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La crise a renforcé l’importance des soft skills pour les cadres

Le point sur | publié le : 29.11.2021 | Lucie Tanneau

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Compétences : La crise a renforcé l’importance des soft skills pour les cadres

Crédit photo Lucie Tanneau

 

Depuis plusieurs années, les compétences comportementales sont mises en avant – sans toutefois avoir pris le pas sur la tradition bien française des diplômes et des hard skills. En rendant plus nécessaires l’adaptabilité et l’autonomie de tous et notamment des managers, la crise pourrait changer la donne.

Les propositions de formations touchant aux soft skills, ces compétences humaines et comportementales de plus en plus prisées par les employeurs, abreuvent les boîtes mail. Un exemple ? « Apprendre à bien communiquer pour s’adapter à un nouveau type de prise de parole virtuelle », illustration parmi d’autres de ce que les entreprises attendent de leurs cadres. « Le dirigeant doit travailler ses soft skills pour convaincre à l’oral à travers un écran, déclarent ainsi les experts du cabinet spécialisé en stratégie orale Whistcom, qui propose cette formation. Les évolutions du travail provoquées par la crise sanitaire ont fait des soft skills des aptitudes clés dans le recrutement de nouveaux collaborateurs aux postes de direction. »

« Avec l’augmentation du télétravail et du management à distance, les entreprises ont besoin de collaborateurs ayant des compétences de gestion du temps et des priorités, capables d’auto-motivation et sachant bien communiquer, résume pour sa part Adrien Scemama, dirigeant de Talent.com, une plateforme qui référence plus de deux millions d’offres d’emploi. Sur notre moteur de recherche, huit offres sur dix citent les soft skills. » Avec trois compétences principales demandées : le sens de l’organisation, la motivation et la rigueur. « Les compétences valables il y a cinq ans sont aujourd’hui dépassées. Il faut donc être doté de soft skills pour être capable d’apprendre à s’adapter », explique-t-il. Sans oublier qu’au-delà de cela, managers et dirigeants doivent non seulement passer en mode hybride mais aussi répondre à l’incertitude et s’adapter à des marchés changeants…

Et si, comme le souligne Michel Barabel, maître de conférences à l’université Paris Est et chercheur à l’Institut de recherche en gestion, « le constat est vrai pour les ouvriers qui doivent savoir s’adapter face à la robotisation, il l’est davantage pour les cadres, dans un monde où les collaborateurs sont plus éduqués qu’il y a 50 ans et où le management est plus partagé et ne s’appuie plus sur le seul niveau hiérarchique ou les compétences techniques. » Pour les cadres experts, « il faut davantage de capacité de veille, d’apprentissage, d’esprit critique, de faculté à collaborer et à adopter des postures réflexives », analyse-t-il.

Cela dit, « la progression des soft skills dans le recrutement des cadres n’est pas nouvelle, ni une conséquence de la crise de la Covid-19, poursuit-il. Elle est enclenchée depuis plus de 20 ans. Et même si la France a un vrai attachement aux hard skills, l’équilibre est en passe d’être modifié. »

Expertise ou potentiel ?

De fait, « le diplôme prend moins de place car le recruteur cherche plutôt un potentiel qu’une expertise, constate Adrien Scemama. Les soft skills sont de ce fait de plus en plus recherchées lors des recrutements et sont même parfois décisives. » Les critères de sélection et les attentes des deux parties, candidats et employeurs, ayant évolué avec la crise sanitaire, « le matching est plus compliqué », ajoute-t-il.

Afin de trouver la perle rare dans un marché de cadres en pénurie, les recruteurs cherchent donc à détecter ces nouveaux atouts chez les candidats. En témoigne la floraison de terminologies pour les désigner : qualités professionnelles ou personnelles, compétences non académiques, compétences non cognitives ou socio– émotionnelles, traits de personnalité, compétences comportementales… « Associées initialement aux emplois de service dont les compétences ne sont pas toujours garanties par un diplôme ou une qualification, comme les métiers du nettoyage, elles se sont progressivement étendues à l’ensemble des emplois, y compris ceux de l’industrie, notamment du fait de la diffusion des nouvelles technologies et de l’implication croissante du client dans le processus de production », confirme la Dares dans son étude Les critères de sélection du candidat : un résumé du processus de recrutement selon le métier (étude de Bertrand Lhommeau et Véronique Rémy, septembre 2021). Avec une réelle différence pour les postes de cadres…

Le diplôme et l’expérience permettraient donc toujours de faire le premier tri de candidats, mais « l’intelligence artificielle (IA) et les données sont en développement et la crise de la Covid-19 a poussé à utiliser des outils pour créer de la data numérisée, afin de faire du prédictif et de l’analyse. Après les assessment centers (centres d’évaluation) et les mises en situation, on voit ces pratiques arriver dans le recrutement », constate en effet Michel Barabel qui nuance cependant immédiatement son propos : « Il y a une inertie, le changement se fera par paliers, nous n’en sommes qu’au tout début. »

Contrats collectifs

En parallèle, une autre méthode de recrutement se fait jour afin de mieux déceler les soft skills du candidat : le recrutement collégial. « Avant, le recrutement était l’affaire des RH et du manager. Désormais, on voit des entretiens avec les collègues, des cafés plus informels… cela privilégie le matching culturel », complète-t-il. Ainsi de la société Michel &Augustin, dont les recrutements prévoient plusieurs temps informels, voire des projets de travail pour tester la compatibilité du candidat avec ses futurs collègues. « Certaines entreprises recrutent aussi non plus en fonction des compétences individuelles du candidat, mais des besoins en compétences de l’équipe, ajoute Michel Barabel. Par exemple, pour un poste RH, plutôt que de chercher un remplacement en poste à poste, on va regarder les compétences sociologiques ou psychologiques ou en IA du postulant pour voir ce qu’il peut apporter à l’équipe. » Sony a, dans cette optique, expérimenté les recrutements par équipe, avec des contrats de travail collectif. « Les entretiens, CV et systèmes de recommandations existent toujours, constate cependant Michel Barabel, mais ils ne correspondent plus vraiment à ce que l’on veut vérifier… »

L’ascension d’acteurs de l’emploi comme Welcome to the Jungle, qui mise sur le collectif, le confirme : les entreprises s’attachent à cette dimension : le candidat rejoint une équipe plus qu’une entreprise. Il doit savoir s’y intégrer et apporter sa plus-value – qui ne peut plus seulement être technique…

Auteur

  • Lucie Tanneau