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Où sont les femmes ?

Chroniques | publié le : 28.02.2022 |

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Où sont les femmes ?

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Gilles Gateau, Directeur Général de l’APEC

Le 8 mars approchant, je repense à cette formule piquante de Françoise Giroud en 1983 : « La femme sera l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignera une femme incompétente ». Une petite phrase qui en dit long… et qui résonne encore quarante ans après !

Qu’elle est longue la route vers l’égalité !

Elle devrait commencer par la mixité des emplois, pour en finir avec les secteurs dits « féminins » ou « masculins ». On en est loin : prenons l’exemple emblématique du numérique. Selon le dernier rapport de l’UE Digital Economy and Society Index (DESI), seulement 18 % des spécialistes des TIC en Europe sont des femmes. Une réalité qui n’est pas l’apanage du Vieux Continent : dans la Silicon Valley, un tout petit 13 % de femmes accèdent à des postes de management dans les entreprises technologiques. Cette sous-représentation des femmes dans la tech pourrait même encore s’accentuer en France : le nombre de diplômées du numérique est chez nous… en baisse !

Alors, pourquoi ? Pourquoi ces proportions de femmes plus faibles aussi dans l’industrie ou le bâtiment ? On le sait : conséquence de l’éducation et des idées reçues véhiculées dès le plus jeune âge, aussi bien à l’école qu’à la maison, les femmes apparaissent trop souvent comme « culturellement » programmées ou découragées pour accomplir certains métiers, en premier lieu les métiers techniques. Changer cette éducation-là est un enjeu clé, qui doit mobiliser toutes les forces de la société, comme essaie de le faire par exemple l’association « Elles bougent ».

Mais cette ségrégation des métiers n’est pas la seule ombre au tableau. Du côté des salaires, les inégalités persistent et chez les cadres, elle se traduit encore par un écart de 13 % sur la rémunération au profit des hommes1… et l’écart « à poste comparable » se réduit à peine depuis dix ans, malgré toutes les initiatives dans ce sens.

Et que dire du tristement célèbre « plafond de verre » qui freine l’accès des femmes aux postes de direction ? Avec la loi Rixain fraîchement votée, la féminisation des comex va progresser plus vite, comme la loi Copé-Zimmermann a fait progresser la place des femmes dans les conseils d’administration, et c’est tant mieux ! Encore faudra-t-il éviter l’écueil d’une féminisation caricaturalement concentrée sur les postes de DRH, de dir’com ou de secrétaire générale, laissant l’opérationnel et la finance aux gens sérieux, forcément des hommes…

Alors que les entreprises s’apprêtent à publier leur index de l’égalité professionnelle, c’est peu dire qu’il reste une forte marge de progression collective, qui implique un travail persévérant de déconstruction des représentations et beaucoup de pédagogie. La révolution culturelle toujours nécessaire commence dès la formulation des offres d’emploi, pour que les candidates se sentent attendues et reconnues, pour favoriser une culture de travail inclusive, avec mentorat et réseautage pour soutenir les collaboratrices, et pour attirer et retenir les talents féminins. Une révolution culturelle qui appelle – n’évitons pas les sujets qui fâchent – un changement d’ambiance générale dans certains secteurs, où l’entre-soi masculin et le sexisme ordinaire font fuir les femmes.

Combattre ces inégalités est un enjeu sociétal. C’est aussi un enjeu économique. Alors que les difficultés de recrutement touchent particulièrement les secteurs de l’informatique, de l’industrie et de la construction, il est vital d’attirer toutes les compétences et tous les talents.

Pour ces métiers en tension à forte dominance masculine, s’ouvrir davantage à la mixité – et donc aux femmes – est l’une des réponses. Une preuve de plus que l’égalité des genres est aussi un facteur d’efficacité. Pensons-y le 8 mars, mais agissons toute l’année dans ce sens : il y a plus à faire qu’à gagner quelques points d’index pour parvenir – enfin – à l’égalité !

(1) Apec – Baromètre de la rémunération des cadres – Apec – 2020