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Le fait de la semaine

Améliorer les passerelles entre Esat et milieu ordinaire

Le fait de la semaine | publié le : 29.11.2021 | Nathalie Tissot

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Insertion : Améliorer les passerelles entre Esat et milieu ordinaire

Crédit photo Nathalie Tissot

 

Accompagnements et formations doivent permettre aux travailleurs handicapés qui le souhaitent de poursuivre leur parcours professionnel en entreprise classique. Reportage à l’Esat de Châtillon.

Rennes en bois et autres objets de décoration orneront bientôt les sapins. Certains auront été fabriqués par les travailleurs de l’Esat de Châtillon (Hauts-de-Seine), créé en 2001 par la Fondation des Amis de l’Atelier. Cette dernière accompagne depuis 60 ans des personnes en situation de handicap psychique, mental ou avec autisme.

À l’heure de la pause de l’après-midi, au sein de cet Esat situé dans une ancienne usine, certains salariés en profitent pour se reposer dans une salle dédiée. Les traitements qui les stabilisent sont parfois contraignants, fatigants. Alors qu’ils s’apprêtent à reprendre leur poste, Nadège et Patrick se prêtent au jeu des questions-réponses. « Ça fait 20 ans que je suis dans la boîte, j’ai fait l’ouverture ! », s’enorgueillit Patrick, dans sa blouse grise. Il y a trouvé la bienveillance qu’il n’avait pas rencontrée lors de sa précédente expérience professionnelle, en maison de retraite. « C’est mieux ici, car en milieu ordinaire, on n’est pas protégé par tout le monde », souligne-t-il.

Une fois l’école terminée, certaines personnes en situation de handicap psychique, mental ou avec autisme peinent à s’insérer sur le marché du travail – comme Clément, arrivé il y a six mois. En pleine découpe dans l’atelier de menuiserie, il s’arrête pour montrer fièrement une table d’écolier réalisée avec des palettes recyclées. Lui aussi confie se sentir « plus à l’aise » à l’Esat.

Pourtant, comme une quinzaine d’autres salariés parmi les 90 que compte la structure, il a émis le souhait de rejoindre le milieu ordinaire. Depuis 2018, les directives politiques imposent davantage d’ouverture vers l’extérieur, conformément aux recommandations de la convention de l’ONU sur les droits des personnes handicapées. « Nous n’allons au forcing avec personne, il faut vraiment que ça vienne d’une envie, sinon ça ne marche pas, prévient cependant Charles-Henri Rey, le directeur de l’Esat de Châtillon. Notre objectif est d’accompagner les personnes dans leur projet professionnel, quel qu’il soit. »

À l’autre bout de l’atelier de menuiserie, sur un grand établi, Laurent, lunettes sur le nez, façonne avec minutie les décorations de Noël en bois, destinées aux entreprises mais également aux particuliers. Ses qualités manuelles l’ont conduit ici il y a trois ans. « J’ai eu un accident professionnel après avoir exercé mon métier pendant 20 ans, témoigne cet ancien dessinateur industriel. Peut-être ai-je une fragilité mais mon métier m’a rendu malade. J’ai vécu des moments un peu durs, mes collègues de l’époque aussi, se souvient-il. Moi, j’ai craqué, peut-être que, psychologiquement, je n’étais pas assez fort pour tenir… » Depuis, l’Esat lui a permis de « repartir sur des bases saines. Il n’y a pas de pression, pas de méchanceté », apprécie ce quinquagénaire qui suit un programme de réinsertion dans le milieu ordinaire avec une coach qui l’aide à rédiger son CV et à préparer ses entretiens. Laurent projette de se reconvertir dans le domaine de l’animation, mais il reste lucide. « Il ne suffit pas d’aimer les enfants, il faut aussi savoir s’en occuper, être attentif », tempère-t-il. Ses prochains stages devraient lui permettre de vérifier si ce métier lui correspond avant de préparer le brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur (Bafa) et de trouver un nouveau poste. Une autre étape dans laquelle l’accompagnement est essentiel.

« Le handicap psychique peut engendrer des peurs chez les employeurs, on peut comprendre qu’ils soient prudents, reconnaît Charles-Henri Rey. Il y a un travail de sensibilisation à faire. » Dans cet objectif, la Fondation des Amis de l’Atelier a lancé un événement en 2018 sur le modèle du Duoday.

Duo2

Mais à l’inverse d’un salarié d’entreprise conventionnelle qui accueille une personne en situation de handicap, le Duo2 propose aux salariés du milieu ordinaire de venir à l’Esat partager une journée avec l’un de ses travailleurs. Ces initiatives « permettent de casser les barrières », selon Charles-Henri Rey, qui mise aussi sur une montée en puissance de la formation des travailleurs.

Depuis qu’il est directeur, deux salariés ont été embauchés en CDI dans des restaurants classiques. Eddy, qui travaille sur les espaces verts, espère lui aussi poursuivre son parcours à l’extérieur de la structure. « Dans une collectivité locale pour commencer », confie-t-il au retour de sa journée de travail, bonnet vissé sur la tête. « Il faut bien s’envoler de l’Esat au bout d’un moment… », ajoute-t-il, heureux d’avoir « trouvé sa voie ».

Auteur

  • Nathalie Tissot