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Élodie Dratler, le genre et la donnée

Elles font | L’actualité | publié le : 07.03.2022 | Frédéric Brillet

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Élodie Dratler, le genre et la donnée

Crédit photo Frédéric Brillet

Fondatrice de Wominds, Élodie Dratler veut combattre les discriminations liées au genre en proposant aux entreprises un nouvel outil de pilotage, le Gender Tech 2022.

Loin de MeToo et des débats sur les études de genre, pour agir, il faut « créer de la donnée et activer des plans de réalisation d’objectifs d’égalité professionnelle entre toutes et tous à partir de ces informations », assure Élodie Dratler, la fondatrice, en 2020, de la start-up Wominds. Une approche pragmatique qui correspond aussi bien à sa personnalité qu’à son parcours. Pour cette professionnelle du numérique, quoi de plus naturel en effet que de miser sur la donnée et les algorithmes pour faire avancer la cause des femmes ? Estampillée Tech For Good, Wominds développe depuis quelques mois le projet Gender Tech 2022, « un tableau de bord destiné aux entreprises soucieuses de lutter contre les discriminations de genre et qui souhaitent mettre en place des politiques égalitaires propices à l’épanouissement des talents et à la croissance », explique la startupeuse. Plus précisément, cet outil encore en construction ambitionne de mesurer les discriminations et d’alerter sur les risques associés qui peuvent affecter aussi bien les ventes, le recrutement, la marque employeur que la réputation.

Déconstruire les schémas mentaux

Wominds propose déjà des analyses et des plans d’action fondés sur des questionnaires quantitatifs et qualitatifs, des ateliers et des formations pour déconstruire les schémas mentaux qui encouragent, consciemment ou inconsciemment, les discriminations. En complément, Élodie Dratler a lancé, à la suite d’une campagne de financement participatif, une chaîne de vidéos en ligne sur YouTube, FIX IT ! by Wominds, dans lesquelles elle interroge deux experts (dont toujours au moins une femme) sur des sujets ayant trait à la parité en entreprise, au management, au numérique… L’idée étant toujours d’aider ses clients « à instaurer un management plus inclusif, performant et agile », résume la fondatrice de la jeune pousse encore en incubation. Est-ce à dire qu’Élodie Dratler croit aux vertus d’un management spécifiquement féminin ? « Je crois surtout aux vertus de la mixité et de la diversité, qui stimulent l’innovation », répond-elle.

Il lui aura fallu plus de vingt ans avant de se lancer sur ce créneau en tant qu’entrepreneuse. Après des études juridiques et une spécialisation en droit de la propriété intellectuelle, attirée par la communication et la création artistique, elle intègre Sony Music, à la fin des années 90. Elle entend parler d’Internet, qui ouvre des perspectives à la diffusion en ligne de la musique. « J’ai perçu un danger pour la propriété intellectuelle, mais lorsque j’en ai parlé en interne, on m’a rétorqué que les consommateurs étaient trop attachés à la “galette”, autrement dit, le CD », se souvient-elle en souriant. La vague Internet déferle bientôt sur la France… Élodie Dratler décide de surfer dessus plutôt que de rester dans l’édition musicale, vite en perdition. Elle embarque dans une agence média pour y travailler sur la publicité numérique naissante et y apprend l’art de la négociation et le marketing. Mais en 2002, de retour de congé maternité, elle est brutalement évincée de son poste. « J’ai alors pris conscience de la vulnérabilité liée au genre », dit-elle. Elle obtient réparation auprès des prud’hommes et poursuit sa carrière dans ce secteur, mais se trouve de nouveau confrontée à des comportements machistes, alors qu’elle est devenue manager. « J’étais mère de famille, entourée de jeunes gens surinvestis qui considéraient comme normal de partir tous les soirs après 20 heures. À l’époque, on ne parlait pas d’équilibre entre vie personnelle et professionnelle, ni des excès de cette culture du présentéisme qui favorise la promotion des hommes, puisque leur femme s’occupe des enfants alors qu’ils rentrent tard », se souvient-elle.

Quinze ans plus tard, nouveau déclic et nouveau départ dans une start-up dont elle intègre le comité exécutif. Puis les fondateurs lui proposent de se positionner pour la racheter. Elle hésite – à leur grand étonnement… « Ils ont mis en avant mes croyances limitantes et le fait que je m’interdise d’être numéro un, parce que j’étais une femme », raconte-t-elle. Résultat : Élodie Dratler démissionne pour se lancer, seule, dans l’aventure de l’entrepreneuriat, avec Wominds…

Auteur

  • Frédéric Brillet