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Santé au travail : Priorité à la prévention, certes, mais comment ?

Le point sur | publié le : 28.03.2022 | Gilmar Sequeira Martins

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Santé au travail : Priorité à la prévention, certes, mais comment ?

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

Votée le 2 août 2021, la loi sur le renforcement de la prévention en santé au travail entre en vigueur fin mars. Elle vise à réduire l’exposition aux risques et éloigner le danger de « désinsertion professionnelle » – sans aborder toutefois la question des moyens…

La prévention avant tout. C’est le leitmotiv de la loi du 2 août 2021 portée par les députées LREM Charlotte Parmentier-Lecocq et Carole Grandjean. Parmi les mesures phares figure la conservation obligatoire pendant quarante ans, par l’entreprise et par un organisme extérieur, du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP). Les organisations syndicales saluent unanimement ce progrès. Ce dispositif va en effet réduire très fortement le risque de perdre la trace des expositions collectives qui peuvent avoir des répercussions, parfois mortelles, sur la santé des salariés. « La conservation du document unique est une avancée importante puisqu’il permettra une meilleure traçabilité des expositions et il sera plus facile de faire reconnaître le lien entre une maladie et une exposition », souligne notamment Pierre-Yves Montéléon, responsable confédéral de la CFTC chargé de la santé.

Parmi les assureurs qui couvrent ces risques, le dispositif suscite aussi l’approbation. Pour Olivier Augagneur, directeur du pôle commercial et technique chez Willis Towers Watson, les évolutions apportées au DUERP vont dans le bon sens : « Il existe depuis 2001, mais 60 % des entreprises ne le réalisent pas, faute le plus souvent d’information ». Il estime particulièrement utiles les dispositions qui rendent obligatoire la consultation du CSE lors de l’élaboration, mais aussi de la mise à jour du document unique : « L’employeur peut ne pas tenir compte de l’avis des représentants du personnel, mais il sera challengé et cela permettra aux IRP de suivre ce qui est fait en matière d’actions de prévention », explique-t-il, pour ajouter que les assureurs y gagnent : « L’absentéisme a augmenté de 18 % sur les quatre dernières années et il coûte cher. En moyenne, 1 % d’absentéisme coûte 1 % du chiffre d’affaires. » Or il pèse aussi sur le bilan des assureurs…

Les employeurs « seuls » face au DUERP ?

Les acteurs de l’assurance comptent donc se servir de cette loi comme d’un levier, relève Olivier Augagneur : « C’est une opportunité de travailler avec les entreprises sur l’ensemble des risques, qu’il s’agisse de responsabilité civile, de dommages ou d’assurances des personnes. Nous pouvons aider les entreprises à réaliser des audits sur les risques professionnels (questionnaires, cartographie par site ou typologie de population), à mettre en place des dispositifs d’aide au retour à l’emploi après une visite de préreprise ou de reprise, des dispositifs de formation (management à distance, prévention des RPS, gestion du stress) ou de sensibilisation (sommeil, nutrition, activité physique), du soutien psychologique dans le cadre des RPS ou d’ateliers d’éveil musculaire pour réduire le risque de TMS. Des séances de massage ou d’ostéopathie sont aussi envisageables », énumère-t-il.

Les bonnes intentions ne suffiront pas, prévient toutefois Jean-Louis Zylberberg, médecin du travail et représentant de la CGT à la commission des maladies professionnelles du Conseil d’orientation et des conditions de travail (COCT). « Les SPSTI1 n’ont pas les moyens d’accompagner les entreprises dans l’élaboration du document unique. Cette loi ambitieuse ne prend pas en compte la réalité des entreprises et des services de santé au travail. Comme c’est déjà le cas aujourd’hui, les employeurs vont encore se retrouver seuls pour remplir le DUERP », dit-il.

Face à la pénurie de médecins du travail, la loi prévoit par ailleurs le recours à des infirmiers en pratique avancée (IPA) et des médecins praticiens collaborateurs (MPC). Mais « ce sont des palliatifs, en aucun cas une solution, souligne à cet égard Serge Legagnoa, secrétaire confédéral de Force ouvrière. Cette pénurie peut entraîner une baisse de compétences et de la qualité des réponses apportées aux salariés. » Pour Martial Brun, directeur général de Présanse, l’association représentant les 203 SPSTI en activité, un diagnostic plus large mérite d’être posé et les initiatives encore émergentes doivent être encouragées. « En lien avec des SPSTI, des facultés de médecine, à Grenoble, Lille, ou Paris, organisent des stages en SSTI pour leurs étudiants. Nous avons constaté un bon taux de conversion lors de ces expérimentations », indique-t-il. Présanse mise aussi sur un label professionnel développé en interne pour augmenter l’attractivité de cette spécialité. Autant d’actions qui restent pour l’heure sans effet sur l’évolution de la démographie médicale. Selon le rapport2 publié par l’IGAS en 2019, le nombre de médecins en activité dans les SPSTI est passé de 5 061 (4 109 en ETP) en 2014 à 4 540 (3 729 en ETP) en 2019. Et d’après les derniers chiffres publiés par Présanse, le nombre de médecins du travail en activité au 1er janvier 2021 s’élevait à 3 561…

(1) SPSTI : Services de prévention et de santé au travail interentreprises (dénommés avant la loi SSTI, services de santé au travail interentreprises).

(2) « Évaluation des services de santé au travail interentreprises (SSTI) », rapport de l’IGAS n° 2019-070R1, publié en février 2020, page 26.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins