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Accompagnement : Ouvrir les médias à la diversité

Le point sur | publié le : 28.02.2022 | N. T.

L’association La Chance pour la diversité dans les médias aide depuis quinze ans des étudiants boursiers à devenir journalistes. Un enjeu de taille pour cette profession qui n’a jamais autant suscité la méfiance de la société civile.

« La Chance a tout changé en m’offrant la possibilité d’être journaliste à Paris et de travailler dans la presse nationale, résume Julien Sartre, attablé à un café parisien. Cela m’a ouvert les yeux sur les possibilités qu’il y avait et que je m’étais moi-même fermées en tant qu’ultra-marin », ajoute-t-il. Originaire de La Réunion, il est arrivé en métropole en 2011 pour passer les très sélectifs concours d’entrée aux écoles de journalisme. Il fait partie des 600 étudiants boursiers qui ont été accompagnés par La Chance pour la diversité depuis sa création et des 80 % d’entre eux qui sont devenus journalistes. Il exerce depuis dix ans.

Réseau d’anciens

« J’ai toujours eu envie de faire quelque chose pour favoriser l’égalité des chances entre les territoires privilégiés et les quartiers plus populaires », raconte Baya Bellanger, qui a lancé le projet en 2007 alors qu’elle était tout juste diplômée du Centre de formation des journalistes (CFJ) à Paris. À l’époque, elle s’appuie sur le réseau des anciens élèves du CFJ pour créer une préparation gratuite destinée aux plus défavorisés qui souhaitent passer les concours d’entrée aux écoles de journalisme. Questionnaires d’actualité, de culture générale, exercices de rédaction… leur sont proposés le samedi. La formation représente aujourd’hui entre 175 et 250 heures dispensées dans sept villes grâce à 350 bénévoles. En 2021, 57 bénéficiaires sur 85 ont été admis dans un cursus en journalisme. « Le plus dur, c’est après l’école », relève cependant Baya Bellanger. Face à la précarité du métier, ces nouveaux entrants sur le marché du travail, qui ne peuvent pas compter sur leurs proches pour les soutenir financièrement, sont accompagnés par le réseau des anciens de mieux en mieux implantés dans le paysage médiatique.

Depuis 2018, ils peuvent également se former à l’éducation aux médias et animer des ateliers rémunérés auprès d’adolescents en zones rurales et quartiers populaires.

L’objectif de ces interventions est de tordre le cou aux idées reçues et de susciter des vocations grâce à des exemples de réussite. « Nous nous sommes rendu compte que les étudiants susceptibles d’être recrutés avaient déjà un certain niveau d’études et que les inégalités scolaires commencent bien avant. Il fallait travailler en amont pour lever l’autocensure », explique Baya Bellanger. Plus de 3 500 élèves ont ainsi été sensibilisés. « C’est aussi partager le langage médiatique, qui est souvent, et à raison, vécu comme une violence par une partie de la population », complète Julien Sartre. Il a lui-même pu souffrir, dans l’exercice de son métier, de remarques déplacées de la part de collègues. « On m’appelait l’Oiseau des îles », se souvient-il…

Des changements lents

Marc Epstein, le président de l’association depuis 2015, confirme des signalements réguliers de ce type de la part d’étudiants, notant que, dans le milieu de la télévision, on exige souvent que les accents régionaux disparaissent. L’ancien rédacteur en chef du service monde de L’Express observe néanmoins des changements. Depuis deux ans, les DRH et patrons de médias sont de plus en plus nombreux à s’adresser à lui, même s’il ne se fait pas d’illusion sur leur engagement. « Les raisons qui les amènent à nous démarcher sont parfois très pragmatiques », déplore-t-il, en rappelant que le recrutement des stagiaires ou CDD s’effectue davantage au niveau des rédacteurs en chef et chefs de service.

Enrichir le contenu

« Je pense que beaucoup d’entre eux, qui travaillent énormément, peuvent penser que la diversité des points de vue, des parcours, des origines, peut éventuellement enrichir la couverture journalistique, mais en réalité, peu d’entre eux traduisent cela en pratique », ajoute-t-il. « Nous avons toujours des journalistes qui viennent de milieux sociaux beaucoup trop favorisés par rapport à la population française dans son ensemble. Nous essayons d’apporter notre pierre à l’édifice, mais il y a encore beaucoup à faire », abonde Baya Bellanger.

Pour sa part, Julien Sartre, qui est pigiste, regrette que les territoires d’outre-mer, dont il est devenu spécialiste, soient aussi peu considérés. « Cela représente 5 % du corps électoral, 2,1 millions de Français. Et pourtant, il y a une véritable invisibilisation de cette France », s’indigne-t-il. Fin janvier, le 35e Baromètre de confiance dans les médias Kantar-Onepoint pour La Croix révélait que le désintérêt de la population envers les médias n’a jamais été aussi fort – à la veille d’une élection présidentielle…

Auteur

  • N. T.