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Les clés

Les sales manœuvres d’Orpéa

Les clés | À lire | publié le : 14.03.2022 | Lydie Colders

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Les sales manœuvres d’Orpéa

Crédit photo Lydie Colders

En analysant la machine « à cracher » du cash d’Orpéa et sa politique RH effroyable, Victor Castanet signe dans Les Fossoyeurs une remarquable enquête sur les dérives d’une multinationale gérant des Ehpad. À lire absolument.

Les Fossoyeurs est le livre choc de l’année. En révélant les méthodes d’Orpéa (personnes âgées maltraitées, argent public dévoyé, personnel malmené…), l’enquête du journaliste Victor Castanet a fait l’effet d’une bombe, au point que le Sénat a déclenché une commission d’enquête sur le contrôle des Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). Et pour cause : son investigation sur le cynisme du leader des maisons de retraite est ultra-documentée. De la stratégie de cost killing orchestrée par ses dirigeants à la politique RH effarante, le journaliste dévoile le « système Orpéa », avec une foule de témoignages de salariés et de preuves écrites. Le constat est accablant : grâce à des financements publics (en provenance des agences régionales de santé et des départements), le groupe prospère en jouant avec les postes – aides-soignants, infirmières ou auxiliaires de vie. « Orpéa a compris qu’en étant très malin et bien organisé, on peut gagner beaucoup d’argent en optimisant cette masse salariale », explique le journaliste.

Pénurie de main-d’œuvre orchestrée

Le manque de personnels dans les maisons de retraite ? Au travers des récits d’anciens pontes et de directeurs d’Ehpad, on comprend la pénurie organisée par le groupe. Ces témoins évoquent des embauches « à flux plus que tendu », planifiées chaque mois en fonction d’un taux d’occupation maximale des lits. Et leur manque total de marge de manœuvre. Impossible, en effet, de valider un contrat sans l’aval du sommet. « Si le taux d’occupation n’est pas dans les clous, on me disait de ne pas remplacer (une aide-soignante). Tu réduis ta masse salariale », témoigne l’ancien directeur d’un établissement luxueux de Neuilly où l’enquête débute. En rognant constamment sur les équivalents temps plein ou « en surfacturant » des intérimaires à l’assurance maladie, l’ouvrage permet de comprendre une politique ravageuse, malmenant les salariés comme les résidents.

Stratégie RH douteuse

Le livre est édifiant sur la stratégie RH du groupe : nombreux CDD fictifs et fausses déclarations d’embauches d’un établissement à l’autre pour « conserver » les excédents financiers publics, notamment, Victor Castanet décrypte les fraudes orchestrées au siège. Un témoin clé, ancienne alternante RH, indignée, dénonce en outre une politique de licenciements pour faute grave. Orpéa cumulerait « environ 300 litiges par an », mais « 10 % » de condamnations aux prud’hommes coûteraient moins cher que de payer des indemnités… L’auteur évoque souvent « la peur » des directeurs d’Ehpad, licenciés pour de soi-disant « mauvais résultats » ou jugés trop contestataires. Surveillance, mises à pied violentes, burn-out… les histoires choquent. Le journaliste le prouve dans sa solide enquête : « À chaque crise, Orpéa se débarrasse d’une partie de ses troupes pour faire table rase du passé. » Et ce n’est pas le syndicat maison, « acheté » par le DRH – autre révélation –, qui changera la donne…

Auteur

  • Lydie Colders