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Promesse employeur : le grand décalage

Chroniques | publié le : 31.01.2022 |

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Promesse employeur : le grand décalage

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Gilles Gateau directeur général de l’Apec

« Tout est question de perception… » Une situation, une offre ou une idée ne sont appréciées qu’à travers les impressions qu’elles suscitent. Impressions qui varient au gré des individus : ce que je trouve joli peut, aux yeux d’autrui, l’être moins, ce que je trouve utile sembler à d’autres superflu.

Le monde professionnel ne fait pas exception. Les avantages et les intérêts d’un poste y sont aussi « question de perception ». Il y a les avantages qu’un employeur va, de bonne foi, mettre en avant, et ceux auxquels s’attend, tout autant de bonne foi, un collaborateur ou un postulant. Dit autrement, il existe souvent un décalage entre les attentes des entreprises et celles des salariés et candidats, et ce décalage évolue au fil du temps.

Prenons un exemple d’actualité : le télétravail. Alors que 47 % des cadres candidats en font une condition sine qua non pour accepter un emploi, seulement 22 % des entreprises estiment – question de perception – que le fait de ne pas offrir cette possibilité peut nuire à leur attractivité. Autre exemple : le décalage entre les attentes des salariés ayant des enfants ou qui sont « aidants » et les accords d’entreprise sur la qualité de vie au travail. En vrai, malgré les volontés revendiquées par les employeurs au travers des démarches QVT, les salariés perçoivent toujours une articulation difficile entre les exigences de la vie personnelle et familiale et celles de la vie professionnelle. La crise sanitaire n’a pas arrangé les choses…

Autre exemple de décalage qui se creuse entre attentes des cadres et promesses des entreprises : le management, une question qui va devenir, j’en suis certain, de plus en plus centrale. De nombreux cadres aspirent à davantage d’autonomie, de responsabilisation dans leurs missions. Or si le « collaboratif », le « mode projet », l’« horizontalité », l’« agilité » progressent indiscutablement, le train va moins vite que le paysage, si vous me permettez cette image ! La réinvention du management va moins vite que les aspirations des managés…

À l’Apec, notre position privilégiée d’accompagnateur de ces aspirations nous permet d’ailleurs de constater une recrudescence des reconversions « précoces » et pas, comme par le passé, à la mi-carrière, en réponse à une « crise de la quarantaine » ou à un rétrécissement des horizons professionnels. Aujourd’hui, nous recevons de plus en plus de trentenaires – parfois même de plus jeunes ! – qui veulent changer. Des reconversions guidées par la motivation et le sens, non plus par la nécessité ou la « carrière ». Les modèles traditionnels de carrière détonnent de plus en plus face à ces aspirations, et pour les TPE-PME, c’est un phénomène déroutant… qui inquiète.

Car si des décalages sont inéluctables – affaire de perception –, ils sont aussi une menace pour l’attractivité de nombreuses entreprises dans un contexte de tensions de plus en plus aiguës sur les recrutements. Dans son avis du 12 janvier (un peu décevant…), le CESE pointe combien les représentations négatives de certains métiers ou la faible reconnaissance ressentie peuvent intensifier durablement des difficultés à recruter… et accroître la volatilité des salariés.

Ce n’est pas encore “the great resignation” chez nous, mais attention à la pente : dans une enquête Apec de décembre, environ un cadre sur cinq dit avoir déjà rompu à son initiative un CDI (je dis bien un CDI) dans les deux ans suivant leur embauche, un chiffre qui monte à 31 % pour les moins de 35 ans ! Que d’énergie de recrutement perdue…

Un travail d’introspection et de lucidité s’impose donc dans les entreprises et leurs équipes RH, sur les attentes et ressentis et la façon d’y mieux répondre. Cet exercice est source d’attractivité et d’efficacité et ça, ce n’est pas ma perception : c’est une réalité.