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Entretien : « Un manager doit agir comme un “ambiverti” pour être efficace »

Le point sur | publié le : 14.03.2022 | Natasha Laporte

Professeur associé à l’université McGill, à Montréal, et spécialisé dans la stratégie et l’organisation, Karl Moore analyse la manière dont les dirigeants et top managers doivent agir pour être efficaces, en tenant compte de l’introversion et de l’extraversion des uns et des autres.

Comment l’introversion et l’extraversion se manifestent-elles au travail ?

Nous sommes naturellement « câblés » pour nous comporter de manière plus extravertie ou plus introvertie. Il y a, dans la population et au travail, probablement autour de 40 % d’introvertis et autant d’extravertis, et 20 % d’« ambivertis », autrement dit, des gens à la fois extravertis et introvertis. Au travail, les introvertis aiment réfléchir et comprendre avant de parler. Ils préfèrent de petits groupes et des conversations approfondies plutôt que d’interagir avec une grande salle. En revanche, les extravertis ont tendance à réfléchir à haute voix et aiment la stimulation du groupe. Chaque profil a ses forces et ses faiblesses. Trop réfléchir peut mener à ce qu’on appelle la « paralysie par l’analyse », et donc l’inaction, pour les introvertis, tandis que parler ou agir trop vite peut aussi attirer des ennuis aux extravertis. Par ailleurs, pour recharger leurs batteries, les introvertis peuvent avoir besoin de quelques instants seuls dans un endroit calme ou d’une promenade, tandis que les extravertis, après s’être concentrés plusieurs heures au travail, ont besoin d’aller parler aux gens, car ils cherchent avant tout de la stimulation. En somme, les introvertis et les extravertis diffèrent dans leur réponse à la stimulation ainsi que dans leur façon de travailler.

Dans votre nouveau livre à paraître, We’re all ambiverts now (Tous des ambivertis maintenant), vous évoquez les comportements que les dirigeants doivent adopter pour être efficaces. Quels sont-ils ?

Ce travail est fondé sur 450 entretiens avec des cadres dirigeants. Je défends l’idée que, lorsqu’on occupe ce genre de poste, on doit agir comme une personne ambivertie, c’est-à-dire agir à certains moments comme un introverti et à d’autres, comme un extraverti. J’ai ainsi interviewé Claude Mongeau, ancien PDG de Canadian National Railway, qui est un grand introverti. Il avait même un coach pour apprendre à être plus extraverti, en essayant d’agir comme tel cinq fois par jour et dire dans un ascenseur à quelqu’un : « excellente présentation la semaine dernière, j’ai apprécié votre travail ». Car les collaborateurs attendent d’un top manager qu’il se souvienne de leur nom, les salue et de leur donne son approbation. À l’inverse, une personne extravertie, comme David Bensadoun, le PDG d’Aldo, doit s’enquérir de ce que les autres ont à dire avant de décider, et donc arrêter de parler pour écouter. Reste qu’agir à certains moments comme un extraverti ou un introverti – alors qu’on ne l’est pas – est épuisant ! Bref, il faut, tout en étant flexible, rester en accord avec soi-même…

Comment manager des équipes selon les profils, introvertis ou extravertis ?

Il y a plusieurs cas de figure. D’abord, même si vous êtes dirigeant, vous pouvez avoir quelqu’un au-dessus de vous, un président, par exemple, à « manager ». Nous avons presque tous des managers à manager… S’agissant de la relation d’un manager vis-à-vis de son propre supérieur hiérarchique, si le premier sait que le deuxième est un introverti ou un extraverti, il doit adapter sa façon de communiquer avec lui (ou elle) afin d’être efficace : si c’est quelqu’un d’introverti, il faut lui envoyer un mail avec quelques informations plusieurs jours avant la réunion pour lui donner du temps pour réfléchir. En revanche, si mon chef est quelqu’un d’extraverti, j’arrive avec une idée, on en parle et cela peut être passionnant. Même chose pour les collaborateurs que vous managez : si l’un ou l’une d’entre eux est introverti(e), il ne faut pas lui demander abruptement quelque chose au cours d’une réunion, mais lui dire la veille qu’on aimerait entendre de sa part une présentation de cinq minutes sur tel ou tel sujet pour que la personne puisse se renseigner et réfléchir en amont. Autre exemple, si l’on travaille avec des introvertis, mieux vaut être calme, de manière à ce qu’ils ne se sentent pas perturbés ou irrités par le bruit et le mouvement. L’idée, pour un manager, est de faire de la place aussi bien pour des extravertis que pour des introvertis, par la manière de se comporter, de traiter les collaborateurs et d’agir avec eux. Certains observateurs pourraient dire que c’est de l’intelligence émotionnelle. Il s’agit en tout cas de s’adapter à autrui et à son public, dans les limites de son authenticité.

Auteur

  • Natasha Laporte