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« L’accueil des handicapés psychiques implique la réorganisation du travail »

L’actualité | publié le : 24.01.2022 | Lys Zohin

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« L’accueil des handicapés psychiques implique la réorganisation du travail »

Crédit photo Lys Zohin

 

Célia Lemaire et Sarah Richard, chercheuses à l’EM Strasbourg Business School appellent à la sensibilisation des managers en ce qui concerne les personnes atteintes de troubles psychiques. Elles ont de grandes qualités d’intelligence et de créativité. Mais les entreprises les ignorent…
 
Vous affirmez que seuls 20 % des handicapés psychiques ont un emploi. D’où provient ce chiffre ? Et comment expliquez-vous cette exclusion massive du monde du travail ?

Une enquête de l’Union des familles de personnes malades et/ou en situation de handicap psychique (Unafam) révèle cette exclusion massive. Les handicapés psychiques sont particulièrement mis à l’écart. Ils ont deux fois moins de chance d’obtenir un emploi qu’une personne avec un autre handicap. En réalité, le handicap psychique fait peur. Il est mal connu et souvent invisible au premier abord. Cela augmente le sentiment d’incertitude. La crainte des troubles psychiques ne concerne d’ailleurs pas que les personnes très affectées au point d’être reconnues comme handicapées. Elle se manifeste aussi vis-à-vis d’individus atteints de déséquilibres modérés. Plus de dix millions de Français ont aujourd’hui des troubles psychiques et leur taux de chômage est le double du taux de chômage moyen.

Vos recherches montrent que lorsque les managers sont correctement sensibilisés à ce type de handicap, les barrières se font moins hautes… Pouvez-vous nous en dire plus ?

Nous avons étudié, en particulier, le fonctionnement des Esat, les établissements de services et d’aide par le travail, qui accueillent aujourd’hui en leur sein 20 % de personnes avec un handicap psychique. Les encadrants y sont plus à l’écoute des besoins de leur équipe que des managers classiques, la pression sur les résultats n’est pas la même. Mais, aussi curieux que cela paraisse, beaucoup d’entre eux n’ont pas reçu de formation spécifique aux troubles psychiques. Nous avons pu voir ce que de telles formations apportaient, notamment pour gérer les moments de crise. Correctement sensibilisés, les encadrants ont de bons réflexes, connaissent les procédures à suivre, arrivent à faire baisser la tension. Sans cela, ils sont complètement démunis et la crise peut déstabiliser tout le collectif. Les formations sont également utiles pour mieux gérer les équipes au quotidien. Il faut savoir quels aménagements sont nécessaires, sans donner aux collègues l’impression qu’on « passe tout » à une personne en raison de son handicap psychique. La formation permet d’anticiper les problèmes. Lorsque l’équipe est sensibilisée, elle réagit aussi beaucoup mieux aux difficultés.

Que doivent faire les entreprises en matière de formation des managers pour accroître l’insertion de ces personnes ?

Des actions de sensibilisation plus nombreuses, pourquoi pas offertes banalement dans les catalogues de formation, sont nécessaires. Elles contribueraient à diminuer la méconnaissance et la peur. Une formation d’une journée, avec des jeux de rôle, des simulations, change complètement la donne1. Si au moins un salarié était formé dans chaque entreprise, il pourrait servir de référent et accompagner les managers. On peut imaginer aussi des relais externes sur lesquels s’appuyer en cas de problème. Au-delà de la gestion éventuelle de crises, l’accueil de handicapés psychiques nécessite aussi de réfléchir en profondeur à l’organisation du travail. Dans une ville adaptée, une personne en fauteuil roulant circule sans difficulté, alors qu’ailleurs, elle peut se retrouver bloquée chez elle. Il en est de même pour un handicapé psychique, dans le monde du travail. Sa situation varie du tout au tout si l’organisation tient compte de ses spécificités. Des postes transversaux peuvent être trouvés pour que les fluctuations de son état impactent a minima le fonctionnement de l’entreprise. La possibilité de télétravailler en partie facilite aussi les choses. Les managers, une fois formés, trouvent souvent des méthodes pour rendre l’organisation plus inclusive.

[1] L’Unafam liste les organismes de formation existants. Localement, les Esat proposent souvent de telles formations.

Auteur

  • Lys Zohin