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SIRH : Cap sur l’expérience collaborateur optimisée !

Le point sur | publié le : 20.12.2021 | Gilmar Sequeira Martins

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SIRH : Cap sur l’expérience collaborateur optimisée

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

 

Secoués par la crise sanitaire, les systèmes d’information RH (SIRH) accélèrent leur digitalisation tout en entamant une démarche de fiabilisation des données, ouvrant la voie à une expérience collaborateur optimale et à une utilisation croissante de l’IA.

La crise sanitaire a infligé un choc aux SIRH. « Du fait de l’ampleur du télétravail et de la rapidité de mise en œuvre de cette nouvelle modalité d’organisation, les outils traditionnels, qui impliquaient tout un process RH, se sont révélés inadaptés, résume Matthieu Durif, directeur chez Cornerstone. Il a fallu aussi personnaliser l’expérience collaborateur car les salariés se sont retrouvés en télétravail sans référent évident. Et il a fallu mettre à leur disposition des outils d’assistance. » Autre impact majeur : la prise de conscience d’une certaine fragilité. « Beaucoup d’entreprises lancées dans la course à la sophistication ont constaté qu’elles n’avaient pas assez réfléchi à l’architecture de leur SIRH, explique Patrick Storhaye, dirigeant du cabinet Flexity. Elles ont réalisé qu’il fallait penser à la combinaison applicative pour que les SIRH ne soient pas simplement un empilement d’applications et deviennent des ensembles cohérents. »

Très concrètement, la crise sanitaire va d’abord accentuer la migration vers des systèmes hébergés dans le « cloud ». « Le cloud devient majoritaire parmi les entreprises de mid-market et, fait nouveau, les grandes entreprises commencent à s’y intéresser, aussi bien dans le privé que dans le public », note Véronique Montamat, directrice marketing et prospective de Sopra HR.

Croissance du mode SaaS

Même la paie, base historique de ces systèmes, est touchée par cette tendance. « Beaucoup d’entreprises se posent des questions sur leurs outils mais aussi sur leurs organisations de paie, note Philippe Pauwels, directeur associé d’Althéa. Les projets lancés actuellement sont couplés à une réflexion sur l’organisation qui peut mener à la création de centres de services partagés (CSP), physiques ou virtuels, voire au Business Process Outsourcing (BPO). » La solution choisie dépend de la maturité de l’entreprise et de la façon dont elle a passé la crise sanitaire. Philippe Pauwels estime par ailleurs que l’entrée dans un cycle économique soumis à des retournements très rapides des situations ou des besoins opérationnels vient renforcer cette tendance : « Les DRH devant faire preuve de plus d’agilité, cela les amène à adopter des solutions SaaS pour absorber des évolutions rapides comme celles vécues durant le confinement. Aujourd’hui, le marché de la paie est environ à 60 % en SaaS. En 2025, il est possible que 85 % du marché soit en mode SaaS. »

La digitalisation figure aussi parmi les priorités des DRH, souligne Gérard Pietrement, fondateur et secrétaire du Cercle SIRH : « Cela tient à l’importance croissante de jeunes entreprises offrant des outils qui permettent de recueillir le feed-back des collaborateurs, d’animer les équipes, de déployer des chatbots et de l’IA dans des domaines aussi variés que le recrutement, la formation ou la gestion des talents. » Une tendance qui tient elle-même à la propension qu’ont les SIRH à étendre leur périmètre d’action : « Il y a cinq ans, le recrutement était géré par un outil détaché du SIRH, relève Gérard Pietrement. Depuis, les SIRH ont intégré le recrutement, la formation ou la gestion des talents et offrent des fonctionnalités d’onboarding et d’offboarding. »

Fluidifier le digital

Autant d’éléments qui conduisent les DRH à mettre désormais l’accent sur l’expérience digitale. Elle doit pouvoir tenir la comparaison avec ce que les collaborateurs vivent dans leur vie digitale privée, avec des outils simples et intuitifs. L’enjeu est de taille, selon Véronique Montamat : « Aujourd’hui, les SIRH sont tous hybrides, hétérogènes et composites. Il n’est pas rare de voir des SIRH comporter de 10 à 50 applications différentes. Il faut parfois plusieurs applications pour gérer une seule fonction, c’est le cas typiquement de la gestion des talents. L’enjeu est donc de fluidifier l’expérience collaborateur. »

Une mutation qui modifie le centre de gravité des SIRH, souligne Philippe Pauwels : « Cela revient à passer d’un système de processus à un système de services avec un point d’entrée unique qui permet d’obtenir des réponses et d’effectuer des actions simples, mais aussi d’être orienté vers des outils ad hoc pour des demandes plus complexes comme les demandes de formation, etc. » L’objectif est désormais d’aller vers un Employee Relationship Management (ERM). Mais ce n’est que le début du voyage, note le consultant : « Sur une échelle de 10 degrés, je dirais que nous sommes entre 3 et 4 sur les aspects service et mobile des SIRH des entreprises, mais il y a une vraie accélération en cours. »

Toutes ces aspirations, que la crise sanitaire n’a fait que rendre plus pressantes, ont surtout mis à jour la difficulté de concilier une accumulation d’applications spécialisées avec la nécessité de disposer d’informations cohérentes et fiables. L’explosion de la quantité de données disponibles expose les responsables de SIRH à une difficulté majeure, souligne Didier Rouxel, animateur de la commission digitale de l’ANDRH : « Le défi est de mettre en place de nouveaux services tout en conservant la cohérence des données issues des différentes applications. Cela pose la question du “core RH” qui doit reposer sur une base de données fiable dans la durée – sur les personnes, l’organisation, la rémunération. » Dans l’idéal, un tel système doit permettre, avec un seul identifiant, de réunir les données qualitatives (CV, formation, performance) et quantitatives (date d’entrée, salaire, etc.) sur un même collaborateur. Comment y parvenir ? Didier Rouxel estime que certaines entreprises ont déjà « sifflé la fin de la partie » en adoptant les solutions globales proposées par les grands éditeurs, en dépit de leurs inconvénients : « Prises isolément, ces solutions globales peuvent être moins attractives que celles proposées par les start-up. Elles permettent cependant de constituer un core RH cohérent. »

Le HCM au cœur du dispositif

Tout serait pour le mieux si une telle solution pouvait être généralisée. Or tel n’est pas le cas, rappelle Gérard Pietrement : « Le problème numéro 1 des responsables SIRH est de faire communiquer les différents outils, car un SIRH reste souvent un empilement ou un silotage d’applications. Un SIRH comporte généralement au moins un outil de Human Capital Management (HCM), un autre de paie et un autre de reporting. » En arrière-plan, il relève une évolution majeure et structurante pour l’avenir : « Le grand changement, c’est que le core RH était autrefois centré sur la paie et maintenant, il est centré sur le HCM, la paie devenant une fonction dépendante du core RH. L’unicité de l’information se fait au niveau des outils de HCM. » Inévitablement, compte tenu de cette diversité, encore très répandue, les responsables de SIRH attendent des éditeurs une amélioration de la transmission des données entre applicatifs. Un objectif qui exige également une mobilisation interne, ajoute Gérard Pietrement : « Les responsables SIRH ont devant eux un grand chantier de fiabilisation des données qui passe aussi par une plus grande ouverture aux collaborateurs, dans une dynamique de symétrie des attentions. »

Un nouvel horizon commence pourtant à se dessiner, estime Ali Mehnni, responsable transformation data et innovation RH du groupe Française des Jeux : « La généralisation du travail hybride permet de préparer l’étape d’après, c’est-à-dire celle où le SIRH va accompagner les collaborateurs et les managers, et proposer une meilleure expérience collaborateur. » Les SIRH ont en effet vocation à devenir « collaborateur centric » en proposant des offres et des usages simples, user friendly, évolutifs et en mode ATAWAD [NDLR : Any Time, Any Where, Any Device]. Un tel scénario ne se réalisera qu’avec le concours actif du collaborateur, souligne Ali Mehnni : « Le plus important, c’est qu’il devienne un acteur de sa carrière. Cela fonctionnera grâce à la bonne utilisation de la data et en s’appuyant sur de nouvelles technologies comme l’IA, mais il faut que le collaborateur s’en empare, l’utilise et fournisse des données, sur ses compétences et ses appétences par exemple, pour produire un matching efficace. » Autre avantage de ce futur dispositif : le manager pourra aussi mieux voir de quoi son équipe a besoin en termes de formation et le collaborateur peut aussi devenir force de proposition. « Le SIRH peut devenir une aide à la décision, assure Ali Mehnni. Son avenir passera par sa capacité à devenir un outil pour accompagner les collaborateurs, les managers et les RH. » Une perspective qui repose sur un double postulat : l’abondance de données fournies par les salariés et l’efficacité des dispositifs d’IA. Reste à savoir si les premiers se montreront assez coopératifs et les seconds à la hauteur des espoirs croissants qu’ils suscitent.

Start-up, ROI1 et discours RH
Clément Lemainque, manager de l’écosystème des start-up du Lab RH, analyse la dynamique du secteur.

« Les levées de fonds augmentent grâce à une meilleure compréhension des enjeux RH par les fonds d’investissement, dont aucun n’est spécialisé dans les RH. Il y a des thèmes qui sont clairement appréhendés comme la digitalisation des tickets restaurant, la production de la paie ou la gestion des absences. Lorsqu’il s’agit de sujets plus techniques comme l’engagement, la cartographie des compétences ou l’évolution des carrières, les start-up ont du mal à produire un discours “ROIste” classique car la valeur ajoutée est internalisée dans les processus de l’entreprise et donc difficile à isoler et à valoriser. C’est le grand frein aujourd’hui. Le passage au mode SaaS permet de réduire cette difficulté avec l’abonnement. En ayant une visibilité du prix par utilisateur et par an, le calcul de la rentabilité devient plus facile que dans un schéma où il s’agit de quantifier la valeur d’une prestation. »

Consolidation du marché
Fondateur et secrétaire du Cercle SIRH, Gérard Pietrement revient sur les nombreuses opérations en 2021.

« Parmi les événements majeurs de l’année, je soulignerais l’arrivée de fonds de pensions américains sur le marché. SilverLake, qui avait acheté Silae en 2020, a racheté Cegid en 2021. ClearLake a de son côté acheté Cornerstone. Il faut rappeler que le fonds Fidelity avait acheté HR Access il y a une dizaine d’années avant de le revendre à Sopra. Cet intérêt des fonds de pension pour des acteurs majeurs du secteur a du sens, cela signifie que le marché est dynamique et porteur. Les acteurs de ce marché ont aussi réalisé des mouvements clés : Workday a racheté pour 510 millions de dollars Windly, une solution de gestion externalisée des effectifs, et pour 700 millions de dollars Peakon, spécialisé dans le feed-back des collaborateurs. SAP a racheté Swoop Talent, une solution de gestion des flux de données issus de l’apprentissage. Parmi les acteurs de taille plus réduite, il faut noter les levées de fonds de Payfit (90 millions d’euros), de Factorial (80 millions d’euros) et de Silae. »

(1) ROI : Return On Investment

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins