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Le fait de la semaine

Féminisation : Les grandes entreprises se préparent à la première phase de la loi Rixain

Le fait de la semaine | publié le : 14.02.2022 | Lys Zohin

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Féminisation : Les grandes entreprises se préparent à la première phase de la loi Rixain

Crédit photo Lys Zohin

Dès le 1er mars 2022, les sociétés de 1 000 salariés et plus vont devoir publier chaque année les écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes. Suivront ensuite des quotas de 30 % en 2026, puis de 40 % en 2029.

Le cercle est encore très fermé : on ne compte que trois femmes à la tête des 40 sociétés de l’indice CAC… Après Catherine MacGregor, directrice générale d’Engie depuis le 1er janvier 2021, Christel Heydemann, directrice générale d’Orange, prendra ses fonctions début avril. Elles seront rejointes, cet été, par Estelle Brachlianoff, qui deviendra directrice générale de Veolia… La loi Copé-Zimmermann de 2011, instituant un quota de 40 % de femmes dans les conseils d’administration, n’a en effet pas suffi à créer un mouvement de « femmes puissantes », les conseils d’administration n’étant pas des instances décisionnelles et opérationnelles. En fin décembre 2021, la loi Rixain est donc venue accélérer le mouvement. Puisque ce sont dans les instances dirigeantes que siège le pouvoir et que les décisions opérationnelles se prennent, c’est dans ces enceintes qu’il faut, là aussi, instaurer des quotas. « D’autant que l’autorégulation ne fonctionne pas. Sur les trois dernières années, la progression de la part des femmes dans les comités exécutifs des entreprises du SBF120 a augmenté de 1,5 % par an. Si l’on projette cette évolution dans le futur, on atteindrait 40 % de femmes en 2057, soit avec près de 30 ans de retard sur l’objectif final de la loi Rixain ! Il faut une obligation de résultat. Et les entreprises doivent être proactives », relève Steve Farrugia, consultant expert en matière d’égalité professionnelle, au sein du cabinet WTW (anciennement Willis Towers Watson).

Car le constat est clair. Si la loi Copé-Zimmermann a permis d’améliorer la parité au sein des conseils, avec 45,8 % d’administratrices dans les entreprises du SBF 120 en 2021, dans les comités exécutifs, les femmes ne détenaient que 22 % des postes en 2021. Pour briser ce plafond de verre, la loi du 24 décembre 2021, dont le texte avait été déposé en mars 2021 par Marie-Pierre Rixain, députée LREM de l’Essonne, poursuit plusieurs objectifs, et particulièrement une meilleure représentation des femmes dans la pyramide décisionnelle des entreprises. Elle impose donc, parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes, un quota de 30 % de femmes à partir du 1er mars 2026, puis de 40 % au 1er mars 2029 dans celles qui comptent 1 000 salariés et plus sur trois exercices consécutifs. Le tout selon une double définition. En ce qui concerne les cadres dirigeants, selon l’article L3111-2 du Code du travail, d’une part. Et d’autre part, selon l’article L23-12-1 du Code de commerce, pour les membres des instances dirigeantes. Ainsi, les cadres dirigeants « sont les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ». Quant aux instances dirigeantes, elles sont définies comme « toute instance mise en place au sein de la société par tout acte ou toute pratique sociétaire aux fins d’assister régulièrement les organes en charge de la direction générale dans l’exercice de leurs missions ».

« Il a fallu préciser, et les débats parmi les parlementaires ont été vifs, souligne Muriel Besnard, consultante juridique pour la veille légale RH-droit social chez ADP, car si le conseil d’administration est une instance très encadrée, les entreprises ont davantage d’autonomie dans l’organisation de leur codir et comex, de même que dans leur définition de ce qu’est un cadre dirigeant. » En cas de doutes, les grandes entreprises pourront toujours s’adjoindre les conseils de cabinets spécialisés pour identifier les profils… En outre, d’ici 2026, puis 2029, elles ont le temps de mettre en place les actions nécessaires pour s’assurer qu’elles répondent aux exigences de la loi – sous peine, ensuite, de sanctions.

À compter du 1er mars 2029 en effet, si les entreprises n’ont pas adopté de mesures pour se mettre en conformité avec la loi, elles devront, dans un délai de deux ans, le faire. Et au bout d’un an, publier des objectifs de progression et les mesures de correction retenues, selon des modalités définies par décret – qui reste encore à paraître. À l’expiration de ce délai, si les résultats obtenus sont toujours en deçà du taux fixé, l’employeur peut se voir appliquer une pénalité financière, dont le montant est fixé au maximum à 1 % des rémunérations et gains versés aux salariés au cours de l’année civile précédant l’expiration du délai. « Cela donne du temps pour gérer les plans de carrière, lancer des formations, au leadership, notamment, et accompagner les femmes différemment pour les préparer », indique Muriel Besnard.

État des lieux

Toutefois, dès le 1er mars 2022, et chaque année, elles vont devoir publier, d’abord sur leur propre site Internet, un état des lieux de la représentation femmes et hommes parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes. L’idée étant évidemment de repérer d’éventuels écarts – pour les corriger. Seront-elles prêtes ? « Les grandes entreprises sont dans cette démarche depuis un certain temps, du fait d’une demande, de plus en plus pressante, de la société civile pour une meilleure égalité femmes/hommes », estime Muriel Besnard. « Et c’est le même esprit qui prévaut dans le cadre de l’index de l’égalité professionnelle femmes/hommes », ajoute Steve Farrugia. L’index, créé en 2018 par la loi sur l’avenir professionnel, est désormais obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés. Elles doivent d’ailleurs publier leurs résultats ce 1er mars également (lire page 8).

Soucieuses de leur réputation, les entreprises sont, pour l’index d’égalité professionnelle, sous la menace d’un « name and shame », puisque les scores, calculés à partir de plusieurs indicateurs (écart de rémunération femmes/hommes, écart de répartition des augmentations individuelles, écart de répartition des promotions, nombre de salariées augmentées à leur retour de congé de maternité, parité parmi les dix plus hautes rémunérations), sont désormais rendus publics, sur le site du ministère du Travail. À partir de 2023, il en sera de même pour les données relatives à la loi Rixain.

Face à l’enjeu sociétal d’égalité, les entreprises sont donc appelées à jouer un rôle clé, celui de faire émerger des modèles de succès féminins, de nature à inciter les femmes à s’inscrire davantage dans un tel schéma.

Auteur

  • Lys Zohin