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Le fait de la semaine

Dialogue social : Le nouveau rôle des CSE

Le fait de la semaine | publié le : 14.03.2022 | Olivier Hielle

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Dialogue social : Le nouveau rôle des CSE

Crédit photo Olivier Hielle

Si un nouveau pragmatisme a émergé à la faveur de la pandémie, certains représentants du personnel s’inquiètent du manque d’interaction lié au télétravail et, désormais, au flex office.

La crise sanitaire s’essouffle, le printemps revient… Et cette embellie signe le retour des grands salons, dont celui consacré aux CSE, du 22 au 24 mars, à Paris. L’occasion de se demander quel sera le nouveau rôle des représentants du personnel, en cette période marquée aussi bien par une reprise économique que par un pouvoir d’achat en berne.

« Il a fallu se serrer les coudes vis-à-vis d’un ennemi commun et cela a été bénéfique côté dialogue social », déclare d’emblée Pierre Marco, directeur développement chez Secafi, un cabinet de conseil spécialisé, en se souvenant de la situation qui a prévalu à partir de mars 2020, pendant laquelle les entreprises ont dû complètement revoir l’organisation du travail, bouleversée par l’instauration des confinements, puis d’autres contraintes, dont le télétravail. « Il y a eu une forme d’union sacrée, y compris dans les entreprises où les relations sociales étaient tendues », poursuit-il. Le bilan de ces derniers mois est donc, du côté de ce conseiller aux CSE, positif. Avec l’effondrement de l’activité, les représentants du personnel comme les organisations syndicales se sont en effet avant tout attachés à préserver les entreprises. « Un moment rafraîchissant pour tout le monde », conclut Pierre Marco – y compris pour les élus eux-mêmes, en proie à des états d’âme… « Confrontés à la déception, la routine, voire l’ennui, les représentants estimaient en effet que leur rôle était devenu quelque peu artificiel quant à leur capacité à peser sur les décisions, poursuit ce spécialiste. Leur besoin d’être utiles a été renforcé par la crise. »

Changement des comportements

Un besoin qui s’est traduit par un changement du comportement des élus, selon lui. Ainsi, « des approches plus paritaires se sont développées et elles sont restées dans l’environnement actuel, dit-il. Élus et direction voient l’utilité de dialoguer au long cours et de garder les éléments qui les rapprochent. Et syndicats et représentants du personnel proposent désormais davantage de solutions crédibles, tout en défendant l’intérêt des salariés, bien sûr. Il s’agit d’une vraie transformation, vers davantage de pragmatisme. »

À ce nouveau pragmatisme des représentants du personnel s’est, selon Pierre Marco, également ajouté un retour à des revendications de base… « Après un gel d’un ou deux ans, la question de la revalorisation salariale est de nouveau sur la table », constate l’expert. Dans un contexte fait de hausse du taux de l’inflation – quelque 3,6 % sur un an – et, dans certains secteurs, de pénurie de main-d’œuvre, il est en effet logique que les représentants du personnel reviennent sur cette question.

Autre élément de retour : l’intérêt renouvelé des élus pour les conditions de travail, d’autant qu’avec la crise sanitaire, elles ont été profondément bouleversées, augmentant par là même le sentiment d’anxiété chez les salariés. « On a de nouveau envie de faire société, estime ainsi Pierre Marco. Or le faire avec le numérique est compliqué et cela ne remplace pas la poignée de main, l’accolade, le sourire. »

Cet expert souhaite que ce pragmatisme et ces demandes de base s’inscrivent dans le temps. « Ce mouvement devrait se poursuivre, dit-il, à condition que les directions adoptent la même posture d’ouverture. D’ailleurs, il faut que tout le monde, y compris les experts que nous sommes, se saisisse des dossiers avec cette envie de trouver des solutions durables au bénéfice des salariés. »

Difficultés sur le terrain

Malgré ces avancées, certains experts restent circonspects. D’autant que le maintien du télétravail dans certaines entreprises réduit les occasions pour les élus de cultiver le lien avec les salariés. « Avec la réduction du nombre d’élus en raison des ordonnances, nous avons moins eu la capacité d’aller sur le terrain, regrette ainsi Sébastien Crozier, président de la CFE-CGC chez Orange. Nos possibilités d’échange et d’interaction avec les personnels se sont dégradées. Et pendant la crise, les élus CSE ont été moins confrontés aux problématiques des collègues du bureau d’à côté. Enfin, avec les réunions en visioconférence, il n’y a plus l’avantage de la machine à café, des temps de pause, des sorties de bureau. En conséquence, les remontées terrain se sont effondrées. »

Sébastien Crozier a également constaté un autre effondrement, celui du dialogue social même. « Les dynamiques de groupe en visioconférence sont complètement différentes du présentiel. Alors que 40 % des personnes réunies interagissent en physique, ce chiffre tombe à 20 % en visioconférence. Un réel appauvrissement de l’interaction », explique-t-il.

Autre difficulté relevée par Sébastien Crozier, la gestion des activités sociales. « On espère refaire des arbres de Noël, qui sont des moments de construction partagés, par exemple. Les CSE vont ainsi retrouver leur voie normale, dit-il. Mais ce qui est davantage friable, c’est l’engagement et le bénévolat des personnels. »

Autant dire que malgré des aspects positifs, la crise sanitaire a également eu des impacts négatifs sur les CSE et leur rôle. Charge aux élus et aux directions de repartir sur de bonnes bases, à la lumière de ces enseignements contradictoires.

La course aux déménagements

L’instauration du télétravail et le déploiement d’outils numériques ont été l’occasion, pour les employeurs, de penser « économies ». Aujourd’hui, la pérennisation du télétravail laisse en effet entrevoir une possibilité de réduction des coûts liés à l’immobilier par le biais du flex office. « Nous sommes très sollicités sur le passage au flex office, avec de très nombreuses demandes des représentants du personnel pour les accompagner sur ce sujet, confirme ainsi Pierre Marco, directeur développement du cabinet Secafi. Télétravail et déménagement sont très liés. » C’est d’ailleurs le cas chez Orange. « Nous avons eu énormément de déménagements pendant ces deux ans, dont on ne mesure pas les effets, relève Sébastien Crozier. Déménager les gens pendant les périodes Covid fait qu’ils n’ont plus de repères. Et le flex desk est assez dévastateur… » Une conséquence qui pèse aussi bien sur les salariés que sur le dialogue social : avec un fonctionnement en flex, les élus du personnel ont, comme au temps du 100 % télétravail, guère de chance de rencontrer les salariés…

Auteur

  • Olivier Hielle