Par Gilles Gateau directeur général de l’Apec
Qui n’a jamais rêvé de changer de vie… professionnelle ? De se reconvertir ? Et donc de pouvoir se former afin de mettre d’autres cordes à son arc ? La crise sanitaire a renforcé ces aspirations : pour 57 % des cadres, la situation singulière de ces derniers temps a été l’occasion de réfléchir très sérieusement à leurs projets professionnels.
Dans ce sens, la création en 2014 du compte personnel de formation (CPF) – issu d’un accord interprofessionnel, il faut le rappeler, aussitôt consacré par la loi – a été une grande réforme. Non parce que celui qui écrit ces lignes y a apporté sa modeste contribution, mais parce qu’elle a – enfin – instauré la portabilité des droits à la formation, qu’avant on perdait d’un coup chaque fois que l’on quittait un emploi.
Cette grande réforme s’est poursuivie : l’accès au CPF est aujourd’hui facilité par une plateforme digitale « Mon compte formation », formidable outil – dont on fête les deux ans d’existence – qui permet à chacun, quasiment en un clic, de choisir sa formation et surtout, de créer son parcours de formation en fonction de ses contraintes professionnelles et personnelles.
En quelques années, le CPF a contribué à mettre au cœur des débats la question des compétences et de l’employabilité. Un pari risqué car sans certitude au départ, mais un pari en passe de réussir. Le CEP – Conseil en évolution professionnelle – est un des outils de cette réussite, mais attention à ne pas en faire un point de passage obligé ! Alourdir inutilement l’accès à la formation de celles et ceux qui savent parfaitement ce qu’ils ou elles veulent, saturer l’offre de CEP alors que pour beaucoup – cadres ou non – une réflexion sur son évolution professionnelle ne passe pas obligatoirement par la mobilisation de son CPF serait un double contresens.
Mais si la question des compétences et de l’employabilité se pose aux actifs, elle concerne aussi au premier chef les entreprises, car elle est un outil stratégique. À deux titres au moins.
La formule n’est pas très originale, mais elle est vraie : notre monde va vite, de plus en plus vite. Et dans ce contexte de mutations accélérées – technologiques, économiques et réglementaires -, investir dans la formation de ses salariés est pour une entreprise le meilleur moyen de préparer l’avenir, d’adapter les collaborateurs aux transformations des métiers actuels, et plus encore de les former à ceux de demain. Pour dire les choses autrement : pour être performant, il est souvent mieux de « générer » en interne de nouvelles compétences plutôt que d’aller les chercher sur un marché de l’emploi de plus en plus tendu. Aujourd’hui, il est difficile, voire très difficile, de recruter sur les métiers en émergence, par exemple ceux liés à la data ou à l’usine du futur.
Former en interne, c’est valoriser ses propres ressources. Valoriser dans tous les sens du terme y compris mettre en valeur. Car permettre à chacun de gagner en compétences, d’évoluer dans son métier ou de faire évoluer son métier est une source de motivation et de fidélisation. Investir dans la formation, c’est éviter que des collaborateurs ayant le sentiment d’avoir fait « le tour de leur poste » aillent chercher ailleurs un surcroît d’intérêt. Alors que seulement 22 % des cadres ont déjà eu recours à leur CPF, il est donc important de les accompagner dans leurs réflexions. L’Apec s’y emploie.
Investir dans les compétences, c’est aussi – deuxième composante stratégique – investir dans la performance sociale de l’entreprise. La formation est le moyen le plus sûr de maintenir dans l’emploi des salariés potentiellement fragilisés par les évolutions du marché du travail. C’est notamment le cas des cadres seniors, ressources que les entreprises ont tout intérêt à valoriser, comme le préconisent tous les rapports qui se succèdent sur le sujet.
Car changer de vie, et de fonction, cela s’apprend. Et cela s’apprend à tous les âges.