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Métiers : La RATP féminise ses équipes d’agents de sécurité

Grand reportage | publié le : 07.03.2022 | Lys Zohin

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Métiers : La RATP féminise ses équipes d’agents de sécurité

Crédit photo Lys Zohin

Consciente des enjeux de sécurité des usagers comme de son personnel, l’entreprise de transports parisiens veut recruter davantage de femmes, dont la présence est un atout dans les missions quotidiennes des équipes. Qui ne sont composées que de 6 % d’agentes pour le moment.

Marcher – lentement –, regarder tout autour de soi pour repérer un éventuel problème et agir – vite – en conséquence : telle est la tâche première des agents de sûreté de la RATP, qui appartiennent au Groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR). Leur mission : protéger, assister et sécuriser aussi bien les voyageurs que le personnel et les biens, sur l’ensemble des réseaux bus, métro, RER et tramways gérés par l’entreprise. Et comme le reste des qualités demandées – bonne forme physique, maîtrise de soi, diplomatie et fermeté dans la gestion des conflits… –, ce don d’observation se cultive. « Je ne suis pas encore au niveau de mes collègues, mais j’apprends tous les jours », déclare ainsi Marie, dans les couloirs du RER A, gare de Lyon, où elle « patrouille » ce matin en compagnie de deux autres agents – deux hommes – plus aguerris, dont Thierry, pilote de l’équipe et qui a fait toute sa carrière, par choix, en tant qu’agent de sûreté. En poste depuis un an et assermentée récemment, Marie fait partie des nouvelles recrues de la RATP, qui cherche à féminiser tous ses métiers – du service d’accueil aux voyageurs en passant par les postes de machinistes et de maintenance, sans oublier ses équipes d’agents de sécurité.

« La gestion des conflits se passe mieux avec la présence d’une femme, de même que lorsqu’une femme, qu’il faut parfois palper, est impliquée dans un événement pour lequel nous devons intervenir », ajoute la jeune agente de sécurité. Pour l’heure, cependant, les équipes de sécurité ne sont composées que de 6 % d’agentes. « Il faut que les femmes osent postuler pour ce genre de métier, car effectivement, leur personnalité est un atout pour dédramatiser certaines situations », assure Marie-Claude Dupuis, directrice stratégie, innovation et développement du groupe RATP, et membre du comité exécutif. D’autant que la RATP propose, en plus de ces postes, des évolutions salariales et de carrière pour tous. C’est même la promesse employeur que l’entreprise met en avant lors des recrutements. « Au sein des équipes de sûreté, 80 % des managers sont d’anciens opérateurs, fait ainsi valoir Jean Fernandes, le responsable RH. Avant, les candidats s’intéressaient à la RATP pour la sécurité de l’emploi. Désormais, les salariés y restent parce qu’ils savent qu’ils peuvent évoluer, vers de l’encadrement ou de façon transversale, grâce à l’acquisition de nouvelles compétences. »

Des critères de sélection très stricts

Mais avant d’évoluer vers un autre métier, encore faut-il être admis, et admise, au sein du GPSR. Au-delà des critères de sélection de base, dont un casier judiciaire vierge et des résultats irréprochables à la suite d’une enquête de moralité, les candidats et candidates doivent montrer, lors d’une étude de caractère, validée par un psychologue du travail, et au cours des entretiens, qu’ils sauront garder leur sang-froid en toutes circonstances ; faire preuve d’autorité, mais aussi de bienveillance ; utiliser, après un test technique réussi, leur arme à bon escient, puisqu’ils sont assermentés et en ont une ; travailler en équipe, car ils ne sont jamais seuls à patrouiller ; et entretenir, après avoir passé avec succès un examen sportif, leur forme physique, d’autant qu’il leur faut supporter toute la journée un harnachement de 10 kg, composé, entre autres, d’un gilet pare-balles, d’un bâton télescopique de défense, d’une caméra piéton par équipe, d’une bombe lacrymogène, de menottes, d’un pistolet de calibre 9 mm et d’un chargeur… et parfois courir avec ! Les agents ont également un téléphone portable, qui servira à établir le compte rendu des événements de la journée et à l’envoyer à la direction du GPSR, afin de disposer de statistiques permettant de dispatcher intelligemment les équipes. À La Défense, où sévissent souvent des bandes, qui se bagarrent entre elles ou s’en prennent aux usagers, aux stations Barbès, Bonne Nouvelle ou Porte de la Chapelle, notamment, repères des toxicos ou des SDF, et dans d’autres lieux où des actes d’incivilité, qui incluent, depuis la pandémie, l’absence de port du masque, ou de malveillance sont commis, quand ce ne sont pas des délits, qui vont du vol à des comportements sexistes voire des tentatives de viols… Les agents interviennent aussi s’ils voient un sac abandonné, signe d’une éventuelle attaque terroriste, une personne âgée perdue, un jeune qui tente de frauder en sautant une barrière et dans les cas de suicide sur les voies… « La sécurité des usagers comme du personnel fait partie de nos enjeux majeurs et si la présence, en permanence sur le terrain, des équipes de sûreté est dissuasive, nous sommes très conscients de l’importance d’avoir du personnel de qualité et bien formé », insiste Didier Robidoux, le directeur de la sûreté de la RATP. Le recrutement est sélectif. « Nous n’avons pas de problème de candidatures, mais de qualité de candidatures », relève-t-il.

Celle de Marie a convaincu. « J’ai travaillé dans le social avant, en Île-de-France, auprès d’enfants handicapés. J’aime aider les gens, dit-elle, et je suis en bonne forme physique », déclare la jeune femme, pas très grande, mais clairement athlétique… Nombreux sont les agents, qui comme elle, pratiquent un sport de combat, boxe ou autre, pour se maintenir en forme.

Formation obligatoire

En outre, elle a suivi, comme tous les autres candidats retenus, les 15 semaines de formation. Et comme tous les autres, elle effectuera, tous les ans, six jours de formation obligatoires, afin de se mettre à jour sur de nouvelles procédures ou recueillir des informations sur la stratégie, multimodale, de la RATP, auxquels s’ajoutent, de manière optionnelle, des cours de bonne hygiène de vie, physique et mentale, entre autres. De quoi créer ou renforcer le sentiment d’appartenance au GPSR.

Au-delà de la formation, ce que Marie apprécie le plus dans ses fonctions, c’est le fait « d’être bien accompagnée », dit-elle. Et, pour cela, rien ne vaut le terrain et les conseils de ses collègues, pour pratiquer une « triangulation » et s’approcher, à trois donc, d’une personne sans masque à qui les agents vont demander d’en mettre un, ou prendre en charge un jeune homme, le nez cabossé, quelque peu hagard, accusé par d’autres passagers d’avoir déclenché une bagarre dans la voiture du RER et qui sort de ses poches une grande pince insolite, mais pas de papiers d’identité… Il sera questionné sur le quai, son « outil » confisqué, puis sera fermement raccompagné vers la sortie de la station. « Le plus dur, ce sont les tentatives de suicide. Il faut beaucoup de doigté », souffle Marie. « Nous établissons un périmètre de sécurité sur le quai et nous évacuons les usagers. Nous travaillons de façon très spécifique dans ces cas-là », précise Thierry, qui vient à sa rescousse. Ce grand gaillard de 59 ans, qui affiche 28 ans de bons et loyaux services en tant qu’agent, est satisfait de la nouvelle ambiance apportée par les femmes dans le groupe. Lui qui parie avant tout sur l’intuition pour repérer les personnes susceptibles d’être malveillantes, et qui a dû faire face, au cours de sa longue carrière, à des bandes armées, des attaques au cutter, des SDF agressifs, des forcenés et bien d’autres sources de tension psychologique et de danger physique, estime que la présence des femmes dans les équipes « participe à la désescalade, qu’il faut chercher à tout prix dans notre métier ». D’autres jeunes femmes, en formation pour devenir elles aussi agentes de sécurité, viennent le saluer. Il les connaît par leur prénom et apporte un peu de chaleur humaine, dans l’espace venté et froid de la gare de Lyon où il est en service ce matin. Puis repart avec ses deux collègues, dont Marie, qu’il va clairement épauler, sans oublier de profiter de sa présence bénéfique.

Auteur

  • Lys Zohin