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« Le “travail servitude”, c’est fini ! »

Tendances | publié le : 21.03.2022 | Lys Zohin

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« Le “travail servitude”, c’est fini ! »

Crédit photo Lys Zohin

Mathilde Le Coz, DRH du cabinet Mazars, spécialisé dans l’audit et le conseil aux entreprises, met en garde contre le désengagement. Et propose des pistes, notamment en matière de culture managériale, pour l’éviter, et au contraire, susciter l’envie des talents.

À la faveur de la crise, la France a quelque peu rattrapé son retard en matière de télétravail. Quelles sont, aujourd’hui, les autres avancées que vous constatez en matière d’organisation du travail ?

D’abord, la crise et le télétravail ont permis de rompre avec la culture du présentéisme, si prégnante chez nous. Autre tendance, un nouveau rapport au travail : nombreux sont ceux – des cols blancs, certes, pour la plupart – qui choisissent de quitter le salariat pour devenir indépendants. Et cela entre en résonance avec l’évolution de la culture. Les entreprises et les managers, souvent dans le contrôle, ne peuvent plus s’appuyer sur le traditionnel lien de subordination. Le « travail servitude », c’est fini ! D’ailleurs, l’une des explications de cette volonté d’indépendance est le rejet du management à l’ancienne. L’enjeu est donc, désormais, de réellement changer les modes de management, d’une part, et de l’autre, pour l’entreprise, de se percevoir comme un collectif de compétences, quel que soit le statut, salarié ou indépendant. Et bien sûr, de donner envie à tous de rejoindre son projet.

Quelles sont les innovations que vous voyez se mettre en place en ce que concerne l’expérience collaborateur ?

Au-delà du fait que les entreprises doivent élargir l’expérience collaborateur pour y inclure l’expérience indépendant, en particulier dans l’onboarding, je note des efforts, pas encore assez nombreux, hélas, en matière de relations interpersonnelles. C’est d’ailleurs indissociable du concept de qualité de vie au travail. À quoi cela servirait-il en effet d’avoir un programme de prévention des risques psychosociaux si l’on a en parallèle un manager qui se comporte comme un pervers narcissique ? La crise nous a montré que le bien-être psychologique des collaborateurs est clé. Tous les programmes, visant à former les managers pour qu’ils deviennent de véritables coaches, à prendre le pouls des collaborateurs, à offrir un système de feed-back à 360 degrés pour faire évoluer les comportements ne sont peut-être pas très originaux, mais ils ont le mérite, au moins dans certains cas, d’être mis en œuvre. C’est sans doute cela l’innovation. Nous sommes sortis du simple discours.

Quelles sont celles que vous avez mises en œuvre récemment chez Mazars ?

Nous avons travaillé notamment sur le stress numérique, en plus du droit à la déconnexion. Il s’agit d’adopter un bon usage du numérique, qui passe par le fait d’éviter de mettre la terre entière en copie d’un mail ou de demander poliment et non sous forme d’injonction, tel que le « merci de bien vouloir…. ». Nous avons également mis en place un système très ergonomique de délais des mails, pour qu’ils ne soient pas envoyés tard le soir, mais le lendemain et un autre, qui permet de recevoir un compte rendu mensuel. Si l’on s’aperçoit que les mails sont ouverts par une minorité de personnes, on doit se poser des questions ! En outre, nous avons travaillé l’expérience collaborateur sous la forme d’immersion, pour nos jeunes recrues, dans des start-up, ce qui leur permet de découvrir un environnement différent et faire un rapport ensuite, de même que nous avons adopté une solution pour les candidatures, qui fonctionne comme un « doctolib » : les candidats peuvent prendre rendez-vous pour un entretien selon les créneaux que les opérationnels chargés de les recevoir renseignent sur le système. Le tout assorti d’une confirmation, puis d’un mot à la suite de l’entretien.

Pourquoi sont-elles cruciales, compte tenu du contexte actuel, chez vous comme ailleurs ?

Parce que l’enjeu majeur, aujourd’hui, plus que le recrutement, plus que la fidélisation, est de créer de l’engagement. Si aux États-Unis, nous assistons à « la grande démission », le phénomène existe aussi en France, comme on l’a vu dans l’hôtellerie-restauration, désertée après la crise, mais aussi, en plus du choix du statut d’indépendant, sous une autre forme, celle du « grand désengagement ». Qui peut être mortel pour les entreprises ! Il s’agit donc d’améliorer la qualité de relations interpersonnelles, de faire preuve d’une plus grande bienveillance et de mieux reconnaître et valoriser les talents. D’autant que si le salaire reste important et encore plus en période d’inflation, les autres éléments de la vie au travail le sont devenus tout autant, et sont sans doute plus à la portée des entreprises.

Auteur

  • Lys Zohin