La formation professionnelle est le principal levier permettant aux jeunes de s’insérer dans l’emploi. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Une intéressante matinée d’échanges organisée par Terra Nova et l’Institut Montaigne (bel œcuménisme !) à l’Assemblée nationale sur le thème « Former nos 18-35 ans aux métiers d’avenir » apporte des éléments de réponse – mais les conclusions n’engagent que moi. Malgré les incontestables avancées, j’en retiens cinq obstacles qui perdurent.

La formation va toujours aux mieux formés. Il faut renverser ce handicap malheureusement tenace en s’intéressant prioritairement aux 13,5 % des 15-29 ans qui ne sont ni en emploi ni en formation et non éligibles aux minima sociaux. Ils sont souvent issus de familles en difficulté et de milieux sociaux défavorisés. Sur le dispositif VAE (valorisation des acquis de l’expérience), l’un des rares adaptés aux spécificités des peu qualifiés, le constat est affligeant : il est en recul, desservi par la lourdeur des procédures. Connaissez-vous une autre procédure pour laquelle 90 % des démarches se traduisent par un renoncement avant même son approbation ? Pour laquelle il s’écoule neuf mois minimum entre le dépôt du dossier et l’examen des jurys ?

Le manque d’accompagnement est un lourd obstacle lorsque, comme l’a souligné Myriam El Khomri, ancienne ministre du Travail, un emploi sur deux présente un risque d’obsolescence des compétences. François Moulinier, directeur général de l’Institut de Soudure, relève que la formation d’un soudeur prend 15 mois aujourd’hui, contre 14 jours aux alentours de 2005. Marc Landré, responsable du service Économie France au Figaro, souligne un paradoxe : 25 % des personnes sans emploi cherchent dans le secteur de la santé et sanitaire et ne trouvent pas, alors que le secteur est demandeur de main-d’œuvre. Élisabeth Borne, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, a indiqué avoir demandé à Pôle emploi de convoquer tous les demandeurs de longue durée cette année. Cette année ?

La grande misère des missions locales a été déplorée par l’économiste Bertrand Martinot, qui pointe une rupture d’égalité compte tenu des performances très hétérogènes d’une structure à l’autre. Quelques mois plus tard, je lis une interview de Valérie Pécresse, candidate LR à l’élection présidentielle, dans L’Express du 13 janvier 2022, qui contient cette « bombe » : « Pour les demandeurs d’emploi, j’ai mis les formations de la région Île-de-France sur Leboncoin, et j’ai eu beaucoup plus de monde inscrit que par les missions locales ».

Derrière le succès de l’apprentissage, Bertrand Martinot remarque qu’il est essentiellement dû à l’enseignement supérieur, qui de plus en plus, l’utilise comme un mode de financement. Il ne résout donc pas le problème crucial des décrocheurs, car de son côté, l’alternance de niveau bac et CAP a plutôt stagné. Un levier évident consisterait à élargir l’apprentissage à d’autres métiers peu investis, notamment dans le secteur sanitaire et social, dont les emplois sont très réglementés et dont les parcours sont plus longs que les voies classiques.

Le déficit de l’orientation est pointé par Élisabeth Borne, qui insiste sur le décalage : si un million de Français ont déjà fait appel au CPF (compte personnel de formation), ils sont à peine 100 000 à avoir eu recours au CEP (conseil en évolution professionnelle). Or c’est bien ce dernier qui apporte une aide concrète à ceux qui sont les plus fragiles, les moins qualifiés, ceux qui travaillent dans les PME et les TPE.

Ces cinq facteurs sont les principaux responsables des « pertes en ligne » que subit notre outil de formation : comme le souligne Myriam El Khomri, un Français sur huit se dit favorable à suivre une formation professionnelle, mais seulement trois sur huit la suivront et seuls 15 % d’entre eux la réussiront…

Pour aller plus loin : « Emploi et formation à l’heure de la RSE : pour une employabilité socialement responsable » https://management-rse.com/emploi-et-formation-a-lheure-de-la-rse-pour-une-employabilite-socialement-responsable/