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Interview : « Humainement parlant, ce n’était pas possible, professionnellement non plus »

Le point sur | publié le : 06.12.2021 | Dominique Perez

Depuis la régularisation de Laye, son apprenti boulanger, obtenue à la suite d’une grève de la faim, Stéphane Ravacley, président de l’association Patron-n-es solidaires, a décidé de soutenir les jeunes et les entreprises confrontés à la même problématique. Jusqu’au Sénat…

Vous vous êtes fortement engagé pour votre apprenti, rappelez-nous le contexte et la suite…

Cela fait dix ans environ que l’on trouve peu ou pas d’apprentis dans notre métier. J’ai fait part de cette situation dans les colonnes de l’Est républicain et nous avons reçu une vingtaine de candidatures de jeunes migrants mineurs, par l’intermédiaire d’associations. C’est ainsi que j’ai choisi Laye, pour préparer un CAP de boulangerie en apprentissage, tout s’est super bien passé pendant un an et demi. Et puis, le 25 novembre 2020, à ses 18 ans, la gendarmerie est passée pour lui signifier qu’il devait partir au maximum un mois plus tard. Humainement parlant, ce n’était pas possible, professionnellement non plus. Nous ne sommes que trois au fournil, si l’on m’enlève un gars, cela me pose un vrai problème. J’avais signé un contrat d’apprentissage en bonne et due forme, reconnu par l’État, je ne voyais pas où pouvait être le problème ! Le 3 janvier 2021, je me suis mis en grève de la faim, jusqu’à la régularisation de Laye, au bout de 11 jours. J’ai alors reçu des appels de patrons de toute la France, dans la même situation. Certains pleuraient même parce qu’ils risquaient de devoir fermer leur entreprise. Et une autre boulangère, Patricia Hyvernat, s’est elle aussi mise en grève de la faim. Depuis, nous allons en soutien de ces patrons dans toute la France. L’association comprend déjà une centaine de membres et a pris un permanent. Nous recevons en moyenne un appel par jour…

Vous avez alerté les organisations d’employeurs…

J’ai contacté des fédérations professionnelles, la chambre d’artisanat, des syndicats professionnels… Certains m’ont reçu, mais la voie était quand même très obstruée. On m’a parlé de la peur de « l’appel d’air ». J’étais abasourdi… Mais il semble que même les grandes entreprises soient concernées. Cela fera peut-être avancer les choses si elles s’expriment. Je suis prêt à rencontrer tout le monde. Il faut réunir nos forces pour y arriver.

Comment réagit la sphère politique ?

Un sénateur socialiste, Jérôme Durain, est venu me voir pour me dire que mon combat l’intéressait et qu’il pouvait peut-être m’aider. On a tenté l’aventure en faisant une proposition de loi. Le 13 octobre 2021, le texte a été rejeté, par 237 voix contre et 107 pour. Mais en marge, beaucoup de sénateurs sont venus me voir, pour me dire qu’ils étaient confrontés à la même situation dans leur région, même s’ils avaient voté contre le projet de loi. Officiellement, dans le contexte, ils ne pouvaient pas voter pour…

Les propositions du projet de loi dit « Ravacley » en bref

Permettre la délivrance d’une carte de séjour temporaire, dans l’année qui suit les 18 ans, aux étrangers confiés au service de l’Aide sociale à l’enfance entre l’âge de 16 et 18 ans, qui suivent depuis au moins six mois une formation destinée à leur apporter une qualification professionnelle, ou qui justifient suivre depuis au moins six mois un enseignement en France ou y faire des études, même si cette formation n’est pas destinée à leur apporter une qualification professionnelle (carte de séjour étudiant). Ces délivrances seraient conditionnées « au caractère réel et sérieux du suivi de la formation et à l’avis de leur structure d’accueil sur leur insertion dans la société française ».

Auteur

  • Dominique Perez