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Après la crise… la crise ?

Chroniques | publié le : 28.03.2022 |

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Après la crise… la crise ?

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Gilles Gateau Directeur général de l’Apec

Une reprise économique en fanfare, des embauches records, un virus moins virulent même s’il circule encore, la fin des restrictions sanitaires (presque) partout, les visages et les sourires enfin visibles et même le retour de la bise et des franches poignées de main : il s’annonçait chouette ce printemps 2022 ! Après deux ans pénibles et angoissants, enfin le retour de la légèreté…

Las ! Voici encore un grand coup sur nos têtes et notre moral. Et de vrais coups, cruels et mortels ceux-là, sur nos voisins ukrainiens – des femmes, des enfants, des vieillards, pris sous les bombes, cibles d’une folle agression ! Pas même le temps d’une respiration que nous voilà basculés à nouveau dans l’angoisse, la rage et l’impuissance. Nous subissons à nouveau, encore une fois, avec la crainte que demain soit pire.

Résilience, le mot de l’année 2020, puis de 2021, sera encore le mot de l’année 2022… Résilience et solidarité, il en faut – encore et toujours !

Décidément, le statu quo ante n’est définitivement plus une option. Ni dans notre pays, ni en Europe.

Sans même parler de cette guerre qui frappe à nos portes, du statu quo ante Covid, il n’était de toute façon pas question. Comment, d’ailleurs, aurait-il pu en être autrement ? Le monde de l’entreprise aujourd’hui n’est plus celui qu’il était hier. Trop de choses ont changé.

D’abord, le télétravail, qui est là pour rester. La crise sanitaire a produit son « effet cliquet ». Pratique marginale il y a peu, caractéristique d’entreprises pionnières, le télétravail s’est imposé comme une nouvelle donne de l’organisation du travail, du rapport même au travail, plus encore qu’en leur temps les 35 heures ! Mais avec le même clivage entre grandes entreprises et TPE-PME, plus contraintes.

À ce stade, difficile de parler de « nouveaux équilibres », tant on est loin d’avoir perçu tous les effets induits par cette petite révolution. La recherche parfois chahutée de nouveaux équilibres décrirait mieux le moment. Les managers font face à une surcharge de travail liée au temps supplémentaire consacré à la coordination des équipes. Coordination rendue plus difficile par un manque de vision sur les tâches accomplies par les collaborateurs et collaboratrices – distance ne rimant pas toujours avec visibilité ! Avec le temps, les managers doivent revisiter le fameux curseur « autonomie/contrôle » et laisser plus de « liberté » à leurs équipes. Et avec le retour du présentiel, un retour à plus de contrôle direct serait mal vécu par ces mêmes équipes, comme une confiance retirée après avoir été accordée : présentiel et distanciel sont également à réinventer !

Mais le statu quo ante Covid n’est pas davantage possible quant aux motivations mêmes de nos vies professionnelles, à nos aspirations – et pas seulement celles des jeunes générations. Comme souvent avec les crises, ce que nous avons vécu comme « expérience singulière » depuis deux ans a été le déclencheur de mutations profondes dans les perceptions et les attentes. Dit plus simplement : après ce coup dur, on voit les choses autrement. Les confinements successifs, parfois « enchantés » pour certains mais souvent éprouvants psychologiquement, sont venus réinterroger notre rapport au travail et aussi le sens que l’on veut lui donner. Jusqu’à quel point m’engager ? Quelles sont mes limites ? Et aussi : pourquoi m’engager ? Des questionnements illustrés récemment par l’excellent film de Stéphane Brizé « Un autre monde », que je vous encourage à voir absolument.

Des questionnements fondamentaux qui traversent le monde du travail, au moins autant que ceux, plus « triviaux », du pouvoir d’achat ou de l’âge de la retraite. Des questionnements que ne doivent pas ignorer ceux qui aspirent à nous gouverner : ni le reflux du Covid ni cette maudite guerre ne les effaceront demain… À nous de les transformer en réinvention du monde du travail, avant qu’ils ne deviennent à leur tour, si nous les négligeons, le ferment d’une nouvelle crise !