On en parle de plus en plus, mais nous avons, à l’Apec, fait une étude sur l’évolution des pratiques dans le recrutement, et ce n’est pas encore un comportement mis en pratique. La crise a changé les habitudes sur les entretiens en visio, mais la sélection reste fondée sur le parcours professionnel et les compétences techniques. Dans notre dernière étude trimestrielle, à la question du principal critère qui a mené à l’embauche du dernier cadre recruté, les entreprises répondent (plusieurs réponses possibles) à 46 % : le parcours professionnel, à 45 % : les compétences techniques, à 30 % : la motivation, à 27 % : l’adéquation à la culture d’entreprise, à 23 % : le diplôme, puis viennent les soft skills avec l’adaptation, le relationnel…
Elles sont importantes mais, en temps de crise, les entreprises ont besoin de se rassurer, de sécuriser leurs recrutements et elles recherchent l’opérationnalité immédiate. Elles se tournent donc vers le diplôme ou les expériences dans le même domaine. Vers quelque chose qu’elles connaissent, en somme. C’est plus compliqué avec les soft skills car ce sont des compétences transversales, liées au relationnel, au cognitif et en conséquence, plus difficiles à évaluer. Mais les soft skills apparaissent si un recruteur hésite entre deux candidats.
Avant, les compétences étaient un « stock » : elles servaient pendant des années. Aujourd’hui, l’OCDE nous dit que les compétences techniques ont une durée de vie de deux ans de demi, ce qui en fait un « flux ». Si les compétences hard restent clés, surtout pour les cadres experts, les entreprises ont aussi besoin d’autres dimensions, le digital, la gestion de projet, le juridique, la compréhension des enjeux de l’entreprise… Cela ne suffit plus d’être expert d’un métier, dans l’univers très changeant que l’on s’apprête à connaître, les employeurs ont besoin de collaborateurs hyperadaptables, capables de résoudre des problèmes de plus en plus complexes, même si les compétences techniques et le parcours professionnel restent.
Les fonctions se sont complexifiées et l’on attend de ces profils une forte valeur ajoutée, notamment pour trois profils : informatique, commercial et technico-commercial et R&D. On voit aussi de plus en plus d’organisations matricielles où tout fonctionne en mode projet, ce qui implique que les cadres doivent savoir gérer des projets, communiquer, travailler en équipe. Le geek derrière son écran est une image révolue, même un bon développeur doit savoir écouter et traduire la demande de son client. Et pour la première fois, en France, le nombre de cadres dépasse celui des ouvriers, du fait de la robotisation. Les soft skills permettent d’occuper de nouveaux postes, que l’on ne connaît pas encore forcément – d’où l’importance de les avoir ou de les développer.
Les entreprises font appel à l’IA à travers des outils – nombre d’entreprises et de start-up s’y sont d’ailleurs engouffrées pour proposer des solutions permettant de déceler les soft skills – ou passent par de la mise en situation concrète en entretien pour voir comment les candidats réagissent. Recruter est un métier et les recruteurs font passer des tests de personnalité. À l’Apec, nous nous formons et nous formons les entreprises pour qu’elles améliorent la qualité de leur questionnement et leur analyse des réponses des candidats afin de mieux les cerner. Même si la dimension des soft skills reste difficile à repérer, surtout si l’on n’est pas spécialisé…
Tout à fait. Cela peut ouvrir des portes à des individus qui ont changé de métier, n’ont pas le bon nom ou la bonne adresse, et permet d’éviter les clones. Et quand la diversité est bien gérée, on a une entreprise performante. Si on cherche un comptable, il doit savoir faire un bilan, évidemment, mais s’il sait communiquer, il parlera aussi autrement aux commerciaux… Cela doit être un projet d’entreprise, poussé par le dirigeant. Il y a des entreprises qui recrutent sans CV. J’y crois car le monde est multiple, et pour le comprendre, il faut des talents multiples au sein des entreprises.