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Bonnes pratiques

Canada : l’armée part en guerre contre le harcèlement sexuel

Bonnes pratiques | publié le : 07.03.2022 | Ludovic Hirtzmann

Forces armées canadiennes

 

Alors que plusieurs militaires haut gradés des forces armées ont été accusés de harcèlement sexuel l’an dernier, l’armée a réagi, en créant notamment un centre d’intervention.

Les entreprises canadiennes ont depuis longtemps pris des mesures pour prévenir le harcèlement sexuel au travail. Non seulement la prévention est désormais entrée dans les mœurs, mais le harcèlement est également sévèrement puni. Les forces armées canadiennes (FAC) ne font pas exception. Et depuis un an, les sanctions pour harcèlement sexuel pleuvent sur les cadres de l’état-major. Ainsi, le chef du commandement du personnel militaire, Steven Whelan, accusé de harcèlement sexuel en juin 2021, a dû démissionner. Son prédécesseur, le vice-amiral Haydn Edmundson, avait lui-même été mis en congé peu de temps auparavant, à la suite d’une plainte pour viol de la part d’une ancienne membre de l’armée, récusée par ce gradé. Quant au lieutenant-général Trevor Cadieu, qui devait prendre la tête de l’armée de terre canadienne ces derniers mois, il a dû renoncer à sa promotion, le service national des enquêtes des forces canadiennes ayant révélé qu’il faisait lui aussi l’objet d’une enquête pour des allégations d’inconduite sexuelle. Et ces militaires haut gradés ne sont pas les seuls. L’ex-chef d’état-major des FAC, le général Jonathan Vance, a pris sa retraite quelques semaines avant d’être convaincu d’avoir entretenu une liaison avec une major. Enfin, dans la longue liste, le général Dany Fortin, superviseur de la campagne de vaccination au Canada, a été limogé. Il aurait baissé son pantalon face à une collègue, il y a 32 ans, lorsqu’il était étudiant au Collège militaire royal du Canada…

 
Effet MeToo

Autant dire que la parole se libère dans l’armée. Au point qu’en 2019-2020, le nombre de plaintes pour agressions sexuelles a doublé. "Les gens se sentent plus à l’aise de dénoncer les inconduites sexuelles", a déclaré à la chaîne de télévision Global News la porte-parole de la Défense nationale, Jessica Lamirande, faisant référence au mouvement MeToo. "En 2019, la majorité (68 %) des étudiants des collèges militaires canadiens ont été témoins ou ont fait l’objet de comportements sexualisés non désirés […] Les types de comportements les plus courants observés ou vécus par les étudiants étaient des blagues à caractère sexuel, des discussions inappropriées au sujet de la vie sexuelle et des commentaires à caractère sexuel inappropriés au sujet de l’apparence ou du corps d’une personne", note l’institut national Statistique Canada. Des chiffres beaucoup plus élevés que dans les autres milieux professionnels…

 
Soutien aux victimes

Face aux accusations de harcèlement sexuel, les FAC ne sont pas restées les bras croisés. Au-delà des sanctions, elles ont créé un Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle. Celui-ci "offre du soutien aux membres des Forces armées canadiennes affectés par de l’inconduite sexuelle. Il fournit aussi des conseils et des recommandations d’experts aux FAC pour aider à élaborer des politiques et des programmes pour gérer l’inconduite sexuelle", note le ministère de la Défense. Afin de ne pas être soumis à des pressions de la chaîne de commandement, ce centre fonctionne de manière indépendante et relève directement de la sous-ministre de la Défense. L’armée a également mis en place un numéro d’appel fonctionnel 24 heures sur 24 dans ce centre. Les militaires peuvent téléphoner tout en restant anonymes et bénéficier des conseils de personnels civils. "Le programme de contributions aux centres d’aide aux survivants d’agressions sexuelles finance des projets de centres d’aide situés près de neuf des plus grandes bases des forces canadiennes", précise enfin le ministère de la Défense. Et d’ajouter : "En facilitant l’accès aux services de soutien critique, le résultat attendu de ce programme est que les survivantes et survivants dans la communauté des FAC soient mieux en mesure de composer avec les effets des agressions sexuelles." Si les processus de dénonciation des violences sexuelles ont longtemps été inadéquats dans les FAC, les procédures de mise en accusation laissent également à désirer. Ainsi, l’ancien chef de l’état-major, l’amiral Art McDonald, accusé d’agression sexuelle, a été innocenté en août 2021 après enquête.

Pour éviter les dérapages, de nombreux hommes haut gradés ont été remplacés par des femmes. Le numéro deux de l’état-major est désormais une femme. Et le Premier ministre, Justin Trudeau, a nommé une femme ministre de la Défense en octobre 2021. Mais si l’armée a pris un virage louable pour lutter contre le harcèlement, le plus dur reste à faire : opérer un changement de mentalité…

Auteur

  • Ludovic Hirtzmann