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Des salariés piégés dans l’obéissance moderne

Les clés | À lire | publié le : 27.12.2021 | Lydie Colders

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Des salariés piégés dans l’obéissance moderne

Crédit photo Lydie Colders

Dans L’Insoutenable Subordination des salariés, la sociologue Danièle Linhart critique le leurre des modes managériales. Le patronat est toujours efficace pour « sublimer » son pouvoir sur les salariés. Et les syndicats devraient interroger cet étau du lien de subordination. Corrosif.

Est-il normal que les dirigeants d’entreprises aient « tout pouvoir » en matière de conditions de travail et d’utilité sociale de l’activité des salariés ? Que ces derniers soient tenus d’« obéir » à leur hiérarchie ? Sauf droit d’alerte, ils « sont dépossédés du droit d’intervenir sur la qualité et le sens de leur travail », rappelle Danièle Linhart. Et le problème s’aggrave « avec le rouleau compresseur » du libéralisme. Quitte à provoquer les syndicats, la sociologue met les pieds dans le plat : le patronat a trop de pouvoir « en raison du lien de subordination des salariés ». Que l’on ne se méprenne pas : elle ne remet nullement en cause le salariat. Mêlant enquêtes et travaux de chercheurs, son essai incisif invite à questionner ce lien de domination « piégeant », face aux rapports de force toujours plus « sophistiqués » du management moderne. Son réquisitoire prend une allure d’histoire de l’organisation du travail, « véritable pacte de Faust » pour les salariés : de l’individualisation des années 1990 organisant la concurrence entre eux jusqu’à la « subordination sublimée de l’ultralibéralisme » actuel, centrée sur l’emprise subjective des salariés.

Les nouveaux enjeux masqués du pouvoir

De la loi Travail à la RSE, elle estime que le pouvoir s’est encore resserré : le travail, comme l’entreprise, « c’est l’affaire des dirigeants – qui se confondent avec elle ». L’assujettissement des salariés reste intact, mais le patronat « brouille les cartes » pour « s’approprier » subtilement leur travail. Décryptant les modes managériales, Danièle Linhart analyse le « trompe-l’œil » de l’entreprise libérée (partie très intéressante), montrant que l’autonomie donnée « rapporte gros », sans que le pouvoir ne soit partagé… Idem pour l’intrapreunariat social ou le don de congés qui captent « l’éthique » des salariés. Il ne faut pas sous-estimer la capacité du patronat « à digérer, comme un boa, les critiques et les blocages qui se dressent sur sa route, et de s’en nourrir », prévient-elle. Le management est capable de se transformer en surface « tel un caméléon », de se muer en « redresseur de torts », comme avec la « raison d’être » de la loi Pacte. Tout en protégeant avant tout le pouvoir, « il parvient à renforcer sa domination et fait obstacle aux forces collectives capables d’imaginer d’autres manières de produire et de consommer ». Pour la sociologue, cette habilité ne doit pas être négligée par les syndicats. Elle juge urgent, « au vu des stratégies patronales qui précarisent subjectivement toujours plus les travailleurs », qu’ils réfléchissent à une relation salariale plus démocratique. Cette idée complexe aurait mérité d’être précisée. Mais la démonstration est implacable…

Auteur

  • Lydie Colders