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De la gestion des compétences à la maîtrise des temps

Chroniques | publié le : 10.01.2022 |

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De la gestion des compétences à la maîtrise des temps

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Benoît Serre vice-président délégué de l’ANDRH

Avec cette rentrée pour le moins chahutée qui – espérons-le – ne présage pas d’une année supplémentaire aussi difficile que les deux précédentes, nous pouvons néanmoins constater le formidable gain de compétences collectives fait par les entreprises. Il suffit de se souvenir de nos réactions en mars 2020 lorsque le confinement a été décrété pour reconnaître qu’avec cette cinquième vague, salariés comme dirigeants ont très rapidement mis en place les mesures efficaces sans perturbation excessive des activités, semble-t-il.

Nous avons appris l’agilité, c’est-à-dire la capacité rapide non seulement à réagir, mais aussi à organiser, renoncer, recaler et décider dans un délai court, avec un niveau de compréhension somme toute élevé. En réussissant cela, chaque entreprise a finalement mis en œuvre la transformation dictée par l’urgence de la situation à la bonne vitesse et avec pragmatisme. C’est une montée en compétences essentielle, car indépendamment de la crise sanitaire, cela fait plusieurs années que nous sommes en recherche de cette capacité de transformation, face aux évolutions concurrentielles et technologiques, notamment. Bien souvent, la faiblesse d’une transformation vient de notre incapacité à en démontrer aux équipes l’impérieuse nécessité. Certes, sur un plan rationnel, nous savons expliquer pourquoi et assez souvent comment faire. Pour autant, les DRH savent bien que ce qui est le plus difficile, ce n’est pas d’emporter la conviction collective que la transformation est nécessaire, mais l’acceptation individuelle de celles et ceux dont le métier ou les compétences sont touchés. Les DRH doivent gérer une équation difficile qui peut se résumer à la conjonction des temps : celui de la transformation, celui du processus social et celui de l’humain.

Ces trois temps ne correspondent pas et pourtant leur décalage trop fort peut remettre en cause, voire faire échouer un projet pensé, construit et indispensable. C’est à ce titre qu’il faut accepter qu’une entreprise porte en elle une part d’émotionnel qui ne peut être négligée. On le savait, mais cette crise est venue nous rappeler avec force que le lien entretenu avec le travail ne peut pas être que mécanique. Les entreprises protègent leurs collaborateurs plus que jamais et reconnaissent sans doute avec plus de facilité qu’avant que l’humain prime lorsqu’elles annoncent que leur priorité est d’abord la protection de leurs équipes avant celle de leurs affaires. L’art est évidemment de conjuguer les deux et après ces mois de crise, au vu de la situation économique, on peut considérer que c’est réussi.

La fonction RH est évidemment un acteur central de cet équilibre entre l’humain et l’économique, au même titre que les autres dirigeants, mais elle a un rôle particulier, puisqu’aux yeux des équipes, elle doit non seulement le faire, mais aussi l’incarner.

La transformation du travail en marche actuellement est assez largement fondée sur ce renforcement de la dimension humaine de l’entreprise et le défi sera évidemment de conserver cette logique non pour freiner, mais pour accélérer encore et réussir plus vite ce que nos environnements demandent. Or on ne transforme pas durablement par la contrainte, la pression ou la tension, mais uniquement par la conviction sans cesse partagée et rappelée avec les salariés qu’un métier ne peut être statique et que la compétence est un « objet vivant ». Cela renvoie les DRH à une maîtrise parfaite de la part stratégique de leur métier : l’anticipation des compétences et la préparation du futur. En cela, d’ailleurs, si nous avons à trouver le bon équilibre entre des temps différents, nous avons aussi un métier qui ne se développe pas dans le même espace-temps que les autres, car c’est celui de l’humain. De notre capacité à identifier avant les autres les tendances de demain dépend une partie de la légitimité comme de la spécificité de notre métier.