Les hommes sont désormais minoritaires dans les conseils d’administration des sociétés d’État de la Belle Province. Au point que le gouvernement a déposé un projet de loi pour les protéger.
De 27 % en 2005, la proportion des femmes dans les conseils d’administration (CA) des sociétés d’État, au Québec, est passée à 55 % en 2018. Ainsi, selon le quotidien montréalais La Presse, qui a recensé les administratrices, Hydro-Québec, géant de la production d’électricité et l’un des plus gros employeurs de la province, compte 11 femmes sur 16 membres dans son CA. Chez Bibliothèque et Archives nationales du Québec, ce sont 10 femmes sur 14. Et à Loto-Québec, on compte 7 femmes sur 11 administrateurs. Bref, selon La Presse, « la zone de parité est dépassée ».
Au point que le gouvernement du Québec, qui s’inquiète de ce « déséquilibre », a déposé un projet de loi en fin d’année dernière… pour soutenir les hommes. L’idée n’est pas de parvenir à la parité totale avec ce texte, mais de créer une zone paritaire comprise entre 40 % et 60 % du nombre total de femmes et d’hommes qui sont membres des conseils d’administration d’entreprises publiques. En outre, selon le texte, les administrateurs, aujourd’hui bénévoles, seront rémunérés. Les sociétés d’État auront deux ans pour se conformer à la législation – si celle-ci est votée. L’adoption d’une loi pour lutter contre la « discrimination » envers les hommes dans les CA de sociétés publiques est en effet loin d’être garantie et était toujours en discussion à l’Assemblée nationale du Québec à la mi-mars.
En fait, tout débat sur la place des femmes, surtout lorsqu’elles sont majoritaires, semble tabou dans la province, ultra-féministe. Françoise David, ancienne présidente de la très puissante Fédération des femmes du Québec, a ainsi dénoncé un projet de loi qu’elle qualifie d’« ahurissant », non sans ajouter : « Si un groupe a été historiquement discriminé, pourquoi mettre une limite ? ». Elle milite en tout cas pour une exacte parité, 50/50. « Retirer des femmes de conseils d’administration, même si elles sont majoritaires, et tant mieux, m’apparaît aller dans la mauvaise direction », a pour sa part déclaré le leader du parti d’opposition Québec solidaire (gauche), Gabriel Nadeau-Dubois, estimant par ailleurs que le Québec « est une société qui n’est pas encore égalitaire. »
« Je suis amusé par la réaction des partis d’opposition qui suggèrent la parité à sens unique. Il faudrait définir la parité comme un minimum de 50 % de femmes, sans maximum. Ils rejettent la parité pour gagner l’étiquette de féministes à tout prix », a commenté de son côté Mario Dumont, ex-chef de l’Alliance démocratique du Québec, fusionnée avec la Coalition Avenir Québec (centre droit), actuellement au pouvoir. Enfin, la Fédération des travailleurs du Québec, l’un des deux grands syndicats de la province, a produit un rapport en janvier dernier dans lequel elle recommande « que le seuil maximal pour la participation des femmes dans les CA des sociétés d’État soit retiré ».
Toujours est-il que si, aujourd’hui, les femmes dominent une partie de la société québécoise, c’est grâce à des organismes très puissants de défense de leurs droits et un militantisme énergique. La reconnaissance des femmes dans la sphère professionnelle québécoise a été longue. La plus grande réussite a été l’égalité salariale. En 1996, le gouvernement québécois a légiféré pour que l’équité salariale (ES) entre progressivement en application à partir de 2001. Les entreprises y ont été soumises par vagues successives et ont disposé de quatre ans à partir du moment où elles étaient assujetties à la loi pour s’y conformer. Les plus grandes sociétés ont dû accomplir l’ES les premières, puis les moyennes. La Commission de l’équité salariale a été dotée d’outils coercitifs, pour faire condamner les patrons récalcitrants à des amendes allant jusqu’à 45 000 dollars canadiens (plus de 31 000 euros). Ce sont les structures de moins de 20 salariés qui ont dû effectuer le plus gros rattrapage en matière d’égalité. Il n’en reste pas moins que le gouvernement de la Belle Province ne s’est pas encore attaqué à un problème majeur, la place des femmes dans les conseils d’administration des entreprises privées. Là, c’est un échec, les administratrices y demeurent largement minoritaires.
À l’occasion d’un remaniement ministériel, Justin Trudeau, Premier ministre fédéral, a nommé en octobre dernier des femmes à la tête des grands ministères : Affaires étrangères, Finances et Défense. Quant à Chrystia Freeland, vice-Première ministre, elle est pressentie pour lui succéder.