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Ne bridons pas l’hybride

Chroniques | publié le : 07.02.2022 | Benoît Serre

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Ne bridons pas l’hybride

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Benoît Serre vice-président délégué de l’ANDRH

Depuis presque deux ans maintenant, nous sommes organisés de fait et parfois de droit dans un modèle de travail hybride. Ce mouvement n’est finalement pas si nouveau, car à l’instar de la désintermédiation, l’hybridation a touché nombre de domaines sous la poussée toujours plus forte de la transformation digitale. Le commerce, les transports, la relation client, la communication, les loisirs ont tous été transformés par l’hybride, c’est-à-dire la complémentarité entre le physique et le digital. Cette tendance a même fait émerger un néologisme : le phygital.

Et nous découvrons avec la crise sanitaire que le travail lui-même est désormais hybride – même si cette nouvelle situation est aujourd’hui pensée essentiellement sur un plan individuel. Pourtant, il est nécessaire de considérer que cela est insuffisant et surtout, risqué. Une entreprise ne peut être une somme d’individualités, car dans ce cas, elle cesse de fait d’exister dans ce qui constitue sa force : le collectif, le projet commun, les principes et la vision partagés. Nous pouvons acter qu’au fur et à mesure du temps, l’hybridation du travail va s’imposer comme un modèle dominant. Dans ces conditions, il faut absolument réfléchir à deux autres hybridations : celle de l’organisation et celle des compétences.

Pour que la logique collective continue d’être la référence de l’entreprise, il faut donc penser au modèle hybride de l’organisation elle-même, c’est-à-dire se fixer des règles communes pour faire en sorte que ce soient la stratégie et les process qui fondent l’hybridation – et non le seul critère de la présence ou de la distance. Si nous n’y prenions pas garde, il y a fort à parier que c’est la distance qui gagnerait, détruisant de fait la notion même d’équipe solidaire dans la conduite d’un projet commun. Limiter ainsi l’entreprise la conduirait immanquablement à devenir pour ses collaborateurs un « prestataire de services » faisant disparaître l’élément essentiel qu’elle fournit : être ensemble pour une raison commune. Les DRH doivent donc dès maintenant réfléchir à l’hybridation de leur organisation et penser le fonctionnement collectif en ce sens.

Cela touchera nécessairement les process RH et managériaux, et donc les évaluations et la formation, au même titre qu’est déjà concerné – parfois de manière excessive – le recrutement. Une organisation hybride offre au contraire l’opportunité à l’entreprise d’intégrer plus fortement dans son fonctionnement plusieurs sujets déjà présents aujourd’hui, mais plus souvent juxtaposés que coordonnés : la QVT, les équilibres de vie, l’inclusion, la diversité, l’employabilité, l’innovation. Penser l’organisation comme hybride en elle-même offre des perspectives inédites en termes d’ouverture et de liberté de mouvement comme de performance.

S’ajoute également une autre hybridation beaucoup plus complexe : celle des compétences. L’aborder ainsi permettra, quelles que soient la taille de l’entreprise ou sa localisation, d’accéder à toutes les compétences possibles, sous réserve de considérer que cette hybridation passe par une évolution des relations contractuelles, lesquelles ne peuvent plus se limiter au seul contrat de travail. La tendance au développement des slashers, par exemple, s’amplifiera et permettra à toute organisation d’aller chercher dans la forme qui lui convient des compétences dont elle a besoin pour un temps limité. C’est une sacrée perturbation de notre modèle et les DRH devront d’abord penser aux compétences stratégiques qui ne doivent être qu’internalisées car créatrices de valeur.

Pour que cette « multi-hybridation » fonctionne et participe utilement à ce « futur du travail » que nous cherchons, la fonction RH aura aussi à relever un défi de taille : la redéfinition des métiers et des tâches, pour que ces derniers et dernières – ou au moins le plus grand nombre – puissent s’exercer de manière hybride, a minima partiellement. Ce sera une réponse à une aspiration forte des salariés d’aujourd’hui et de demain. Et cela donnera surtout à l’entreprise une arme dont elle a tant besoin : l’agilité par l’accès rapide, souple et adapté, aux compétences indispensables à sa performance.

Auteur

  • Benoît Serre