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Le fait de la semaine

Lutte contre les discriminations : Une nouvelle génération plus attachée aux droits humains

Le fait de la semaine | publié le : 06.12.2021 | Nathalie Tissot

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Lutte contre les discriminations : Une nouvelle génération plus attachée aux droits humains

Crédit photo Nathalie Tissot

À l’occasion de la journée internationale des droits de l’Homme, le 10 décembre, Entreprise & Carrières se penche sur l’engagement des entreprises. Si le devoir de vigilance en a mis certaines au pied du mur, d’autres agissent volontairement.

Le marché du travail continue de discriminer : un candidat au nom à consonance maghrébine « doit envoyer 1,5 fois plus de CV » pour obtenir le même nombre de rappels de la part des recruteurs qu’un candidat considéré comme d’origine non étrangère… C’est le constat d’une vaste enquête menée par l’Institut d’études du ministère du Travail publiée juste avant la journée internationale des droits de l’Homme, le 10 décembre, alors que la lutte contre les discriminations et le respect des droits humains sont de plus en plus exigés par les consommateurs et les investisseurs. Des engagements qui doivent également inclure les filiales à l’étranger.

C’est tout le sens du devoir de vigilance (lire encadré), instauré en France dès 2017, faisant de l’Hexagone un pays pionnier en Europe. Il a ouvert la voie à une réponse judiciaire en cas de dérives. Des postes consacrés aux droits humains ont ainsi émergé dans certaines entreprises, pour une réflexion sur le salaire vital, les socles de protection sociale ou le respect des communautés locales. Mais, selon l’avocat William Bourdon, fondateur de Sherpa, association visant à protéger et défendre les populations victimes de crimes économiques, « une grande majorité des dirigeants de multinationales continuent de faire du “washing” avec des engagements RSE parfois très sophistiqués pour mieux masquer le fait que leurs filiales ou leurs fournisseurs ont des pratiques contraires à ce qu’ils promeuvent ». L’avocat concède cependant que des évolutions se font jour. « Nous rencontrons des global managers qui ont compris que cette loi est un atout. En les obligeant à anticiper davantage le risque, elle a vocation à limiter la probabilité de dommages et de réparations », souligne-t-il, pour ajouter qu’il y a « une nouvelle génération de jeunes beaucoup plus sensibles aux questions sociétales et de cadres qui, en interne, sont exigeants sur le respect sincère de ces obligations ».

Global Compact

Si certaines entreprises se plient désormais à la loi, d’autres sont « natives ». C’est le cas de Panafrica. « Nous ne voulions pas créer un Nike bis », relève Vulfran de Richoufftz, cofondateur, avec Hugues Didier, de la marque de baskets éthiques, en 2015. « Nous avons déconstruit une paire de baskets pour aller chercher des fournisseurs dans les pays de production, créer des partenariats et un produit qui offre une réelle transparence auprès de nos consommateurs », poursuit l’entrepreneur, qui produit 40 000 paires par an. Les deux cofondateurs ont ainsi décidé de transformer le coton localement au Burkina Faso. Idem pour le tissu wax et le batik en Côte d’Ivoire et au Ghana, ainsi que le cuir et l’assemblage au Maroc. Et ils veillent au grain… « Pour faire respecter le cahier des charges, il faut se rendre souvent sur place, pour vérifier qu’un an après ce qu’on vous a dit, ce soit toujours valable », avertit le trentenaire qui dénonce certains ateliers d’autres marques, où les températures avoisinent 35 °C et où les employés ne peuvent aller aux toilettes que deux fois par jour… Ainsi, de grandes marques « se protègent avec des contrats fournisseurs stipulant : pas de travail des enfants ou autre. Mais le problème n’est pas tant l’échelon un de la sous-traitance, ce sont plutôt les échelons deux et trois », déplore-t-il. « Depuis l’effondrement du Rana Plaza, les grilles d’audit social se sont renforcées, mais elles sont encore imparfaites », abonde Anthony Ratier, responsable droits humains et éthique à Global Compact France, faisant référence à la mort de plus de 1 100 ouvriers et ouvrières textiles au Bangladesh, en avril 2013.

L’association, déclinaison du Global Compact des Nations unies, rassemble 1 500 entreprises – dont 60 % de PME – autour de dix principes, dont le respect des droits des communautés autochtones et de la liberté syndicale et la lutte contre le travail des enfants, le travail forcé et tout type de discriminations. Mais encore faut-il, pour les salariés concernés, pouvoir dénoncer les abus. « Les systèmes d’alerte vont prendre de plus en plus d’importance avec la transposition de la directive européenne sur les lanceurs d’alerte », assure le responsable droits humains et éthique.

Pro bono

Venir en aide aux plus démunis et aux organisations qui défendent ces droits humains, c’est aussi l’objectif du pro bono, conseil juridique volontaire et gratuit, qui se développe de plus en plus. Claire Donse, responsable du pro bono et associée au cabinet international DLA Piper, et son équipe dispensent par exemple des formations pour des avocates népalaises et accompagnent des réfugiés dans leur demande d’asile et à ce titre, labellisé ImpactIndex par ChooseMyCompany. « À l’échelle internationale, environ 70 % des avocats participent. Les jeunes, en particulier, ont envie de travailler dans un cabinet qui valorise les actions engagées pour l’accès aux droits, la protection des droits humains, de l’environnement, l’insertion et le soutien des plus exclus », se félicite l’avocate.

Le devoir de vigilance

En France, la loi sur le devoir de vigilance, adoptée en 2017, contraint les sociétés françaises et leurs filiales employant plus de 5 000 salariés, ou 10 000 salariés dans le monde, à élaborer, publier et mettre en œuvre un plan de vigilance. Il doit comprendre une cartographie des risques d’atteintes aux droits humains, aux libertés fondamentales, à l’environnement, à la santé et à la sécurité des personnes destinée à les identifier, les analyser et les hiérarchiser ; une procédure d’évaluation régulière des situations des filiales, sous-traitants ou fournisseurs ; des actions adaptées d’atténuation de ces risques ; la mise en place d’un mécanisme d’alerte et un dispositif de suivi des mesures. En 2021, Sherpa, CCFD-Terre Solidaire et Amnesty International France ont recensé 263 entreprises soumises à cette loi dont 44 n’ont toujours pas publié de plan de vigilance. Six entreprises (Total en Ouganda, Teleperformance [pour certaines filiales, en Colombie, au Mexique ou aux Philippines, notamment], XPO Logistics Europe, EDF au Mexique, Casino en Amazonie et Suez au Chili) ont été assignées en justice. L’avocat William Bourdon espère des premières décisions dès 2022. Parallèlement, des débats sont en cours pour étendre ce devoir de vigilance au niveau européen.

Auteur

  • Nathalie Tissot