Benoît Serre Vice-président délégué de l’ANDRH
Enfin, nous pouvons retirer les masques et mettre fin aux protocoles qui régissaient totalement ou partiellement nos organisations avec un impact évident sur le management, la collaboration et la convivialité. Ces trois éléments font partie de la culture d’entreprise, car ils en sont la perception quotidienne des collaborateurs. Soumis à ces restrictions légitimes sur un plan sanitaire, nous vivions depuis deux ans dans un environnement « contrarié ». Bien évidemment, les nouveaux embauchés, quel que soit leur âge, ont souffert de cette entreprise amoindrie dans son fonctionnement humain.
Paradoxalement, ces 24 mois de crise et de tension ont permis de mesurer avec encore plus de force l’importance de l’humain dans l’entreprise. Alors que depuis quelques années les questions autour de la transformation digitale et de l’intelligence artificielle conduisaient certains à raisonner en termes de « remplacement » des uns par les autres, nous avons vécu une période démontrant à n’en pas douter que c’est la complémentarité qui se jouera désormais. Chacun a pu constater avec le télétravail obligatoire que lorsque les humains ne sont pas là, l’entreprise fonctionne moins bien et son rôle dans l’aventure collective disparaît parfois partiellement, malgré une capacité de production qui demeure. Cette distinction activité versus humanité est apparue au grand jour comme deux éléments indissociables certes, mais pour autant différents. Finalement, ce sont bien les femmes et les hommes qui font et fondent l’entreprise. C’est un enseignement banal et pourtant, nous en avions peut-être perdu l’évidence.
La sortie que nous espérons tous définitive de la crise sanitaire ouvre une période tout aussi inédite, qui consiste à savoir durablement tirer les conséquences RH de tout ce que nous avons vécu, individuellement et collectivement. Les joueurs, les cartes et la table de jeu changent. Le travail a changé et nous avons changé. C’est un fait globalement partagé mais le constater est insuffisant. Nous devons engager les transformations en prouvant que nos organisations, notre manière d’aborder le travail, le management et les RH en général se remettent en question. Ce sont l’urgence et une forme de sidération qui nous ont révélé une capacité d’agilité et d’adaptation que peut-être nous ne soupçonnions pas. La question qui se pose aujourd’hui est comment conserver ces capacités démontrées non sous l’effet d’une crise inédite, mais grâce à la stratégie, la vision et le sens. La forme de solidarité constatée dans les équipes pendant la Covid-19 a démontré la force de l’humain dans l’entreprise : les efforts partagés, l’acceptation de contraintes fortes, la désorganisation inhérente aux changements. Et pourtant, les entreprises comme celles et ceux qui les composent ont tenu bon et ont produit des résultats, à en croire les bilans 2021. Chacun dans son rôle a démontré des aptitudes et une résilience remarquable. Les DRH portent une responsabilité nouvelle : conserver et amplifier cette démonstration de force de l’humain dans l’entreprise. Tous les dirigeants sont concernés et l’enjeu est de taille. Il y a la redéfinition du lien entre collaborateur et entreprise, les nouveaux critères de l’engagement, le management repensé autour de la confiance au détriment du contrôle, l’affirmation de la coopération de préférence à la subordination, le juste équilibre entre présence et distance, la nouvelle équité de traitement à trouver.
Tout cela prendra du temps, mais il faut maintenant engager le mouvement et la réflexion en la partageant. Les RH ont au premier chef cette responsabilité de porter le sujet, de l’incarner et parfois de l’imposer dans leurs instances de direction. Pour cela, chacun doit évidemment remettre en cause sa posture, redéfinir son rôle et ne pas s’enfermer dans une définition parcellaire ou caricaturale de la fonction. C’est un double enjeu pour les RH : inspirer la transformation humaine et se transformer elles-mêmes. Cette double responsabilité incombe à celles et ceux qui occupent la fonction aujourd’hui, mais tout autant à celles et ceux qui l’enseignent. Le travail change, le rôle de l’entreprise évolue, les métiers se transforment sous la triple impulsion de la révolution digitale, des conséquences de la crise sanitaire et des nouvelles exigences managériales. Il n’y avait donc aucune raison pour que la fonction RH ne soit pas aussi concernée par l’exigence de se réinventer !