant la pandémie – et pourrait de nouveau avoir lieu, sous d’autres formes, avec les effets de l’invasion russe de l’Ukraine.

Certaines entreprises ont des activités ou des salariés en Ukraine et en Russie. Doivent-elles faire appel à des spécialistes des interventions de crise pour les aider actuellement ?

Pour certaines entreprises françaises, la crise ukrainienne rappelle d’autres crises. Dans le passé, elles ont parfois été obligées de rapatrier leurs salariés d’autres pays : du Liban, de Syrie, du Mali… voire d’Ukraine en 2014. Mais pour celles qui n’ont jamais été confrontées à ce type de situation, il est très utile de se faire accompagner par des spécialistes, car la vie des salariés peut être en jeu et la rapidité d’action est un facteur clé. Les consultants peuvent aider à cerner le périmètre de responsabilité de l’entreprise, en distinguant les obligations légales et la responsabilité morale, en prenant en compte aussi bien la situation des expatriés que celles des personnels sous contrats locaux et des sous-traitants. Il ne s’agit pas de rapatrier tout le monde en France, mais certaines sociétés peuvent faire basculer du personnel dans des filiales situées dans d’autres pays. Elles peuvent également fournir des moyens logistiques aux salariés français qui veulent aider. Il est, dans tous les cas, nécessaire d’être prudent, parce que lorsque l’on commence à aider des personnes affectées, il faut pouvoir aller jusqu’au bout.

Y a-t-il des enseignements à tirer de la crise sanitaire, bien différente de la situation actuelle, pour traverser cette nouvelle période de tensions et d’incertitudes ?

On passe d’une crise sanitaire de longue durée à une crise géopolitique où tout va très vite, une situation qui est à la fois incertaine, instable et risquée. Les réactions ne peuvent donc pas être semblables. Mais faire un retour d’expérience sur la manière dont la précédente crise a été gérée par l’entreprise reste très utile, afin de tirer des enseignements en matière d’organisation. Il faut prendre le temps de réfléchir à ce qu’on n’a pas vu ou entendu venir, à ce que l’on n’a pas réussi à faire assez vite, afin d’apprendre de ces difficultés. Si ce n’est pas déjà fait, une cellule de crise doit aujourd’hui être mise en place. Pour anticiper, il est également nécessaire de réfléchir à partir de différents scénarios. Ce n’est pas la peine de chercher un gourou qui va prédire l’avenir. Il faut se préparer à être surpris. Par ailleurs, je voudrais revenir à cette petite phrase qu’on a entendue au début de la crise sanitaire : le monde d’après ne serait pas comme le monde d’avant. Il y a eu une prise de conscience environnementale. Ce sujet est encore plus d’actualité aujourd’hui, car la guerre en Ukraine va fortement affecter la consommation. C’est le moment ou jamais de mettre en place des modes de production et de transport plus durables.

Dans tous les cas, comment, de votre point de vue, les entreprises doivent-elles réagir pour rassurer leurs salariés (sur leur pouvoir d’achat, leur charge de travail, leur emploi…) ?

La question de la communication est centrale. Les salariés doivent être correctement informés des conséquences de la guerre pour l’entreprise. La cellule de crise et les dirigeants doivent s’en charger eux-mêmes pour que les choses aillent vite. On sort complètement de la communication routinière. Il faut couper court à la circulation des rumeurs. Mais, par rapport au pouvoir d’achat, il ne s’agit pas forcément de rassurer. Cela ne sert à rien de cacher des choses. L’entreprise, en revanche, a intérêt à impliquer ses salariés dans la recherche de solutions, à accompagner leurs initiatives. Avec la hausse des prix des carburants, il est possible de favoriser le covoiturage, le vélo, de conserver un télétravail partiel… Les acheteurs peuvent aussi avoir des idées pour redéployer leurs portefeuilles de fournisseurs, en privilégiant des modes de transport économes en énergie. Il faut entendre toutes ces propositions.

(1) Co-auteure, avec David Autissier, Gaspard Gantzer, Matthieu Langlois et Marie Kerveillant, du Mooc « Gérer les crises de demain » (Essec, accessible sur la plateforme Coursera à partir d’avril 2022).

Auteur

  • Lys Zohin