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Formation : Les réfugiés peinent encore à intégrer le marché du travail

Le pont sur | publié le : 27.12.2021 | N. T.

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Formation : Les réfugiés peinent encore à intégrer le marché du travail

Crédit photo N. T.

Menacés dans leur pays ou apatrides, les exilés doivent souvent attendre plusieurs mois, voire des années, avant d’intégrer une entreprise en France.

En 2020, l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) a enregistré plus de 95 000 demandes d’asile. Seules près de 24 000 personnes ont obtenu un statut de protection qui leur permet de travailler. Mais leur diplôme et leur expérience professionnelle à l’étranger ne sont souvent pas reconnus en France. S’ajoutent à cela les préjugés, les démarches administratives, la barrière de la langue. Autant d’obstacles à franchir pour être embauché. Un rapport du Jesuit Refugee Service, publié en avril 2021, juge la France « mauvaise élève en ce qui concerne le cadre législatif et réglementaire pour l’accès des réfugiés à l’emploi », notamment en raison « des restrictions d’accès persistantes à certaines professions – entre autres, les fonctions non régaliennes de la fonction publique et les professions réglementées ». L’organisation qui lutte contre l’exclusion des réfugiés réclame également une meilleure intégration des demandeurs d’asile. « Alors que la quasi-totalité des États de l’UE a mis en place, ces dernières années, des mesures visant à leur donner un accès effectif au travail, à l’apprentissage de la langue et aux formations, la France partage la dernière place avec la Hongrie pour leur absence en la matière », dénoncent les rapporteurs. Malgré un contexte peu favorable, des associations se mobilisent.

La restauration, un moyen de s’en sortir

L’association Refugee Food participe à la formation de près de 300 réfugiés aux métiers de commis de cuisine et d’employé technique de restauration. Certains passent par son restaurant d’insertion à Paris.

Il n’est pas encore 10 heures et les cuisines de La Résidence sont en ébullition. Harouna Sow, le chef, et ses deux commis, Hamel et Eden, préparent à la fois des plats pour un événement prévu dans le 16e arrondissement de Paris et pour le service habituel de ce restaurant installé au Ground Control, un espace culturel situé dans d’anciens locaux de la SNCF, jouxtant la gare de Lyon. Lancé en 2018 par l’association Refugee Food, l’établissement est dévolu à l’insertion professionnelle de réfugiés. Réceptionniste dans un hôtel en banlieue d’Addis-Abeba (Éthiopie), Hamel a fui pour des raisons politiques. Cette mère d’un enfant de 13 ans, qui vient de Villemomble (Seine-Saint-Denis) tous les jours, partage les fourneaux avec Eden, arrivée il y a cinq ans. Cette Érythréenne a grandi en Éthiopie et au Soudan où elle travaillait déjà dans un restaurant. « J’ai beaucoup d’expérience de cuisine, donc ce n’est pas difficile pour moi, indique-t-elle en préparant des beignets farcis du Sénégal. Et ici, si tu travailles, personne ne te dit rien, tu es libre. » En cas de difficulté, les deux femmes peuvent compter sur Harouna Sow. « Aider des personnes qui ont eu le même parcours d’exilés que moi à trouver leur place, cela me fait me lever le matin pour aller travailler », confie cet apatride né en Mauritanie et installé dans l’Hexagone depuis 2012. « Venir d’un village au Mali, où j’ai grandi, et arriver dans une ville comme Paris, au début, c’était dur », se souvient-il. Aux autres salariés du restaurant, il apprend la cuisine et les codes de la gastronomie française. Il a été formé dans les plus grands établissements : le Royal Monceau et l’Hôtel Pullman, où le chef Alain Losbar l’a pris sous son aile. Après avoir monté sa propre entreprise de traiteur, le trentenaire a rejoint l’équipe du Refugee Food. « Ici, nous avons une totale liberté de choisir ce que nous cuisinons. Ça permet de responsabiliser les gens et il n’y a pas ce poids d’être managé toute la journée, ça n’a pas de prix ! », assure le chef formateur, arrivé pendant le premier confinement pour participer au programme d’aide alimentaire proposé par l’association.

À quelques mètres de là, Racine Guiro s’affaire avec deux bénévoles et un autre salarié à la confection de 400 repas destinés aux plus démunis. Au menu, « salade de chou vinaigrette, haricots coco et haricots rouges, avec sauce tomate et poulet », énumère ce Malien de 35 ans qui éprouve une grande satisfaction à nourrir les plus exclus, notamment les exilés débarqués à Paris.

Des formations qualifiantes

Cela a été le cas de Sherzad Noorzad. À son arrivée dans la capitale, en novembre 2017, il dormait porte de la Chapelle. « J’avais beaucoup travaillé en cuisine, c’était mon métier mais je n’avais pas de diplôme, je ne parlais pas la langue et je ne connaissais pas les plats français », se souvient ce jeune Afghan. Il a attendu deux ans et demi avant d’obtenir l’asile et de suivre un programme de formation certifiante de commis de cuisine portée par Akto, en consortium avec Envergure et le Refugee Food. Sur trois ans, plus de 270 réfugiés comme lui suivent ce cursus à Paris, Rennes, Strasbourg, Mulhouse et Dijon. En plus de l’apprentissage de la cuisine, ils bénéficient de cours de français et d’une aide à la recherche d’emploi. Sherzad Noorzad n’en a pas eu besoin. Il vient de signer un CDI à la brasserie Dubillot, rue Saint-Denis, où il avait fait des stages. Une nouvelle vie pour le trentenaire qui partage une chambre avec deux autres personnes dans un foyer et peut désormais chercher un logement. « Avoir Sherzad est un enrichissement pour nous tous qui sommes issus du même cercle d’écoles parisiennes, cela nous fait ouvrir les yeux sur d’autres manières de travailler », se réjouit Baptiste Zwygart, le chef de la brasserie qui peine à recruter.

Depuis la réouverture des restaurants, le taux d’insertion en emploi des nouveaux commis de cuisine est encourageant. Il l’est également sur une autre formation, Tournesol, initiée par le Refugee Food il y a un an à titre expérimental. Elle prépare au diplôme d’employé technique de restauration et ouvre sur des débouchés en restauration collective, aussi bien dans les Ehpad et les hôpitaux qu’en entreprise ou dans les cantines scolaires. « Cela émanait d’une envie des bénéficiaires que nous accompagnons qui, pour certains, ont choisi ce secteur en raison des horaires plus compatibles avec une vie de famille, et cela représentait aussi un besoin pour les entreprises », indique Valentine Pia, responsable coordination et insertion professionnelle. Onze des douze stagiaires de la première promotion de mars 2021 ont trouvé un emploi.

Auteur

  • N. T.