À la suite de la signature d’une charte pour l’accompagnement des salariés souffrant d’un cancer, Decathlon s’intéresse au Covid long, pour que les salariés qui en pâtissent puissent bénéficier d’un dispositif adapté.
Rahel Mylène Damamme a été infectée par le coronavirus dès février 2020. Et, depuis, la salariée de Decathlon, en charge du reporting extrafinancier, ne s’est pas remise… À 48 ans, elle souffre de ce qu’on appelle le Covid long "avec 205 symptômes – neurologiques, cardiaques, ORL… – recensés par la Haute Autorité de santé", explique-t-elle. Dans son cas, les symptômes sont nombreux. "J’ai d’abord été hospitalisée pour une péricardite, sans que l’on sache que c’était dû au coronavirus à l’époque, il n’y avait même pas de test", rappelle-t-elle. Depuis, elle accumule les problèmes de santé : "douleurs musculaires, suspicion d'embolie pulmonaire, tachycardie, brouillard cérébral, fatigue intense ou épuisement, yeux qui piquent…", enchaîne-t-elle. Elle s’est documentée et a créé l’association #AprèsJ20 (qui rassemble des malades atteints de symptômes Covid persistants).
Au sein de Decathlon, elle a rencontré Franck Martinez, en charge de la qualité de vie au travail (QVT) et président de la Fondation d’entreprise. Sensibilisé au Covid long, puisque son fils de 30 ans en souffre également, il s’était rapproché de l’association de Rahel – sans savoir qu’ils faisaient partie de la même entreprise ! Attentif à la gestion des maladies chroniques et du handicap dans l’entreprise, il veut faire entrer le Covid long dans la liste des maladies chroniques suivies par la mission handicap.
"Normalement, il faut avoir une reconnaissance RQTH pour cela, mais nous avons changé le principe pour accélérer les choses : la mission accompagne désormais les salariés dès qu’un dossier a été déposé auprès de la Mission départementale des personnes handicapées (la MDPH, qui délivre les RQTH)", indique-t-il. En octobre dernier, le responsable QVT a aussi signé la charte Cancer@Work, pour aider les salariés à concilier travail et maladie chronique. "Le Covid long est une nouvelle maladie qui affecte aussi la vie au travail, mais elle est encore méconnue, y compris des médecins. Être appuyé par ses collègues, ses managers et son entreprise est très important au quotidien", souligne Rahel Mylène Damamme. Si elle a été arrêtée quelques semaines seulement (principalement l’été dernier pour des problèmes neurologiques), elle continue le reste du temps de travailler. "Mais parfois, j’ai besoin de télétravailler car je ne peux pas prendre le risque de conduire en raison de problèmes de vision ou de brouillard cérébral", poursuit-elle. Alors que la fatigue est intense, elle préfère aussi garder son énergie pour être concentrée, plutôt que pour les déplacements… "Mais je ne connaissais pas le monde de la maladie chronique", reprend-elle. Ce changement de mode de vie est lourd à porter, "le soutien de la mission handicap, qui explique aussi les aménagements possibles, aide beaucoup", déclare-t-elle.
Decathlon en est encore au tout début de l’accompagnement de cette nouvelle maladie, mais après la signature de la charte sur le cancer, en octobre 2021, Franck Martinez veut agir en 2022. "On a des appels chaque semaine de collaborateurs", dit-il. "Dans le magasin de Bayonne, auquel je suis rattaché, j’ai trois salariés, jeunes, sportifs, qui ne comprennent pas ce qui leur arrive, ajoute-t-il. Nous voulons donc ouvrir la parole, avec des campagnes de sensibilisation, et faire monter les managers en compétences pour accepter la maladie et adopter la bonne posture face au salarié malade." Une formation de 30 minutes "maladie et travail", créée par Cancer@Work, est déjà accessible à tous les volontaires. "C’est un sujet de qualité de vie au travail, mais aussi de lutte contre la désinsertion professionnelle", assure Franck Martinez. Alors que 10 % à 30 % des personnes infectées par le Covid pourraient développer un Covid long, selon les chiffres des autorités de santé, "le sujet est réellement sociétal, conclut-il. On ne va pas mettre un million de personnes en arrêt de travail, mais on doit pouvoir accompagner ces femmes et ces hommes". BSR (Business for Social Responsibility), un réseau d’étude et de prospective, parle, lui, d’un "risque émergent". "J’ai eu la chance d’avoir une hiérarchie et des collègues extrêmement bienveillants, souligne Rahel Mylène Damamme, mais ce n’est pas le cas de tous les salariés, et c’est pour cela qu’il faut en parler." Et Decathlon souhaite évidemment être imité par d’autres entreprises…